Féminisation des postes IT : un problème français ?

Quelle est réellement la place des femmes dans le numérique en France ? Est-elle trop restreinte ? Si c'est le cas, à quoi est-ce dû et comment inverser la tendance ?

Quel est le point commun entre le premier programme informatique, le brevet pour sécuriser les télécommunications, le premier compilateur ou encore la conception du système embarqué du programme spatial d’Apollo 11 ? Toutes ces grandes avancées qui ont marqué le monde de la Tech, sont dues à des femmes ! Respectivement Ada Lovelace, Hedy Lamarr, Grace Hopper et Margaret Hamilton. Elles sont donc la preuve historique que la technologie n’est pas qu’une affaire d’hommes. Pourtant les postes dans le milieu IT restent loin d’être paritaires en France.  Est-ce spécifique à notre pays ? Et quelles sont les solutions pour féminiser le secteur afin d’arriver à une parité ? 

La France a-t-elle un réel retard par rapport aux autres pays?

Selon Talents du numérique, la présence féminine dans le secteur du numérique en France s’élèverait à 30% contre 46,8 % tous secteurs d’activité confondus. Et l’écart se creuse d’autant plus sur les profils techniques avec seulement 20 % de femmes « ingénieurs et cadres d’études, recherche et développement » en informatique et 16% de femmes « techniciens d’étude et de développement en informatique ». Mais est-ce mieux ailleurs ?

En 2019, Eurostat plaçait la France en troisième position, derrière la Norvège et l’Espagne, avec 23.4% de part de femmes scientifiques et ingénieures dans le secteur des hautes technologies. Face à une moyenne de 20.1% dans l’UE. Et aux US, si l’on se penche sur la Silicon Valley, seules 13% des femmes accèdent à des postes de management dans les entreprises technologiques, et les entrepreneuses ne dépassent pas les 7%.

La problématique n’est pas donc uniquement réservée à La France. Néanmoins comment peut-on expliquer le retard accumulé dans notre pays alors que la filière informatique était la 2e branche comportant le plus de femmes ingénieures au sein des formations techniques jusqu’en 1985 ?

L’effet papillon du collectif

Historiquement, les années 90 ont signé la fin de l’informatique « pour tous ». En France, et même plus généralement en Europe, cette période a vu la montée en puissance de ce champ de savoir. Le secteur a rapidement attiré l’intérêt des entreprises et des États, et par conséquent, des hommes. Le secteur finit par se masculiniser via les grandes sociétés de consulting, souvent très genrées, et viendra impacter l’imaginaire collectif, ce qui n’incitera pas les femmes à se tourner vers ces métiers.

Ces préjugés ont malheureusement la peau dure et existent encore aujourd’hui. Ils sont d’ailleurs visibles dès l’université. D’après Femmes Numérique, en France, le triste chiffre de 1% représente la progression de la présence de filles, toutes formations numériques confondues. En faisant un rapide calcul, on se rend compte que la parité totale dans le secteur de la Tech n’est pas prévue pour demain.

En effet, le chemin est encore long surtout lorsqu’on constate, qu’en 2023, il n’y avait que 6% d’étudiantes en BTS informatique, 3% qui ont choisi la spécialité Numérique et science informatiques en 1ere et seulement 17% d’étudiantes en informatique et sciences informatiques en cycle ingénieur.

Cette « imagerie collective » n’a donc pas véritablement évolué. Auprès du grand public, l’informatique a toujours cette image de milieu technique, solitaire ou encore « geek », qui renforce la pensée selon laquelle cette branche n’est pas faite pour les femmes.

S’ajoutent à cela les stéréotypes des parents, qui jouent un rôle majeur dans la décision d’orientation de l’enfant : seules 33% des filles sont encouragées par leurs parents à s’orienter vers les métiers du numérique, contre 61% des garçons.

Paradoxalement, tout le monde s’accorde à dire que les métiers du secteur sont bien rémunérés, stables, utiles et surtout des professions d’avenir. Un discours trop peu partagé auprès des jeunes étudiantes, encore influencées par les préjugés collectifs.

Pour finir, il est difficile de nier que la pénurie des talents en France accentue ce manque de parité. La concurrence accrue, le vieillissement de la population, les changements démographiques ou encore les lacunes dans les compétences requises peuvent être autant de facteurs qui conduisent à des difficultés de recrutement global dans milieu IT, et donc, de surcroît, à des difficultés de recrutement féminin.

Comment arriver à une parité exemplaire ?

Même si la bataille semble rude, la victoire n’est pas hors de portée. Pour inverser la tendance, il ne fait aucun doute que le premier axe à développer est la sensibilisation. Elle peut débuter le plus tôt possible avec l’intervention de professionnelles dans les lycées et campus, la présentation des cursus d’études possibles, les témoignages d’étudiantes ou encore la mise en avant de profils féminins dans le numérique. Ces actions, jumelées avec de la pratique au cours de stages ou d’évènements, sont une base solide pour lutter contre les préjugés.

Le deuxième obstacle à surmonter est le recrutement. Bien que le processus soit à flux tendu dans le secteur du numérique, il ne faut pas le voir comme une fatalité. Si la route est bloquée, il suffit de trouver un chemin de traverse. Le recrutement est bloqué ? Embauchez sur des territoires où il n’y a pas ce problème. C’est ce que nous avons fait chez Aymax en recrutant en Tunisie où il y a beaucoup plus de profils féminins. De cette manière, nous avons atteint une parité dans nos effectifs. Par ailleurs, une fois que ces talents féminins ont rejoint nos équipes, elles côtoient des collaborateurs déjà sensibilisés à ce sujet. Elles évoluent ainsi dans un cadre qui les incite à la montée en compétences et qui leur permet de prendre des postes facilement de leadership.

Également, si l’équité hommes-femmes dans votre entreprise ne vous satisfait pas, vous pouvez partager l’indicateur de genre aux équipes de recrutement. Un appui RH sur toutes les équipes peut vraiment être un plus. Sur cette base, vous pourrez définir des objectifs clairs et précis et ainsi apporter des solutions concrètes pour améliorer votre parité.

In fine, l’une des grandes thématiques sur laquelle il est crucial d’insister : l’égalité des salaires. L’univers IT doit mettre à profit ses atouts pour encourager les jeunes filles et femmes à choisir des carrières dans le secteur. Comme évoqué plus haut, les métiers de la Tech sont considérés comme des métiers techniques, de réussites. Ils inspirent un cadre de stabilité et de sécurité, de manière globale, mais surtout au niveau du salaire. Il est donc important de ne pas reléguer cet aspect en second plan. L’égalité des revenus selon le genre est une véritable force que le secteur doit utiliser comme tremplin pour attirer la gente féminine.

Même si le chemin est encore long et que les obstacles sont nombreux, la parité dans le milieu de la Tech n’est pas une utopie. La Tunisie en est un exemple concret : la tension sur le marché des talents y est un moins intense qu’en France. Les universités sont de qualités et le pays a historiquement incité à l’éducation au numérique pour tous. Ce qui a, en définitive, créé un vivier de talents. Aujourd’hui en Tunisie, l’ingénierie est vu comme une source de réussite ce qui incite la jeunesse, homme ou femme confondu, à se tourner vers ces parcours.  Un exemple à suivre en France indéniablement !