Barème Macron : la nécessaire validation d'un référentiel justifié et juste et la nécessaire harmonisation des décisions des juges français

La Cour de Cassation a validé le 11 mai 2022 le barème Macron concernant le plafonnement des indemnités dues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse* (Cass. soc., 11 mai 2022, n°21-14.49).

Cette validation était nécessaire aux regard des inégalités créées par les décisions des juges qui décidaient en fonction de la composition du Conseil de prud’hommes ou de la Cour et selon la ville de France concernée d’appliquer ou d’écarter le barème légal.

La nécessaire harmonisation des décisions des juges français 

Certains conseils de prud'hommes (Grenoble, Reims …), puis les cours d'appel (Bourges et en dernier lieu la Cour d’appel de Paris…) ont tour à tour écarté le barème Macron et le plafond des indemnités prud'homales imposé par l’article L1235-3 du code du travail. En effet, ils ont ainsi décidé d’allouer au salarié un montant d’indemnité supérieur à ce que prévoit le barème Macron comme plafond correspondant à leur ancienneté, ce en parfaite violation du code du travail. Les juges invoquaient conformément à l’argumentaire de certains avocats défendant les salariés la violation des textes Européens (article 10 de la Convention n°158 de l’OIT et Charte sociale européenne). Pour analyser le préjudice du salarié qui ne serait pas correctement réparé par le barème Macron, les juges analysaient son âge et parfois également les recherches d’emploi du salarié. D’autres Conseil de prud’hommes (Paris, Nanterre, Aix en Provence …) et Cour d’appels (Versailles, Colmar, Paris également) avaient, eux, appliqué le barème Macron conformément à la loi.

Se développait donc en France une insécurité et surtout une inégalité juridique en fonction des territoires et de la volonté des conseillers prud’homaux ou des magistrats des Cours d’appel d’appliquer ou non la loi ou de se référer à des textes européens qui ont ou non un effet en droit Français pour écarter la loi. Dans certaines villes comme Grenoble par exemple la décision d’appliquer ou non le barème légal pouvait même être différente en fonction de la section du Conseil de prud’hommes (section encadrement ou section commerce). Sans parler de la Cour d’appel de Paris qui a elle-même rendu 2 décisions opposées en la matière en fonction de la composition des juges qui ont rendu la décision.

Il était nécessaire que la Cour de cassation tranche et permette que tous les salariés qui saisissent le Conseil de prud’hommes en France se voient appliquer la même loi. Le principe d’égalité de traitement est primordial en France et le principe d’égalité devant la loi également. Or, les décisions rendues depuis 2017 en faveur ou écartant le barème créaient une inégalité.

Les plafonds d'indemnités institués par les ordonnances permettent une plus grande sécurité pour les entreprise, car elles peuvent évaluer le risque maximal de dommages et intérêts auquel elles s'exposent en cas de licenciement abusif.

Mais également pour les salariés qui peuvent :

  • évaluer eux-mêmes le montant des dommages et intérêts auxquels ils peuvent prétendre,
  • négocier plus facilement avec leur employeur une indemnité en cas de transaction.

En effet, avoir un ordre d’idée du montant maximal des condamnations facilite grandement le débat entre employeur et salarié en cas de négociation et ce de manière plus rapide juste après la rupture du contrat de travail. D’un côté comme de l’autre, avoir une idée du risque / des chances de succès permet de câbler plus rapidement la négociation.

En effet, en pratique on assiste de plus en plus à des accords trouvés rapidement après la rupture du contrat, très souvent au stade du BCO (bureau de conciliation et d’orientation). C’est profitable à la fois pour la Société (provisions financières / épée de Damoclès / critiques de la Société et enjeux humains pour les personnes impliquées) et pour le salarié, un long contentieux (qui peut durer 3, 4 ans en ce moment avec les délais prud’homaux et en appel) est souvent éprouvant psychologiquement.

La nécessaire validation de la loi française par la Cour de Cassation

La Cour de Cassation avait déjà validé le barème dans 2 avis du 17 juillet 2019.

La Cour de Cassation affirme dans sa décision (arrêt cette fois ci et non avis) du 11 mai 2022 que :

  • la Charte sociale européenne n’a pas d’effet direct en France et ne peut donc être invoquée pour contester le barème Macron,
  • le barème est compatible avec l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT (Organisation internationale du travail) concernant l’indemnité adéquate ou à défaut la réparation appropriée.

Les dispositions instaurant le barème d’indemnisation avaient été déclarées conformes à la Constitution le 21 mars 2018 par le Conseil Constitutionnel.

En dernier lieu la Cour d’appel de Pau a appliqué la décision de la Cour de Cassation dans sa décision du 24 novembre 2022. Elle rappelle qu’il est désormais constant que le barème Macron n’est pas contraire à la convention de l’OIT. Quant à la charte sociale européenne, elle n’a pas d’effet direct dans un litige entre particuliers.

Ainsi, il appartient seulement aux juges du fond d'apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l'indemnité due mais en appliquant le barème en fixant  une indemnité se situant entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L.1235-3 du Code du travail.

La remise en cause par le Comité Européen des droits sociaux n’ayant pas d’effet en droit français

Une décision du Comité européen des droits sociaux (CEDS) publiée le 26 septembre dernier remet en cause le barème. Le Comité affirme que les plafonds du barème Macron ne sont pas suffisant et dissuasifs et violent le droit des salariés à une indemnité adéquate ou une réparation appropriée au sens la Charte sociale européenne. Le CEDS se réfère à l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui prévoit qu’une réparation « adéquate » ou une « réparation appropriée » doit être accordée au salarié abusivement licencié.

La décision du Comité Européen des droits sociaux n’invalide toutefois pas le « barème Macron » puisque cette décision n’a aucun effet en droit Français, le Comité Européen des droits sociaux n’a pas de pouvoir vis-à-vis des juridictions françaises. En revanche, la Cour de Cassation est la Cour Suprême en France et a tranché en faveur du barème Macron.

Les tentatives de contournement du barème légal par d’autres moyens (harcèlement, discrimination, égalité de traitement…)

La validation du barème était d’autant plus justifiée que contrairement à ce qui était invoqué par les opposants au barème, le barème n’est pas applicable dans certaines situations qui le justifient, afin justement qu’une réparation « adéquate » soit octroyée, en cas de :

  • discrimination (en raison de l’origine, de l’état de santé, de l’âge, de la maternité de la paternité, de l’activité syndicale…),
  • harcèlement moral (pressions, mise à l’écart, rétrogradation injustifiée…).

 Nous constatons toutefois une augmentation de ces demandes depuis l’instauration du barème, parfois de manière injustifiée et les juges peuvent constater une diminution des contentieux mais une augmentation des demandes.

*conformément à l’article L1235-3 du code du travail issu de l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017.