Imposteur ou sauveur : Faut-il défendre le Chief Happiness Officer ?

Bien qu’elle soit encore relative, l’importance de la fonction de Chief Happiness Officer se renforce. Les missions de ce gardien du bonheur dans l’entreprise sont encore, en France, plus ou moins ambitieuses et efficaces. Recruter un CHO est-il toujours une bonne idée ?

Il y a quelques années encore, on ne disait pas "il faut que je m’éclate dans mon job". Les points les importants étaient l’intitulé dudit job, sa position hiérarchique et sa rémunération. On était d’accord pour souffrir un peu, stresser parfois, pourvu que le jeu en vaille la chandelle. L’image de la réussite professionnelle mettait en avant un "bon élément", c'est à dire un individu débordé et sous tension, et cela, non sans conséquences : Il y a 10 ans déjà, le coût social du stress professionnel en France était estimé entre 2 et 3 milliards d'euros par an. Aujourd’hui, le bien-être et l’épanouissement au travail sont souvent cités comme prioritaires par les jeunes talents du digital que se disputent les entreprises. Ils sont aussi devenus un atout pour les attirer et les fidéliser.

Le CHO, un atout dans la guerre des talents ?

Aussi, en pleine "guerre des talents", il n’y a rien d’étonnant à ce que la fonction de Chief Happiness Officer rencontre la faveur des organisations. Son poste est une création récente, héritée de la fonction de "Jolly good fellow" chez Google à la fin des années 90. La présence d’un CHO au sein de l’entreprise fait miroiter l’image d’une startup dynamique, d’un management bienveillant, d’une communication constructive entre les personnes et donc, d’une ambiance de travail idéale.

Dans les faits, son rôle en France oscille encore entre, d’un côté, des préoccupations authentiques et de l’autre... une posture à la mode. Il n’est pas rare que l’on trouve à cette fonction un office manager (dont la tâche est d’assurer la bonne gestion du quotidien du bureau et des équipes) renommé au goût du jour. Souvent privé de moyens, sa mission se réduit alors à placer des fleurs sur les bureaux ou changer le modèle de sèche-mains pour un plus performant ! Ce qui nuit à l’image du poste.

Pourtant, la fonction de CHO peut être beaucoup plus ambitieuse : médiateur, il encourage le dialogue, crée du lien, entretient la motivation au niveau individuel (suivi personnel, coaching...) et favorise la communication transversale. Il fédère les énergies, stimule la cohésion des équipes et une culture d'entreprise positive, le tout en organisant différentes activités à l’intérieur et à l’extérieur : concours, week-ends, ateliers... Il est choisi pour son dynamisme supposé donner l’élan, encourager les talents et cultiver l’image d’une entreprise où il fait bon travailler. Sa fonction peut ainsi être associée au marketing ou bien aux RH.

Quels objectifs pour un CHO ?

Attention toutefois ! Il ne peut remplir toutes ces missions sans une vraie réflexion de fond, des objectifs et un budget, ni sans concertation avec les premiers concernés, à savoir : les collaborateurs. Leur-a-t-on demandé ce qu’ils veulent ? Que préfèrent-ils ? Un ordinateur plus puissant ou bien des fleurs sur les bureaux ? Une table de ping-pong ou moins de bruit sur le plateau lorsqu’ils passent leurs appels ? Des pommes bio en libre service ou des primes intéressantes ?

Car ne l’oublions pas, au travers du poste de CHO, c’est aussi de générosité dont il est question : offrir à ses équipes un stage de yoga ou un week-end de ski en attendant un retour sur investissement n’est peut-être pas une bonne idée ! De même, on ne peut pas dire "j’ai investi dans une soirée laser-game, alors je veux de l’efficacité et la motivation en retour" ; cela sonne mesquin ! Enfin, aucun stage de méditation enseignant à respirer profondément et se prendre pour "une montagne majestueuse et insensible à la critique" ne fera oublier un management trop autoritaire ou sans audace.

Un CHO peut apporter beaucoup à l’entreprise si ses missions s’accompagnent d’une vraie concertation. Aussi vouloir le gadgétiser serait une erreur. Il n’est certes pas le "gardien du bonheur" mais il peut être le moteur d’une véritable réflexion sur le bien-être au travail et par voie de conséquence un atout pour fidéliser les talents. Enfin et surtout, son importance nouvelle pose aussi une vraie question : jusqu’où doit aller la responsabilité de l’entreprise quant au bien-être de ses collaborateurs ?