Formation professionnelle : 2015, année "blanche" ?

Le compte à rebours est lancé. Dans deux semaines, le compte personnel de formation (CPF) sera ouvert à quelque 25 millions de bénéficiaires.

Les ambitions exprimées au travers de cette mesure, et plus globalement de la réforme de la formation professionnelle, ne se heurteront – elles pas aux capacités de acteurs (entreprises, Opca) à s’approprier et à financer les nouveaux dispositifs ? Dans un contexte économique difficile, 2015 risque de ne pas tenir toutes ses promesses.

CPF : des droits sans financements pour 2015 ?

Depuis la mi – novembre, le site internet de gestion du compte personnel de formation a été lancé (www.moncompteformation.gouv.fr). L’espace de gestion auquel chaque actif aura accès sera ouvert à partir du 1er janvier 2015. A compter de cette date, tous les actifs pourront accéder à leur espace personnel pour se renseigner sur leurs droits acquis et gérer ces droits. Lors de leur première connexion, les utilisateurs devront indiquer leur numéro de sécurité sociale, leur civilité, nom de naissance et prénom et être titulaires d’une adresse mail. A charge ensuite pour chaque titulaire d’inscrire son solde d’heures DIF dans son espace personnel sécurisé, sur la base des informations communiquées par l’employeur, soit sur une attestation de droits au DIF, soit sur la fiche de paie du mois de décembre 2014.
Sur 2015, seules les heures de DIF non consommées au 31/12/2014 viendront alimenter le CPF ; les 24 premières heures capitalisées en 2015 au titre du CPF ne pourront être mobilisées qu’en 2016. A maxima, les droits pour 2015 seront donc de 120 heures, correspondant au plafond du DIF… sous réserve de financements mobilisables par les OPCA. Ces derniers se montrent très prudents sur ce point.

Par ailleurs, seules les formations inscrites sur la liste nationale interprofessionnelle ainsi que sur les listes régionales et de branche seront demain éligibles au CPF. Fin novembre 2014, les partenaires sociaux ont établi une première liste nationale interprofessionnelle des formations éligibles au CPF, en y excluant dans un premier temps les diplômes universitaires.
Les conditions d’un déploiement rapide du CPF l’an prochain ne semblent de ce fait pas totalement réunies, entre contraintes de financement des Opca d’une part et limites de choix dans les formations éligibles au CPF en 2015 d’autre part.
Il faudra compter également sur l’appropriation de ce dispositif par les individus et les entreprises ; or, le délai d’appropriation de toute nouvelle mesure en matière de formation professionnelle prend au moins deux ans, comme en témoignent les deux précédentes réformes de 2004 et de 2009. Au – delà de l’appropriation, la réussite du CPF sera certainement liée à la capacité des partenaires sociaux à négocier des accords d’entreprise portant sur le plan de formation et plus particulièrement sur les abondements au titre du CPF, en lien avec l’obligation de négociation sur la GPEC portée par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.

Organismes collecteurs (Opca, Fongecif) : des perspectives financières négatives

La suppression de l’obligation légale de participation des entreprises de 300 salariés et plus au titre du plan de formation (« 0,9 % » plan de formation), ainsi que les nouvelles règles de financement de la formation professionnelle introduites par la réforme vont impacter fortement les organismes collecteurs moins à compter de 2015, mais surtout à compter de 2016.
Au 28 février 2015, les entreprises s’acquitteront en effet pour la dernière fois de leur obligation de participation à la formation professionnelle au titre de l’année 2014, selon les dispositions antérieures à la loi du 5 mars 2014 (0,55 %, 1,05 % ou 1,60 % de la masse salariale selon la taille de l’entreprise).
En revanche, au 28 février 2016, la contribution annuelle des entreprises sera ramenée à 0,55 % ou 1% selon la taille de l’entreprise, au titre de l’année 2015, date d’entrée en application de la réforme de la formation professionnelle.
Selon de récentes estimations établies par les services du ministère du Travail et de l’Emploi, les Opca pourraient voir le montant théorique de leur collecte au titre du plan de formation et transitant par eux diminuer de plus de 80 % à compter de 2016, représentant un « manque à collecter » de près de 3,2 milliards d’euros.
Afin de ne pas se trouver dans une situation financière non maîtrisée en 2016, nombre d’Opca risquent d’adopter une position de grande prudence en 2015 quant aux engagements qu’ils prendront en termes de prise en charge des actions de formation.
Les organismes collecteurs des contributions au titre du congé individuel deformation (CIF) sont profondément impactés également par la réforme de la formation professionnelle, notamment du point de vue financier. En effet, ces organismes (Fongecif, Opacif) perdent leur fonction de collecteur, au bénéfice des seuls Opca. Ainsi, la plupart des Fongecif et Opacif estimaient il y a peu que leurs ressources diminueraient en 2015 de l’ordre de 15 % à 20 %.
L’année 2015 s’annonce donc plutôt comme une année de transition que de déploiement rapide des dispositifs portés par la réforme de la formation professionnelle. Les nouvelles règles de financement de la formation professionnelle vont certainement inviter les organismes collecteurs à la plus grande prudence. Peut – on attendre de la part des entreprises des politiques plus volontaristes ? Certes, en supprimant le « 0,9 % » plan de formation pour les entreprises de 300 salariés et plus, la loi du 5 mars 2014 invite à considérer la formation comme un investissement et non comme une charge. Le contexte actuel de faible croissance montre toutefois que cette intention ne résiste pas à la mise sous tension des budgets formation par les DRH et les DG dans nombre d’entreprises.