Pourquoi la France reste un modèle pour les infrastructures publiques

Championne du monde de la construction d'infrastructures publiques grâce à ses géants du BTP, la France l'est aussi grâce à ses mécanismes d'investissement en faveur des grands chantiers d'infrastructure.

L’État français est fier de ses infrastructures publiques, mais sait aussi que rien n’est gravé dans le marbre. En mai dernier, le  désormais ex-Premier ministre François Bayrou tirait même la sonnette d’alarme : « Notre modèle de financement des infrastructures de transport est aujourd’hui à bout de souffle », estimant qu’il faudrait des dizaines de milliards d’euros pour moderniser le réseau ferroviaire, les routes et les autoroutes non concédées. Endetté, l’État seul ne pourra rien faire et doit donc trouver des solutions ailleurs.

Pourtant, le tableau n’est pas si noir. Selon l’inventaire des investissements en 2024, la France était classée en 2e position en Europe en 2023, en termes d’investissements publics, avec 120,8 milliards d’euros – soit 4,3% du PIB. Et ne comptait pas en rester là : en 2024, 145 milliards étaient sur la table pour 557 projets, dont plus de 200 mobilisent au-delà de 100 millions d’euros. Les trois-quarts d’entre eux concernent les infrastructures des secteurs de la santé, des transports et de la justice. Face à cette pléthore de projets, une question se pose inévitablement : celle du financement. En moyenne, les collectivités locales prennent en charge la moitié de ces dépenses. Pour le reste, les pouvoirs publics s’appuient sur les financements privés et les partenariats public-privé (PPP).

Comment bien financer les infrastructures

À l’heure où la crise politique française se cristallise autour du Budget de la nation, la question du financement des infrastructures publiques est particulièrement cruciale. « Face à des contraintes budgétaires accrues, à l’augmentation des coûts des matériaux et à la nécessité d’une transition écologique, les modèles de financement évoluent, remarque le cabinet de conseil Caneva. En 2025, les marchés de travaux s’adaptent à ces défis en diversifiant leurs sources de financement et en développant de nouveaux dispositifs contractuels. »

Parmi les sources de financement justement, deux ont le vent en poupe : les obligations vertes et les fonds d’investissement privés à long terme, spécialisés dans les projets durables. Parmi ces derniers, Meridiam s’est imposé dans le panorama français – et même au-delà des frontières de l’Hexagone – depuis son lancement en 2005. Cette société d’investissement indépendante a déjà « investi plus de 74,5 milliards d’euros et gère actuellement plus de 130 infrastructures publiques qui répondent aux besoins essentiels des collectivités, dans trois secteurs : mobilité durable, solution innovantes propres, services publics essentiels ». Son fondateur et PDG Thierry Déau considère chaque projet sous deux angles : « Notre réussite colle à une demande et une attente à la fois des populations qui utilisent les infrastructures que nous construisons, et à celles des pouvoirs publics qui cherchent un autre mode de partenariat, un autre mode d’investissement. La base de notre modèle économique, c’est de pouvoir s’investir dans la durée, dès le début pour répondre à la demande publique : de la conception des projets jusqu’au moment de l’exploitation. Et même plus tard. » C’est aussi cette spécificité qui a permis à Meridiam d’obtenir le statut d’entreprise à mission en 2019. Comme quoi la finance peut être vertueuse, et inscrire durablement les critères ESG dans ses stratégies.

Les banques centrales sont sur la même longueur d’ondes : l’objectif commun est de financer des infrastructures publiques respectant les critères environnementaux les plus stricts. « Les obligations vertes font partie des premiers instruments associés à la finance verte, souligne la Banque de France. Elles ont connu un essor rapide dans le sillage de l’Accord de Paris en 2015 et sont devenues un levier important du financement de projets liés à la transition énergétique. » Elles permettent notamment de contrer les tentatives d’écoblanchiment ou de ‘greenwashing’, comme l’a recommandé l’Union européenne dans son règlement de novembre 2023.

Public et privé doivent marcher main dans la main

L’État ne peut évidemment pas mobiliser à lui tout seul les fonds nécessaires aux grands chantiers d’infrastructures. Et cette nécessité de partenariat avec le secteur privé a aussi ses vertus. En termes financiers bien sûr, mais aussi de compétences. « Pour financer la transition écologique, une approche partenariale entre le secteur public et le secteur privé est indispensable, assure Benoît Thirion, avocat en Droit Public & Infrastructures au cabinet Paul Hastings. Il s’agit, pour l’État et les collectivités publiques, de chercher à mobiliser les financements privés pour réduire les besoins de financements publics. Cette mobilisation doit, naturellement, se faire dans un sens conforme à l’intérêt général, et tenant compte des impératifs de la transition écologique. » La boussole des critères ESG reste de mise.

Depuis les Accords de Paris en 2015, les gouvernements successifs se sont tous ralliés à l’évidence : l’État doit continuer de faciliter l’implication du secteur privé, permettant ainsi à la France de maintenir ses services et ses infrastructures à un niveau de qualité élevé. En juin et juillet dernier, le gouvernement a ainsi réuni les grands noms du secteur de la mobilité, lors de la conférence Ambition France Transports. L’objectif affiché par le ministre de l’Économie et des Finances Éric Lombard : « Réfléchir aux modes de financement nécessaires à la modernisation des réseaux de transports, l’augmentation de l’offre et l’accélération de la transition écologique d’ici 2040. Le tout, en préservant les deniers de l’État ». Et donc en poursuivant dans la voie des PPP. « Il est indispensable d’améliorer les montages permettant de mobiliser efficacement les financements privés », a renchéri le ministre chargé des Transports, Philippe Tabarot. La ligne des pouvoirs publics est claire.

Du côté des grands noms du BTP français – Bouygues, Eiffage, Vinci Constructions –, la politique est la même : les PPP sont devenus l’alpha et l’oméga de leur stratégie. Eux y ont leur intérêt, à travers le système de concession et de gestion, pour les infrastructures de transport par exemple. Mais ils ont aussi pris le train en marche de la transition écologique, en finançant des recherches sur les matériaux de construction. En juillet dernier par exemple, le tandem Woodoo et Bouygues Construction a levé 32 millions d’euros pour acter ensemble son passage à l’échelle du bois augmenté – un nouveau matériau très prometteur pour le BTP – avec une première livraison équivalente à 20000m³ de béton armé. Cette innovation technique est destinée à faire baisser drastiquement l’impact du secteur du bâtiment qui représente près de 40% des émissions de gaz à effet de serre en France.

Les infrastructures publiques, c’est donc tout un écosystème – pouvoirs publics, fonds d’investissement, banques, constructeurs – qui doit poursuivre le même objectif : « Veiller sur l’un des patrimoines les plus importants des Français », pour reprendre les mots de Rodolphe Gintz, directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM), en mai dernier devant une commission sénatoriale. Il en va du bien commun de la société française.