Emploi des jeunes : formations par alternance, quels sont les freins ?

Le rapport « Promouvoir et développer l’Alternance » d’Henri Proglio en 2009 a posé les bases du développement des formations par alternance chez les entreprises. Aujourd’hui, avec l’explosion du chômage chez les jeunes, le Gouvernement a décidé d’accélérer le mouvement et souhaite doubler le nombre d’apprentis en 2015.

500 000 apprentis en 2017 : un objectif ambitieux

Ce projet qui pourrait ne jamais aboutir tant les préjugés sur les coûts de l’alternance ont la dent dure au sein des grands groupes français.
Le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans atteint des sommets en France. De 17,3 % en 2008, il est passé en moins de 6 ans à 23,7 %. Chaque année, le risque de chômage s’aggrave et le marché du travail ferme peu à peu ses portes. À tel point qu’un jeune sur cinq reste sans emploi trois ans après avoir fini sa formation. Plébiscité par de nombreux étudiants, plus particulièrement dans les grandes écoles, le stage constitue le premier canal vers l’emploi pour les jeunes, pour l’instant en tout cas. En effet, le 12 juin dernier, le Sénat adoptait un projet de loi sur les stages qui pourrait bien tout changer. Parmi les mesures phares, la fin des stages de plus de 6 mois ou la limitation du nombre de stagiaires dans une entreprise font débat. Vouloir améliorer les conditions de travail des stagiaires en imposant des règles drastiques aux entreprises : l’intention est louable, mais les effets pourraient bien se révéler dévastateurs.
Conscient du risque qu’il prend, le Gouvernement semble avoir décidé de rééquilibrer la balance en mettant en valeur les formations par alternance et plus particulièrement l’apprentissage. Afin d’endiguer l’explosion de chômage chez les jeunes, Manuel Valls a profité de la troisième conférence sociale les 7 et 8 juillet derniers pour confirmer son désir de développer ce type de formation. 200 millions d’euros supplémentaires vont être dégagés et le gouvernement allouera 1 000 euros pour chaque jeune apprenti engagé. Le but : arriver à 500 000 apprentis en 2017, soit deux fois plus qu’aujourd’hui. Un objectif ambitieux qui pourrait bien se heurter au scepticisme grandissant des entreprises concernant les formations par alternance.

Les entreprises françaises font de la résistance

« Si globalement les patrons plébiscitent le système, lorsqu’il s’agit de passer le pas, ils se montrent hésitants, car pour bon nombre d’entre eux, l’alternance coûte trop cher », constatent les auteurs d’un sondage Ifop pour l’Agefa-PME réalisé en juin dernier. Selon Amaury Simon, président du groupe SGIV, un apprenti coûterait pas moins de 18 000 euros par an à l’entreprise. Des coûts élevés, mais à court terme seulement. Engager un apprenti, c’est en effet parier sur l’avenir et sur la possibilité de finir avec un employé formé pour et par l’entreprise.
Du côté des PME, la timidité semble justifiée. Les petites structures ne peuvent aujourd’hui se permettre ce type de vision de long terme tant leur avenir reste pour la plupart incertain. Pour les grandes entreprises cependant, les réticences quant à la formation d’apprentis paraissent difficilement légitimes. Malgré un climat économique français mitigé, leur avenir est bien souvent déjà tout tracé et développer l’apprentissage ne risque pas de les faire couler, bien au contraire. Une mauvaise volonté telle que le Gouvernement a dû imposer des quotas d’apprentis aux entreprises de plus de 250 salariés. À l’horizon 2015, elles devront toutes avoir au moins 5 % d’apprentis dans leurs locaux. Une nouvelle assez mal accueillie par des entreprises encore trop ancrées dans leurs préjugés.

Les bons élèves français donnent le la 

Veolia, SFR, EDF… Les bons élèves français existent et prouvent qu’apprentissage n’est pas synonyme de faillite, loin de là. Henri Proglio, PDG d’EDF, en aurait d’ailleurs presque fait sa marque de fabrique. Celui qui remettait en 2009 à Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi, un rapport intitulé « Promouvoir et développer l’alternance », proposait à l’époque un crédit d’impôt dont bénéficieraient les entreprises qui s’engagent à former plus d’alternants. Avec 5 % d’alternants figurant dans l’entreprise et 8 % des recrutements de cadres parmi les anciens apprentis, les chiffres d’EDF parlent d’eux-mêmes et le groupe est loin de pâtir de cet engagement citoyen. L’entreprise peut en effet se permettre aujourd’hui d’investir 11 milliards d’euros par an en France tout en recrutant des dizaines de milliers de personnes, parmi lesquelles des centaines de CAP.
Parce qu’EDF n’est pas une exception qui confirmerait les risques que représentent les formations d’apprentis pour les entreprises, un autre bon élève particulièrement engagé : BNP Paribas. « Nous sommes convaincus qu’il s’agit d’une voie d’excellence pour les jeunes, leur permettant ainsi d’obtenir un diplôme tout en bénéficiant d’une solide expérience professionnelle », confirme Isabelle Sachot-Moirez, Responsable Recrutement France au sein de la banque française. En 2013, l’entreprise a recruté pas moins de 1700 alternants, dont plus de 50 % ont fini en CDI. L’alternance est « une chance pour le Groupe de pouvoir ainsi transmettre son savoir-faire », précise Isabelle Sachot-Moirez alors que BNP Paribas annonce des objectifs de rendement de ses fonds propres ROE (« return on equity ») d’au moins 10 % pour cette année. Preuve qu’en France, il y a deux types d’entreprises : celles qui ne pensent qu’aux profits et d’autres qui se rendent compte que gain rime aussi avec citoyen et qu’il est important de soutenir les jeunes, cadres de demain.