Le pouvoir de la métaphore

Une nouvelle métaphore recadre la manière dont les gens perçoivent la réalité. Faire appel à une métaphore correspond à injecter directement des images dans le cerveau.

L’expérience personnelle suggère fortement que les organisations ne peuvent embarquer à bord qu’une idée à la fois. Des idées déconnectées trop nombreuses, des concepts trop devers, trop de « nouveau trucs » qui ne s’inscrivent pas aisément dans la vision d’ensemble ne feront que générer de la confusion parmi les employés, avant de les submerger complètement. Ils finiront d’ailleurs par abandonner.
Les métaphores correspondent à la manière qu’a l’esprit de donner du sens aux choses. Une métaphore pertinente synthétise des idées larges et souvent complexes en une seule référence unique. Une nouvelle métaphore recadre la manière dont les gens perçoivent la réalité. Et une grande métaphore réussit à générer une cause commune entre des intérêts divers et abolit les barrières culturelles. En injectant des images dans l’inconscient, une métaphore bien construite réussit à recadrer les comportements.
Qu’est-ce qui pourrait mieux définir le rôle d’un leader aujourd’hui au sein d’une équipe que l’image de chef d’orchestre souligné par Drucker ? Qui aurait acheté Qui a piqué mon fromage si Johnson lui avait donné un titre plus académique ? Et que dire de la citation de Benjamin Franklin : « soutenons-nous tous, ou nous nous pendrons tout seuls », qui, replacé dans le contexte de la guerre d’indépendance, était beaucoup plus qu’un simple aphorisme.
Pour une utilisation magistrale de la métaphore comme moyen d’adhésion à une cause commune, nul besoin d’aller chercher plus loin que les discours de Churchill pendant la seconde guerre mondiale « côte à côte, sans aucune aide à l’exception de celle de leurs amis et parents des grands dominions, et des vastes empires qui demeurent sous leur gouverne, les peuples britanniques et français ont avancé pour sauver non seulement l’Europe mais l’humanité toute entière de la tyrannie la plus folle et la plus destructrice qui ait jamais assombri et taché les pages de notre histoire ».
Nos esprits naviguent en permanence à travers la métaphore. D’un point de vue du leadership, il faut toutefois que la métaphore soit la bonne. Les métaphores mécaniques (« il faut changer les moteurs ») ne résonnent pas dans un monde de haute technologie. De même, parler de «  monter à bord du bus » génère une image à la fois déconnectée de la réalité des gens (franchement, vous prenez vraiment le bus ?) et définit le changement nécessaire comme étant lent et cahoteux, avec de nombreux arrêts.
En règle générale, les métaphores sportives « mettre la balle dans le panier » ne parlent pas non plus vraiment aux femmes.
Certaines métaphores voyagent par ailleurs très mal. Le terme « vision » a été interprété dans un pays en particulier comme une expérience religieuse.
Faire appel à une métaphore correspond à injecter directement des images dans le cerveau, images auxquelles l'esprit réagit directement. Il ne peut esquiver et fera exactement ce qu’on lui dit. Ainsi, les déclarations et interférences négatives sont systématiquement ignorées.
Essayez pour voir de dire à votre adolescent de fils qui descend de votre nouvelle voiture « ne claque pas la porte ». Et Bam, la portière claque. De même, si un leader déclare « nous devons nous débarrasser de ceux qui travaillent en cavaliers seuls dans cette organisation », l’image générée est celle des « cavaliers seuls ». Et c’est justement ce que nous allons récupérer en plus, des « cavaliers seuls ».
Les métaphores les plus puissantes sont celles qui changent la manière qu’on les gens d’interpréter le monde, qui créent des images de ce que nous voulons (et non pas ce que nous ne voulons pas). General Electric s’efforce ainsi de devenir « sans limite ». À moins de plonger dans la théorie des trous noirs, supernovas et autre hypothèse extraordinaire d’un univers en perpétuelle expansion, rien dans la physique ne vient soutenir l’idée que quoi que ce soit sur cette planète puisse exister sans aucune limite. En tant que métaphore, néanmoins, pour proposer un environnement ou les murs artificiels sont abattus, et saisir l’axiome que ni race, ni genre, ni fonction, ni rang, ni géographie ne doivent interférer dans la marche des idées et le partage des meilleures pratiques, alors, comme le dit la publicité, cela n’a pas de prix.

Soyez à l’affut des métaphores de votre organisation

Convoquent-elles des images qui véhiculent ce que vous voulez ? Vous font-elles avancer ou au contraire, vous freinent-elles ? Aident-elles vos équipes à « décoller » ? La prochaine fois que vous coachez quelqu’un scotché à quelque chose quine marche plus, ne passez pas votre temps à le convaincre mais aidez-le à trouver une nouvelle métaphore. Les métaphores sont magiques, ne repartez pas chez vous sans la votre ! Et n’oubliez pas de demander à votre adolescent de « fermer la porte doucement ! »