Non, un consultant n'est pas un escroc : ce sont les vendeurs d'illusions qui ont abîmé le métier

Ricciarelli Consulting

Le consulting n'est pas en crise, c'est son image qui l'est. Si les critiques explosent sur les réseaux, c'est moins à cause des vrais experts qu'à cause d'une génération de vendeurs d'illusions.

Je le constate. Depuis quelques mois, un discours revient avec insistance sur les réseaux sociaux : le consultant serait devenu l’incarnation moderne du vendeur de rêves, un expert autoproclamé au tarif déraisonnable, un professionnel qui facture ce que d’autres feraient gratuitement et un acteur ambigu dans un marché de plus en plus opaque. Cette caricature n’est pas née par hasard, mais elle ne vient pas du consulting lui-même. Elle vient d’un glissement progressif qui s’est accéléré dans les années 2020, lorsque l’étiquette de consultant s’est retrouvée récupérée par une génération entière de vendeurs de méthodes miracles, de formateurs improvisés, de créateurs de contenus business qui ont transformé le mot en slogan et le métier en décor. Ce ne sont pas les consultants qui ont abîmé l’image du consulting, mais ceux qui ont utilisé le terme comme un costume.

Le consultant réel n’a rien à voir avec les gourous LinkedIn

La confusion actuelle repose sur une substitution lente mais efficace : pourtant, un consultant n’est pas cette figure omniprésente des réseaux sociaux qui enchaîne les vidéos inspirantes, les promesses de transformation express et les raccourcis théoriques appliqués indistinctement à tout et n’importe quoi. Le consultant ne se définit ni par un storytelling, ni par une posture, ni par une fréquence de publication. Il se définit par un métier. Il analyse, structure, clarifie, hiérarchise, arbitre. Il ne promet pas de révolutionner une entreprise en un module vidéo, mais de regarder le réel avec suffisamment de rigueur pour fournir des décisions que l’entreprise n’arrive plus à produire seule. Son rôle n’est pas de séduire, mais de comprendre. Pas d’inspirer, mais d’apporter une lucidité que les organisations n’ont plus le temps de construire.

Une partie du public a confondu les deux figures parce qu’elles se présentent avec les mêmes mots, mais l’écart entre elles est immense : l’une travaille, l’autre performe. L’une produit des décisions, l’autre produit des contenus. L’une s’appuie sur des années d’expérience opérationnelle, l’autre s’appuie sur des citations motivantes décorées de filtres ambre. Le consultant n’a jamais été un gourou, et le gourou n’a jamais été un consultant.

La compétence ne se vend pas en PDF : elle se prouve par des décisions

Si cette dérive a pris une telle ampleur, c’est parce qu’une partie du marché s’est habituée à consommer de l’expertise simplifiée. Les années 2020 ont vu exploser un modèle économique aussi rentable qu’inquiétant : la vente de formations rapides, de méthodes présentées comme révolutionnaires, de guides stratégiques génériques vendus comme des raccourcis professionnels. Ces produits jouent sur la fragilité du moment, sur le besoin urgent d’avancer, sur le fantasme qu’un document bien présenté pourrait remplacer le travail méthodique qu’exige toute stratégie.

Or, une stratégie n’est pas un PDF. Une vision n’est pas un template. Une décision ne se prend pas en recopiant une méthode pensée pour un autre contexte. Le consultant n’apporte pas un outil, il apporte une lecture du terrain, une compréhension fine du contexte, une capacité à identifier où se situe réellement le problème et ce qui doit changer pour que les résultats évoluent. La compétence ne s’achète pas, elle s’évalue. Elle se démontre. Elle s’incarne. Dès lors que certains ont commencé à vendre des extraits d’expertise en kit, la confusion était inévitable.

