Fonction publique et handicap : à l'aube de 2026, que retenir réellement de l'expérimentation sur la promotion interne ?
À quelques mois de la fin de l'expérimentation ouverte par le décret du 5 mai 2020, la question mérite d'être posée : cet outil, présenté comme une avancée majeure pour la carrière des agents publics en situation de handicap, a-t-il réellement produit les effets attendus ?
Depuis 2020, ce dispositif permettait aux employeurs publics – ministères, établissements publics, collectivités locales – de déroger aux règles classiques de promotion interne, pour offrir aux agents reconnus travailleurs handicapés une voie plus accessible vers des responsabilités supérieures. Un pas important dans une fonction publique qui, malgré les obligations légales, peine encore à refléter la diversité de la société.
L’expérimentation répondait à trois objectifs ambitieux :
- Favoriser la progression de carrière des agents en situation de handicap.
- Contourner les freins structurels, notamment l’accès parfois plus difficile aux concours ou examens professionnels.
- Encourager les employeurs publics à développer des politiques RH réellement inclusives.
En d’autres termes : passer du « recrutement inclusif » à la carrière inclusive. Mais entre l’affichage politique et l’appropriation concrète, un fossé existe.
Une opportunité est passée presque inaperçue
Qui s’est vraiment saisi de la mesure ? Quatre ans plus tard, force est de constater que : dans la fonction publique d’État, l’usage a été réel mais très variable selon les ministères ; dans la fonction publique hospitalière, l’appropriation reste marginale et souvent méconnue ; dans la fonction publique territoriale, le dispositif apparaît comme le grand angle mort de l’expérimentation.
Beaucoup de collectivités ignorent encore son existence, faute de communication nationale, de relais RH, ou tout simplement de ressources internes pour sécuriser le dispositif. Les centres de gestion l’ont diffusé de manière inégale, et la chaîne managériale n’a pas toujours été sensibilisée. Résultat : une opportunité est passée presque inaperçue dans un secteur pourtant riche de 2 millions d’agents.
Une question essentielle : la promotion a-t-elle réellement progressé ? S’il manque encore des données consolidées – un problème en soi –, plusieurs tendances émergent : le nombre de promotions accordées via ce dispositif reste très faible au regard des effectifs ; les agents concernés ne connaissent pas toujours leurs droits ; les employeurs manquent d’outils pour accompagner les parcours professionnels des agents handicapés. Autrement dit : la mécanique existe, mais la culture de la promotion inclusive peine encore à s’installer.
À l’heure du bilan : réussir à pérenniser sans renoncer
À l’aube de 2026, la question n’est pas seulement de savoir si le dispositif doit être prolongé. La vraie question est : comment le rendre réellement opérationnel ? Quelques pistes évidentes s'imposent : un pilotage national clair, avec des indicateurs suivis et publiés ; une meilleure information des agents RQTH ; un accompagnement des employeurs, notamment territoriaux, trop souvent oubliés ; une capacité à valoriser les réussites, pour faire émerger des exemples inspirants. Car au-delà des textes, l’accès à la promotion reste un levier majeur pour l’égalité réelle et la fidélisation des talents.
À quelques mois de sa conclusion, le dispositif de 2020 nous laisse une impression contrastée. Oui, il a ouvert une porte. Oui, il a permis quelques progressions individuelles notables. Mais non, il n’a pas encore transformé en profondeur la manière dont la fonction publique conçoit la carrière des agents en situation de handicap. Il serait dommage d’en rester là. L’enjeu est désormais clair : ne pas refermer la parenthèse en 2026, mais donner à cette mesure les moyens de produire enfin l’impact qu’elle promettait.