Quand la course à la croissance défie le climat : le cas révélateur des voyages d'affaires
Croissance économique et responsabilité environnementale peuvent-elles vraiment coexister ?
Alors que l'industrie du voyage d'affaires se pavane en annonçant des dépenses mondiales d’un montant de 2 trillons de dollars d'ici 2029 (soit une augmentation d’environ 30 % sur 2025), elle semble également occulter purement et simplement, l'impact de la mobilité professionnelle sur le changement climatique. Croissance économique et responsabilité environnementale peuvent-elles vraiment coexister ?
Une croissance retrouvée… mais à quel prix ?
Le fait que les entreprises voyagent pour faire des affaires reste un excellent indicateur économique. Là où le bât blesse, c’est quand on sait à quel point le secteur du voyage d’affaires est polluant et que pour le moment, la transition vers de nouvelles pratiques plus vertueuses n’en est qu’à ses balbutiements.
Cependant, depuis quelques années maintenant, le secteur de l’automobile, du ferroviaire et de l’hôtellerie ont pris le sujet à bras le corps, ne cessant d’évoluer et de proposer des offres plus vertes. Prenons quelques exemples : Du côté des véhicules, les loueurs se sont dotés de parcs automobiles électriques tout comme les compagnies de taxi et VTC. Concernant le secteur de l’hôtellerie, même s’ils sont très nombreux au risque de s’y perdre, les labels sont un vrai critère de mesure des actions mises en place par les hôteliers vers des modèles de consommation plus écologique, garantissant des partenariats avec des fournisseurs éco-responsables. Pour le ferroviaire, le pari est déjà presque gagné, les émissions carbone d’un trajet en train étant plus de 30 fois moins polluant que le même trajet en avion. Les objectifs sont différents et axés sur l’ouverture de nouvelles lignes, la ponctualité et le prix, critère essentiel pour les entreprises dont le budget reste l’objectif numéro un, ce qui est le cas pour la majorité d’entre elles.
Un modèle encore trop dépendant du carbone
Alors pourquoi ces fameux deux trillons de dollars annoncés sont-ils une menace pour l’environnement ? Tout simplement car si l’on décompose ces deux trillons, 35 à 40 % des dépenses seront axées sur l’hébergement et jusqu’à 25 % sur le transport aérien. Et même si, comme évoqué, les hôtels se certifient pour la plupart de labels, ce qui est loin d’être le cas pour l’ensemble du parc hôtelier mondial, le taux d’adoption de ces hôtels n’excède pas les 20% aujourd’hui, en France tout du moins.
Et l’avion dans tout ça ? Ultra dépendantes des énergies fossiles, les compagnies aériennes renouvellent leur flotte pour des appareils moins consommateurs et poussent pour le financement des SAF (Sustainable aviation fuel). Mais soyons honnêtes, les SAF ne nous sauverons pas, leur coût de production étant exorbitant pour un volume très faible, les estimations sur 2026 ne dépassent pas les 3% de la demande de kérosène mondiale et il n’en sera pas mieux en 2029.
Les chiffres ne sont pas plus rassurants du côté des loueurs de voitures, chez qui le taux d’adoption des véhicules électriques stagne à 6% pour le moment.
Alors pour être très clair, le compte n’y est pas et il reste peu de temps si l’on se base sur les objectifs de neutralité carbone à 2050, pour que l’industrie du voyage d’affaires et que les entreprises clientes comprennent que croissance et objectifs climatiques peuvent aller de pair.
L’humain, levier d’une décarbonation réaliste
Alors comment s’y prendre ? Et si nous remettions l’humain au centre de l’équation ? La crise du COVID nous l’a prouvé, l’Homme est capable de s’adapter quand sa survie en dépend. Et quand on parle de dérèglement climatique, à terme, il s’agit bien de cela.
Appliquée aux déplacements professionnels, la démarche consiste à replacer l’humain au centre en évaluant en priorité l’impact des déplacements sur le bien-être et la productivité des collaborateurs, avant l’analyse des coûts et des émissions carbone.
Cela implique de clarifier la finalité de chaque déplacement et d’en démontrer l’utilité réelle pour l’entreprise et le collaborateur, de privilégier le train lorsque ce mode de transport améliore l’efficacité et réduit la fatigue ou encore de garantir au moment de la réservation, une offre lisible et offrant des alternatives décarbonées alignées avec les valeurs des collaborateurs, au-delà des seules obligations. La démarche doit également encourager les choix vertueux par des mécanismes de reconnaissance et par des avantages dédiés. En procédant ainsi, l’entreprise transforme la décarbonation en levier de performance humaine, plutôt qu’en simple exercice de conformité.
L’analyse des données doit être un outil fiable et actionnable pour accompagner ce changement en étant capable d’offrir une analyse approfondie, voire personnalisée, des comportements et des usages, qu’il s’agisse d’un service de l’entreprise ou d’un collaborateur. Ces analyses ne seront efficaces qu’à la condition d’être accompagnées d’informations claires et de formations des collaborateurs aux nouveaux modèles de mobilité, afin de montrer concrètement en quoi ces pratiques constituent un gain, un levier de performance économique et d’attractivité pour l’entreprise.
Changer de cap avant qu’il ne soit trop tard
Décarboner les déplacements professionnels, ce n’est pas uniquement contraindre ou priver le collaborateur de ce qui fut jadis le marqueur d’un statut social mais c’est remettre l’humain au centre des échanges et des affaires, c’est s’ouvrir, non pas à une, mais à plusieurs solutions pour pouvoir continuer à voyager et prospérer en respectant qui nous sommes et le lieu où nous vivons.
Toute transformation ne se fait pas sans effort et la décarbonation des déplacements professionnels nécessite une approche systémique. Il ne s’agit pas de choisir entre croissance et climat mais bien de prouver que les deux peuvent co-exister sous réserve de passer des promesses aux actes.