Le rôle du consultant : clarifier, structurer, trancher, pas vendre des promesses

Contrairement à la croyance largement répandue, le consultant n’est pas un prestataire de solutions toutes faites. Il n’est pas un motivateur, un influenceur ou un distributeur de bonnes pratiques génériques. C’est un tiers qui apporte un regard extérieur suffisamment lucide pour dénouer ce que l’entreprise n’arrive plus à voir clairement. Là où les vendeurs de méthodes promettent des transformations immédiates, le consultant rappelle qu’une organisation se transforme par le réel, pas par la projection. Il replace les décisions au centre du processus et pose les bonnes questions : qu’essayez-vous réellement de résoudre, pourquoi le faites-vous, comment le faites-vous, qu’avez-vous laissé dériver depuis des années, et que faudra-t-il assumer pour que les choses changent vraiment.

Le consultant ne vend pas du rêve, il vend de la clarté. Il ne vend pas une méthode miracle, il vend un travail d’analyse. Il ne vend pas un avenir idéalisé, il vend une lecture honnête du présent. Cette distinction est essentielle dans un marché qui, trop souvent, préfère les promesses aux diagnostics.

Si le consulting a mauvaise presse, c’est à cause de l’imposture, pas de l’expertise

Il serait malhonnête de nier que les années 2020 ont vu des abus. Certains cabinets ont facturé des prestations insuffisantes, certains consultants juniors ont été parachutés sur des missions qui dépassaient leur niveau de maturité, certains grands groupes ont surfacturé des livrables dont l’impact réel était discutable. Mais ces dérives ne suffisent pas à expliquer la méfiance actuelle. Ce qui a détruit la réputation du métier, ce n’est pas la profession, mais l’imposture qui a proliféré autour.

Ce sont les créateurs de contenu business qui se sont autoproclamés consultants sans jamais accompagner une entreprise réelle. Ce sont les vendeurs de documents qui ont présenté des guides génériques comme des stratégies. Ce sont les influenceurs qui ont expliqué le management en dix slides alors qu’ils n’avaient jamais dirigé une équipe. Ce sont les fausses figures d’autorité qui ont utilisé les codes du consulting sans en avoir la substance. Et ce sont eux qui ont brouillé le paysage, pas les professionnels qui, depuis des années, travaillent dans la discrétion, la profondeur et la responsabilité.

Les entreprises ne veulent plus de discours : elles veulent des preuves

Il y a un mouvement de fond qui traverse le marché : la demande de preuve. Les organisations ne veulent plus de présentations séduisantes, mais de décisions argumentées. Elles ne veulent plus de modèles théoriques, mais d’analyses qui tiennent face au réel. Elles ne veulent plus de simplifications, mais de nuances. Elles ne veulent plus d’un consultant qui parle comme un créateur de contenus, mais d’un partenaire intellectuel capable d’identifier ce qui bloque réellement et de proposer un chemin clair pour avancer.

Le retour à la sobriété est une bonne nouvelle pour le métier. Il redonne de la valeur à ce qui en a toujours eu : la cohérence, la précision, la vision, la rigueur. Et il oblige les entreprises à distinguer ce qui relève de la compétence et ce qui relève de la mise en scène.

Redonner ses lettres de noblesse au métier

Il est temps de redire ce qu’est un consultant : un professionnel qui aide une entreprise à prendre de meilleures décisions. Rien de plus. Rien de moins. Il n’est ni un personnage, ni un décor, ni un influenceur, ni un coach improvisé. Il est un analyste, un stratège, un lecteur du terrain, un clarificateur du chaos. Le consultant ne parle pas pour briller, il parle pour éclairer. Il n’intervient pas pour impressionner, mais pour aligner. Il ne propose pas pour séduire, mais pour résoudre. La noblesse du métier n’a jamais été dans la mise en scène, mais dans la justesse.

Les années d’illusion ont brouillé la frontière. L’époque actuelle la rétablit. Et dans cette clarification, les consultants réels n’ont rien à craindre. Ceux qui doivent s’inquiéter ne sont pas ceux qui travaillent, mais ceux qui imitent.