Cabinets de conseils, c'est la fin du prestige historique des 3 F : fric, fierté, fun

Si le monde du conseil a parfois des difficultés à recruter, c'est aussi parce que nombre de cabinets ont, depuis trop longtemps, oublié de manager, de développer l'enthousiasme de leurs équipes, et donc de fidéliser leurs collaborateurs.

Le monde du Conseil a cela de remarquable qu’il est, en fait, très divers.
Si l'on voulait le simplifier à l'extrême, on pourrait distinguer deux grandes familles de cabinets de conseil, disposant chacune d'un ADN bien spécifique: d'un coté les cabinets dits "généralistes", qui subissent souvent plus fortement les périodes de ralentissement économique, et de l'autre les cabinets dits "spécialistes", qui parviennent mieux à tirer leur épingle du jeu, leur souplesse leur permettant souvent une adaptation plus rapide à la situation nouvelle.
Ces deux types de structures présentent aux consultants qui pourraient les rejoindre des atouts très différents.
Les premières offrent une belle carte de visite, une à deux longues missions dans l’année au sein d’une équipe très large, mais souvent assez peu de contacts directs avec le client décideur final.
Les secondes assurent une plus grande diversité de missions, une proximité avec le client sur le fond de sa problématique business, mais un rythme plus soutenu et le risque, même s'il est souvent sur-évalué, de ne pas valoriser totalement cette première expérience pour le « coup d’après ».
Ces différences de fond expliquent en partie la faible mobilité des consultants d’un cabinet à l’autre, et plus encore d’un métier de conseil à l’autre. Mais ce sont loin d'être les seules.

La fin du prestige historique des 3 F : fric, fierté, fun !

Pour mieux percer les raisons de ce manque de fluidité, il convient avant tout de revenir sur l'évolution, ces dernières années, du métier de consultant. La première observation, partagée à la fois par les dirigeants des cabinets et par les recruteurs, repose sur l'état d'esprit général des consultants: les héros se fatiguent plus vite.
Dans les années 1990, les consultants se distinguaient des autres salariés par les « 3 F » : le Fric, la Fierté et le Fun.
* Le fric bien sûr, parce que les rémunérations étaient les meilleures du marché, et parfois de loin.
* La fierté ensuite, parce que les cabinets de conseil jouissaient d'une image très positive.
* Le fun enfin, parce que les cabinets savaient être des entreprises en mouvement, dans une ambiance proche de celle des start-up, et bon enfant.
Dans les années 2000, ce constat vole en éclat. Et cette tendance n’est pas prête de s’inverser. Sur le plan des rémunérations, des métiers comme la Finance ont largement rattrapé le Conseil, et l’ont même dépassé. Le monde du conseil a du revoir une partie de son modèle économique à la baisse, les clients ayant appris à acheter du Conseil. L'affaire Enron et les suivantes ont jeté un voile de suspicion sur les relations entre les cabinets d’audit et conseil et leurs clients. Cette image négative est pourtant très injuste pour ce que l’on appelle aujourd’hui "le Change management", mais le mal est fait. Depuis, le passage en cabinet de conseil est plus vécu comme une expérience utilitariste. Pour le sens et l’estime de soi, une ONG bien professionnalisée fait mieux l’affaire.
Toutes ces évolutions expliquent qu'aujourd'hui, après trois à cinq ans dans un cabinet de conseil, les candidats au départ cherchent souvent un métier moins fatigant. Sans tomber dans la caricature, on constate un fort attrait pour les secondes carrières « chez le client », pour un poste opérationnel plus stable et, parfois, moins exposé.
Mais si le monde du conseil a parfois des difficultés à recruter, c'est aussi parce que nombre de cabinets ont, depuis trop longtemps, oublié de manager, de développer l'enthousiasme de leurs équipes, et donc de fidéliser leurs collaborateurs. A ce petit jeu du cordonnier mal chaussé, le Syntec a commencé à répondre et à alerter ses adhérents. Aujourd’hui, les cabinets qui attirent sont ceux qui font des efforts particuliers en matière d’intégration, de formation, d’évaluation, de développement des compétences et de mise en responsabilité, de mobilité interne pour ceux dont la taille le permet. 
Cette nouvelle approche est salutaire car, toujours d’après Syntec, le secteur va continuer de croître d’au moins 5 % en 2012. Aujourd’hui, les résultats commencent à payer, notamment dans la mesure du turn-over. Chacun cache évidemment cette donnée stratégique, mais les cabinets qui investissent sérieusement sur l’accompagnement du consultant constatent que leur turn-over est bien plus avantageux. Toute crise a sa vertu.
Visiblement, la tension du recrutement va démontrer aux cabinets de conseil que, sur ces aspects, ils ressemblent furieusement … à leurs clients. 
Et cela, c’est plutôt une bonne nouvelle !