Réguler les métavers : un enjeu pour notre souveraineté

Alors qu'un rapport sur le développement des métavers vient d'être remis au gouvernement, le Cercle Montesquieu propose des pistes pour construire une réglementation applicable à ces espaces.

Alors qu’un rapport sur le développement des métavers vient d’être remis au gouvernement, le Cercle Montesquieu ,qui représente les directeurs et directrices juridiques au sein des entreprises et qui a contribué à sa rédaction, propose des pistes pour construire une réglementation française et européenne applicable à ces espaces. L’enjeu est de se doter de normes juridiques claires, capables d’intégrer et de garantir les principes fondamentaux de souveraineté et de démocratie.

Un défi réglementaire pressant

Ces nouveaux espaces se développent rapidement. Diverses expériences humaines migrent ou pourraient prochainement migrer vers ces mondes virtuels immersifs et autonomes. De plus en plus intéressés, les acteurs économiques sont nombreux à y voir des opportunités de développement notamment en ce qui concerne les relations qu’ils entretiennent avec le marché, leurs clients et leurs employés.

Transcendant le cadre national et présentant ainsi pour les parties prenantes le risque de devoir se conformer aux lois et aux règlementations de plusieurs juridictions, les métavers soulèvent des défis juridiques et règlementaires complexes et mouvants, au gré de leurs évolutions technologiques ainsi que des usages des utilisateurs et des entreprises.

Ainsi, face à ce développement, il nous faut préserver notre souveraineté. Il nous faut refuser de subir les choix étrangers, qu’ils soient américains ou asiatiques, porter et promouvoir notre vision propre du monde dans la réalité virtuelle du XXIe siècle. L’enjeu est de taille ; il s’agit d’y intégrer les valeurs européennes de liberté, de garantir autant que faire se peut la sécurité de tous, citoyens et entreprises.

Un besoin urgent de règlementation nationale

La Commission européenne a déjà fait part de sa volonté d’établir un corpus juridique lisible tout en garantissant les règles fondamentales relatives à la sécurité, à la liberté d’accès et de transférabilité entre plateformes. Quelques droits s’appliqueront dans ce nouvel espace (RGPD, DSA, DMA). Toutefois, il est aussi urgent d’amorcer au niveau national une réflexion sur les enjeux juridiques.

A cet égard, deux enjeux principaux se démarquent :

1.     La protection des données des utilisateurs

2.     La protection du droit de créer et d’innover

Au sein des métavers, les données des utilisateurs seront en effet exposées à des risques multiples, liés à leur transfert d’une application à une autre ; la personnalisation de l’expérience se faisant selon leurs profils et préférences, intégrant notamment leurs données biométriques, leur localisation physique, leurs activités ainsi que des informations sur leurs situations financières, etc. En ce sens, les technologies publicitaires et de l’environnement Ad Tech (Advertising Technologies) représentent une première source d’inspiration règlementaire : elles permettent notamment de vivre des expériences personnalisées, la collecte et le transfert de masse énorme de données personnelles, reposent sur un ensemble de contrats standard, de politique de protection et de conservation des données et de formulaires de consentement des utilisateurs.

Par ailleurs, le déploiement des métavers aura un impact clair sur la gestion et la protection  des droits d’auteur et des marques, qui sont un atout majeur en matière d’innovation et de création pour les entreprises. Il apparaît en ce sens que la plupart des contentieux initiés à date, en particulier aux Etats-Unis, portent sur des violations alléguées aux droits de propriété intellectuelle. Ainsi, concernant la protection et la défense des marques, il serait judicieux d’effectuer de nouveaux dépôts de marques en étendant les libellés existants afin de protéger les biens numériques dans les métavers. De la même manière, les marques gagneraient à acquérir rapidement les noms de domaines accessibles dans la blockchain (nouvelles extensions « .crypto » et « .eth », sachant que ces noms ne peuvent pas faire l’objet d’une procédure de récupération).