Israël, terre promise de l'innovation en management

Les nouvelles expérimentations managériales élisent domicile dans l'Etat hébreu. Ce qui explique en grande partie la bonne santé économique de cette nation start-up.

L’entreprise ne se vit plus centrée sur elle-même, elle appartient à un écosystème social, sectoriel, géographique, culturel beaucoup plus large. Son nouveau rôle est donc d’offrir aux équipes un espace mélangeant l’exploitation de l’actif et l’exploration de nouveaux mondes. J’ai eu récemment l’opportunité de participer à un voyage en Israël aux côtés de la French Tech. Rencontres, échanges, visite de lieux d’innovation et de recherche, rencontre de fonds d’investissement, de dirigeants, d’accélérateurs, de politiques, ou encore de professionnels de l’éducation m’ont amené à faire bouger mes a priori et m’inspirer du modèle israélien.

Learning by doing

"Apprendre à oser" ? Bien loin de la devise d’une célèbre école de commerce française, l’inclination à oser ou faire est ici moins le fruit de l’apprentissage, qu’elle n’est la condition de l’apprentissage en lui-même : oser faire et apprendre en faisant.

L’écosystème local est tourné vers l’action : faire et faire vite surtout ! Si un projet ne semble pas viable, on arrête et on en recommence un autre. Les circuits de décisions sont courts. Ainsi, la part donnée à l’intuition est énorme. Mais l’intuition se forge à partir d’expériences. Plus on tente, plus on échoue, plus on retente, plus on réussit.

Balagan Management

Ce foisonnement d’initiatives crée aussi un sentiment de désordre. Un mot traduit cela : le balagan. Et il peut s’ériger en mode de management car il est aussi une culture de vie, savoir apprendre dans le désordre, ne pas tout maîtriser avant de se lancer.

Par rapport aux Etats-Unis, qui délivrent surtout en respectant des processus très préparés, Israël est plus agile. Sa composante multiculturelle est un gage d’innovation et génère de la créativité.


L’innovation, la véritable religion

L’ADN du pays est l’innovation. Dès le plus jeune âge, les enfants rêvent de créer, d’entreprendre. On leur promet de faire avancer le monde. "Innover c’est éduquer" m’a affirmé Manuel Trajtenberg, Professeur de l’Université de Tel Aviv. L’innovation est vécue comme le facteur de croissance majeur et une question de survie. 

Mais "Innover ce n’est pas bâtir des filières cloisonnées entre elles, c’est favoriser l’horizontalité des filières".  selon Philippe Aghion, Economiste au Collège de France. Innover c’est aussi restaurer le lien social, c’est améliorer les conditions humaines pour les déployer à toute une population.

La transformation numérique de nos sociétés entraîne un digital-lag et les gouvernements ne sont qu’un des agents du changement et du maintien du lien social dans lesquels les entreprises ont un rôle majeur à jouer, et à travers elles, chacun d’entre nous.


Le paradoxe Technologie et Humain

Les start-up de l’écosystème israélien sont des pépites technologiques. Un mot clé : l’algorithme. Leur pétrole ? La data ! Ils imaginent, prototypent, construisent, puis fournissent à des entreprises mondiales car leur marché n’existe pas vraiment. Ils pensent global avant de penser local. La majorité a vécu ou a passé du temps dans des pays étrangers. Le monde est leur jardin.

Dès la création de l’état, ils ont parié sur la science qui est un outil de médiation. Le Technion est devenue sa vitrine, affichant nombre de prix Nobel, de découvertes significatives. Sa force réside dans la dimension humaine. Encouragée dès l’armée, il s’y développe un sentiment de cohésion assez rare. Ne nous y trompons pas, tel un sabra, piquant à l’extérieur et doux à l’intérieur, l’interface peut paraître rugueuse, mais en cas de besoin, la solidarité est immense. Et la valeur humaine y est réelle. Son atout réside certes dans la recherche et la science mais également dans le talent et l’apprentissage. Les investisseurs locaux ne s’y trompent pas et avouent attacher autant, voire davantage d’importance aux équipes qu’aux technologies qui leur sont présentées.


Un système non transposable

Ce modèle est difficilement copiable en Europe. Ni les frontières, ni le contexte géopolitique, ni les mentalités, ni l’histoire ne sont comparables. Mais l’intérêt repose dans la collaboration entre écosystèmes. En Israël le gouvernement met en place des lois qui favorisent l’innovation et la coopération entre chercheurs, start-up, grandes entreprises locales, investisseurs étrangers et entreprises étrangères. Il n’y a pas de gourous, pas de culte de la personnalité, peu de « parrains » du système devenus incontournables. Tout le monde a sa chance. Le mentoring s’y développe : un projet est jugé à la qualité humaine de ses fondateurs et de ses advisors. L’écosystème est sain et pensé comme un tout, au sens où les intérêts convergent. La French Tech l’a d’ailleurs très bien compris et considère Israël comme un partenaire privilégié.


Doit-on laisser la Chine faire son marché ?

En complément aux grandes entreprises technologiques américaines (Intel, Microsoft, Google, Apple, …), les chinois ont vite perçu l’intérêt d’un tel marché et font l’acquisition de start-up à tour de bras. Et il n’y a qu’à observer la géographie des derniers partenariats académiques conclus par le Technion pour comprendre qu’Israël envisage également ses futurs intérêts économiques en Asie (Corée du Sud, Taiwan…). Or, l’avantage technologique espéré par nombre d’entreprises françaises peut se situer en Israël.

Nos graines de start-up auraient tout intérêt à se porter vers le terreau d’innovation israëlien. Elles pourraient bien, grâce aux complémentarités de nos modèles et de nos valeurs, s’épanouir et favoriser l’ouverture entre nos deux pays, de la Mer de l’innovation.