Comment manager des managers ?

Ancien national managing partner du cabinet Linklaters France, Paul Lignières partage une solution simple et éprouvée pour manager les managers. Y compris soi-même.

Lorsque j'ai été nommé National Managing Partner du cabinet Linklaters France, je suis parti du principe que je consacrerais jusqu'à cinq heures par jour à des responsabilités de gestion, les cinq autres heures de la journée devant être consacrées à mes clients.  Lorsque j'ai été reconduit dans mes fonctions, j'ai réduit le temps consacré à la gestion à un maximum de trois heures par jour.

II n'est pas facile de concilier travail avec les clients et responsabilités de gestion. Nous proposons ici quelques conseils pratiques pour y parvenir.

Ma nouvelle approche

Afin de démarrer cette nouvelle approche :

  • J’ai établi un business plan stratégique - incluant des objectifs pour le bureau comme but commun afin d’éviter que chacun se pose des questions fondamentales en permanence sur les orientations générales du cabinet.
  • J’ai clarifié le rôle de management avec une véritable fiche de poste.
  • J'ai affiché le business plan et la fiche de poste clarifiant mon rôle en tant que managing partner sur le mur de mon bureau - cela m'a servi d'aide-mémoire pour moi-même et pour les autres. Les dirigeants cherchent, en effet, souvent à traiter de s'occuper de tous les problèmes qui se présentent à eux sous prétexte qu’un dirigeant doit nécessairement mieux faire que les autres, ce qui est largement erroné. En effet, dans de nombreux cas, il y a quelqu'un de plus indiqué que le dirigeant pour traiter la ces questions.
  • J’ai demandé à mes interlocuteurs de d’abord chercher à résoudre leurs propres problèmes et de ne pas d’abord attendre des réponses du « management ». Pour cela, j'ai affiché quatre questions magiques sur mon mur afin que toute personne venant me voir avec un problème puisse se poser la question :
  1. Quel est le problème ?
  2. Quelle est la cause du problème ?
  3. Quelles sont toutes les solutions possibles au problème ?
  4. Quelle solution suggérez-vous ?

Si la personne ne peut pas répondre aux quatre questions, je lui suggère d’y réfléchir à nouveau et lui propose que l'on se reparle ensuite. Je cherche ainsi à ne pas me substituer au rôle de mon interlocuteur tout en lui apportant un soutien, un accompagnement.

Mise en œuvre de cette approche

La communication est essentielle. La reconduction dans mes fonctions fut le moment idéal pour expliquer la nouvelle approche aux associés. Chacun devait être au clair sur ses rôles et ses responsabilités - et moi le premier !

La gestion au quotidien

Dans la hiérarchie des urgences, il est parfois difficile de respecter ce cloisonnement entre l’activité de management et celle dédiée aux clients. Il est aussi délicat de respecter les priorités. Il faut d’ailleurs oser dire que les questions internes de management sont parfois plus importantes que celles des clients car elles peuvent potentiellement affecter directement des 300 personnes et la réputation du cabinet, alors que celles des clients peuvent être parfois moins stratégiques ; il faut donc être flexible. Toutefois, cela doit être l'exception et non la règle : les clients doivent, en principe, rester prioritaires.

Mes conseils pour adopter une approche similaire

Pour adopter une telle démarche, je suggère de poser la question suivante : si demain vous deviez tout arrêter et ne conserver que quelques activités, lesquelles conserveriez-vous ? Définissez où se trouve votre valeur ajoutée, ce qui vous différencie des autres membres de l’organisation, ce que vous faites mieux que d’autres, quelles seraient les cinq tâches auxquelles vous donneriez la priorité. Puis, définissez qui est responsable de quoi dans l’ensemble des autres activités. Enfin, écrivez sur une feuille de papier vos responsabilités et les principales choses sur lesquelles vous vous concentrerez. Affichez clairement cette feuille de papier pour qu’elle soit d’abord opposable à vous-même. C’est aussi une façon de respecter la valeur, l’apport, la singularité des autres membres de l’équipe. Résistez à la tentation de traiter des tâches qui ne vous incombent pas et forcez-vous à vous concentrer sur ce qui l’essentiel pour vous.