« Comment j’ai arrêté de déconsommer » de Frédéric Mars : un livre à acheter sans hésiter

Pendant un an, Frédéric Mars et sa femme sont entrés en résistance face à la tyrannie invisible des marques et de la société de consommation. Une expérience inoubliable et une prise de conscience salutaire pour mieux consommer.

Aujourd’hui, tout doit pouvoir se tester : la nouvelle plate-forme interactive consacrée à l’univers d’Harry Potter, les “milkshakes vanille à Paris”, les véhicules de l’Armée, le massage au bureau, les foires aux célibataires… Le journaliste américain A. J. Jacobs en a même fait un genre à part entière. Après One Man’s Humble Quest to Become the Smartest Person in the World, dans lequel il lit l’Encyclopédie Britannica de A à Z, et The Guinea Pig Diaries: My Life as an Experiment, où il devient un sujet de recherches biomédicales, Jacobs s’est fait connaître du grand public avec L’année où j’ai vécu selon la Bible. Le succès de l’ouvrage aidant, d’autres auteurs européens se sont essayés à cette “littérature du test”. L’intérêt de la démarche est pourtant loin d’être toujours probant. Si L’année où j’ai vécu selon la Bible montre concrètement combien l’interprétation littérale du Livre est non seulement difficile mais, qui plus est, parfaitement absurde quand elle devient systématique, on n’apprend rien – ou pas grand chose – en passant Une semaine à l’aéroport avec Alain de Botton. Rien en tout cas qui n’ait déjà été dit ou qui pourrait l’être dans le cadre d’un travail journalistique classique.

La consommation est-elle une aliénation et la déconsommation une libération ?

Qu’en est-il de l’intérêt de ”L’année de lutte contre l’enfer marchant” racontée par Frédéric Mars dans Comment j’ai arrêté de consommer ? D’emblée, l’auteur pose le problème fondamental de la consommation en soulignant combien sont rares les achats qui  contribuent réellement à nous mettre en contact avec nous même et avec les autres. La plupart des achats sont au contraire compulsifs, sans plaisir réel, ni durable et n’ont pour seul objectif que de nous oublier. Mais le savoir est une chose. Changer effectivement de mode de vie en optant pour la déconsommation en est une autre. Car toute la société est conçue pour nous inciter à consommer : l’augmentation du temps libre qu’il faut bien occuper, les facilités de paiement offerte par la carte bleue, le découvert autorisé, le prélèvement automatique ou encore le crédit à la consommation. Des facilités auxquelles s’ajoutent la force extraordinaire des habitudes, l’omniprésence des médias et des marques, la quête permanente de nouveauté, le coût prohibitif de la réparation par rapport à un remplacement pur et simple…  Jusqu’au pouvoir d’achat érigé en valeur et en idéal politique à part entière !

Une expérience personnelle à défaut d’être un idéal collectif
S’engager dans la déconsommation consiste donc à en une remise en cause complète. Et c’est là aussi que le témoignage de Frédéric Mars est intéressant : le choix de consommer le strict nécessaire ne demande pas seulement de la volonté pour résister à la tentation et à la facilité. La déconsommation suppose aussi de payer plus cher pour privilégier la qualité, d’affronter le regard de l’entourage qui ne partage pas le même combat et de consacrer plus de temps pour troquer, faire ses achats en direct, suivre ses comptes, régler ses factures par chèque, retirer du liquide…
Frédéric Mars le note d’ailleurs avec ironie : jamais il n’a consacré autant de temps à sa consommation depuis qu’il a décidé de moins consommer ! 
Au final, une conclusion s’impose : il est impossible de ne rien acheter du tout, surtout lorsqu’on a des enfants qui baignent en permanence dans la culture de la consommation. Rien ne dit d’ailleurs que cela soit souhaitable. La déconsommation dans sa version la plus radicale est une forme avérée d’austérité, de priorité donnée à la raison sur le plaisir. Par ailleurs, le fait de payer développe aussi une forme d’exigence nécessaire. Mais l’expérience de la déconsommation a au moins un intérêt : mettre un terme à une consommation irraisonnée et compulsive, réfléchir à ce que nous rend vraiment heureux et nous rend un peu plus libre. Ce qui, en soi, n’est déjà pas si mal ! 

Comment j’ai arrêté de CONsommer, Frédéric Mars, Les éditions du moment, juin 2012, 248 pages, 18€