Les séries télévisées adorent la restauration, mais qui veut encore y travailler ?
Depuis quelques années, les séries et films qui mettent en scène la restauration se multiplient.
The Bear a explosé les compteurs en France (5,4 millions de vues en quatre jours pour sa dernière saison) et la télévision française s’empare même du sujet avec Bistronomia une série consacrée aux violences en cuisine. Bref, les coulisses des cuisines fascinent, entre adrénaline, tension et créativité.
Ces séries, aussi addictives soient-elles, sont avant tout des divertissements. Elles forcent le trait. Elles dramatisent à outrance. Crises de nerfs, tensions extrêmes, violence managériale, rythme infernal… Tout est matière à faire spectacle. Or, si cette intensité existe bel et bien, la réduire à cela est dangereux. Car on en vient à glamouriser des environnements toxiques et à donner une image caricaturale de nos métiers.
Mais il serait tout aussi dangereux de fermer les yeux : ces violences existent, dans certains établissements, et parfois de manière systémique. Elles ne sont pas des inventions de scénaristes, mais le reflet, certes déformé, d’une réalité que beaucoup ont connue ou subie. Sous couvert de passion, d’exigence et de recherche d’excellence, la gastronomie a trop longtemps couvert des pratiques managériales inacceptables. Et si ces séries avaient aussi du bon ? En mettant en lumière des comportements qui seraient inimaginables dans d’autres secteurs, elles nous obligent à regarder en face nos propres dérives. Elles rappellent que la passion ne justifie pas tout, que le talent ne dispense pas du respect, et que la tradition ne doit pas servir de prétexte pour reproduire les erreurs du passé.
La gastronomie française, si riche, si admirée, mérite mieux que cela
Chaque année, 200 000 postes restent vacants dans la restauration en France. Serveurs, cuisiniers, chefs de rang… Nous manquons de bras, de vocations, d’élan. Alors pourquoi tant de gens adorent-ils regarder ce qu’ils refusent de vivre ? Les métiers de la restauration, c’est pourtant tout ce que notre société cherche à retrouver : de l’intensité, du concret, de la transmission, du partage et du sens.
La pop culture a le pouvoir de rendre ces métiers à nouveau désirables et même de créer des vocations. Mais à condition de montrer toutes les facettes de la réalité. De montrer les réussites, mais aussi les pratiques qui changent la donne : une meilleure organisation du travail, un management respectueux, des carrières diversifiées, des horaires pensés pour concilier vie pro et vie perso. En finir avec la violence héritée d’un autre temps et surtout, de valoriser toute la brigade, pas seulement les chefs starifiés. Oui, il est temps aussi de montrer qu’il existe des cuisines où la bienveillance peut régner. Ces histoires sont peut-être moins spectaculaires pour le cinéma, mais elles sont porteuses d’avenir. Sans ces métiers dits « d’arrière-cuisine », aucun restaurant ne tournerait.
Ne pas oublier l’arrière-cuisine
Il est urgent de sortir de la fascination pour le « drama » et d’ouvrir les yeux sur la réalité. Oui, ces métiers sont exigeants, mais ils sont aussi porteurs de passion, d’énergie et d’innovation. Montrons cette réalité, inspirons de nouvelles générations et redonnons envie d’entrer dans la cuisine… pour de vrai.