Manager par le bien-être
De plus en plus d’entreprises proposent à leurs salariés de participer à des activités physiques ou méditatives. Le management par le bien-être est-il né ?
Et si on évitait le burn-out ? Patrons et DRH
semblent de plus en plus s’accorder sur la nécessité de favoriser le bien-être
des salariés en leur proposant des activités autour de la méditation et de la
relaxation. Et même s’il y a un brin de calcul derrière (moins d’arrêtsmaladie, plus de motivation et
une meilleure productivité), il reste que nous sommes peut-être entrés dans
l’ère du management par le bien-être.
Le sport en entreprise estompe les différences
Le matin, avant de démarrer la journée ; ou pendant l’heure du déjeuner, juste avant ou juste après le repas. Un professeur de yoga donne ses consignes à une salle remplie à ras bord. On mélange les énergies, on fait se côtoyer des gens qui ne croisent jamais au sein de leur entreprise. Le temps d’une séance, la dame du ménage peut aider la secrétaire de direction à effectuer un salut au soleil. Les différences s’estompent et les frontières entre services s’effondrent. Ici, ce n’est pas comme à la cantine, où chacun mange avec les siens sans jeter un regard aux autres. Ici, c’est une communauté qui, dans un même mouvement, tend les muscles et s’étire les jambes. On est tous égaux face aux techniques de yoga.
L’activité sportive en entreprise, les Japonais pratiquent cela depuis longtemps : c’est le "rajio taiso", la gymnastique matinale. Écoliers ou salariés esquissent ainsi quelques mouvements d’assouplissement de bon matin, tous ensemble, avant d’aller en cours ou de commencer le travail, histoire de bien démarrer la journée. Et d’affirmer une certaine cohérence de groupe. L’objectif ? Le bien-être. Une séance de gym ou de yoga peut faire beaucoup pour libérer les énergies des employés, et améliorer leur satisfaction au bureau. Une idée qui, jusque là, n’était pas tellement défendue dans l’Hexagone.
Objectif bien-être
Sans aller jusqu’à déménager au cœur des forêts ou encourager leurs employés à faire brûler de l’encens dans les bureaux, il semblerait pourtant que les entreprises françaises aient ouvert leurs chakras et se soient emparées de la question du bien-être de leurs salariés. Les scandales qui ont fait suite à la vague des suicides chez France Télécom, très médiatisée, auront peut-être permis de révéler l’ampleur des risques psychosociaux dans nos entreprises, et ouvrir le champ à un management qui ne soit pas porté sur la pression, l’humiliation et la culpabilisation.
De fait, de plus en plus de sociétés, petites et grandes, se sont lancées dans la pratique d’un management du bien-être. Le siège parisien de Google a coûté 100 millions d’euros rien qu’en aménagements, histoire de faire en sorte que les employés y soient parfaitement bien installés. Microsoft a installé des salles de sport dans ses immeubles de bureaux, accessibles aux salariés. Et Pricewaterhouse Coopers dédie à ses employés des espaces de détente avec fauteuils de massage, canapés et coussins. Ici, on propose une séance de yoga ou de gym pour prévenir ou guérir les douleurs de bureau. Là, on fait appel à un enseignant de philosophie pour inculquer quelques valeurs dans ce monde capitaliste. Ailleurs, comme chez Total Gaz, on envoie ses troupes profiter d’un séminaire dans un centre de relaxation au milieu du Vercors, en pleine nature.
Du yoga à la méditation
Une affaire de mode ? Pas seulement. Investir dans le bien-être de ses employés peut engendrer de gros bénéfices à long terme. Car un salarié heureux est un salarié qui travaille bien, tout simplement. Les grandes entreprises de la Silicon Valley l’ont compris depuis longtemps, et c’est la raison pour laquelle (bien plus que pour les salaires mirobolants) tout Américain bien constitué paierait cher pour une place chez Google ou chez Apple : parce qu’en contrepartie des exigences très élevées quant aux résultats, les employés profitent d’un cadre qui favorise leur félicité. Cours de méditation et de yoga, mais aussi salles de jeux et de gym, piscines… Tout est fait pour que l’employé se sente à son aise. Et donne du sien en retour.
La France n’en est pas encore au même point, mais les choses évoluent. C’est que le bien-être est payant, et l’entreprise y gagne à tous les niveaux : moins de burn-out, moins de congés maladie, des gens plus motivés dans une atmosphère plus détendue. Et des salariés qui travaillent mieux, voire qui travaillent plus. Jusqu’à ce que les quelques heures de yoga, de méditation ou de gym finissent par améliorer la compétitivité globale.
Si la pratique du yoga est plutôt bien entrée dans les mœurs, d’autres méthodes bien-être sont plus délicates à imposer par les DRH auprès de leurs patrons. La sieste, par exemple, se traîne encore une réputation négative parce qu’elle implique une sorte de farniente, alors que toutes les études prouvent ses nombreux bienfaits sur la qualité du travail et la concentration des employés. La méditation, elle aussi, souffre d’une connotation négative : trop nombreux sont ceux qui pensent encore que fermer les yeux en revient à piquer un roupillon.
Pour autant, les obstacles commencent à tomber, preuve en est le succès grandissant du mindfulness, ou "pleine conscience" : un principe de méditation qui encourage à se focaliser sur l’instant présent, et qui a été adopté par des groupes comme Bouygues Immobilier, la SNCF et Sodexo. Autant dire que le phénomène n’est pas trusté par les petites agences de communication libertaires.
Le management du bien-être : une étape vers le bonheur au travail
Si l’on y réfléchit bien, il n’est pas impossible que le management du bien-être soit la nouvelle étape d’un parcours commencé, dans les entreprises, par la mise en place des réseaux sociaux professionnels. Ceux-ci avaient pour objectif de développer la communication entre les employés d’une même société, tout en renforçant le sentiment d’appartenance de chacun, en mettant en lumière les salariés comme autant d’individus avec leur personnalité et leurs goûts.
Dans un contexte économique difficile et incertain, la volonté de pousser les collègues de bureau à mieux se connaître entre eux, et à mieux connaître l’entreprise elle-même, favorise la motivation en lui conférant une raison d’être ("je le fais pour les autres autant que pour moi"). Dans cette optique, la notion de bien-être répond à un double paradigme : d’une part, on pousse les salariés de services et de niveaux hiérarchiques différents à partager un moment de détente, ce qui peut créer des liens ou les renforcer s’ils existent déjà. D’autre part, on montre à ses collaborateurs qu’on se soucie de leur santé, physique et psychique.
Le yoga en entreprise ? Ce n’est pas une question de souplesse de corps, mais de souplesse d’esprit. Le management du bien-être, ce n’est pas seulement pour que les employés se sentent bien, mais pour qu’ils sachent aussi que leur bonheur, dans l’entreprise, ça compte.