Gare au retour des patrons qui patronnent !
Dans un contexte managérial qui se polarise, les entreprises gagnantes seront celles qui mesureront régulièrement le vécu de leurs salariés et investiront dans le feedback.
Après la polarisation de l’échiquier politique, serions-nous en train d’assister à la polarisation de l’échiquier managérial ? D’un côté, le manager viril est, semble-t-il, de retour. Les prises de positions iconoclastes se multiplient. Dans la Silicon Valley, de nombreuses start-up externalisent la gestion des ressources humaines à un avocat avec une vision purement contractuelle. Des grands patrons de la tech appellent de leurs vœux un management musclé : « Avoir une culture qui valorise un peu plus l’agressivité a ses mérites » (M Zuckerberg - Meta) ; « Les personnes compétentes n’ont pas besoin qu’on leur demande comment elles vont » (N Storonsky – Revolut). La compétition, l’intensité et l’assertivité sont les valeurs cardinales.
De l’autre côté de l’échiquier, des dirigeants, souvent européens, appellent à concilier performance sociale et performance économique, s’imposant comme des apôtres de la semaine de 4 jours (L de la Clergerie - LDLC) ou développant le concept de salaire décent (F Menegaud – Michelin) ; les consultants en gestion du capital humain se multiplient et les académiques poursuivent les études sur le ROI des politiques diversité & inclusion. L’entreprise prend un rôle politique : sa mission est de faire le bien pour les parties prenantes, plaçant de facto l’actionnaire au même plan que les clients, les collaborateurs ou encore la nature.
Revenir à une démarche de bon sens
Si l’échiquier managérial semble se polariser, qu’en est-il des managés, c’est-à-dire des millions de collaborateurs et collaboratrices qui composent le corps social des organisations ? Selon une étude récente auprès de 4 000 salariés français[1], 78% d’entre eux constatent une accélération des transformations en cours. Les transformations se télescopent sous les coups de boutoirs de l’IA, des changements d’organisation, des fusions et acquisitions et de la prise en compte de l’urgence climatique.
Cependant, loin des stéréotypes ou idées préconçues, 76% des salariés français pensent que leur activité professionnelle leur a permis de donner le meilleur d’eux même et 71% considèrent qu’elle a été source d’épanouissement professionnel. Loin d’une vision idyllique du monde du travail, 61% estiment toutefois que celui-ci est source de stress et de fatigue. La rémunération reste le critère n°1 de changement d’entreprise, suivi de près par la qualité du management et la recherche de sens au travail.
On peut donc assez simplement en revenir à une démarche de bon sens : engager un échange constructif est une des clés majeures de la qualité de vie au travail. Pour ce faire, il convient de ritualiser des moments de mesure à intervalle régulier pour évaluer à la fois la perception collective et la perception individuelle.
Loin d’avoir besoin d’un nouveau patron tout puissant, un sachant qui « patronne », il semble donc plus efficace de développer une culture collaborative en s’appuyant à la fois sur les nouvelles technologies et sur la culture du feedback à tous les niveaux. Les organisations qui feront ce choix pourront limiter les coûts induits par le mauvais management (burn out, stress, santé mentale dégradée, turnover…) et développer leur marque employeur en rendant leurs collaborateurs ambassadeurs.
[1] Great Insights 2025 - Dans la tête des salariés français de Great Place To Work