Renouveler notre conception de la formation et des études

Les finalités de l'école doivent être plus clairement affirmées et expliquées pour éviter de perpétuer le malentendu actuel sur la vie professionnelle qui attend les plus jeunes.

Il est essentiel de former des citoyens français, et désormais européens, pour contrer les menaces identitaires et agressives, comme il était crucial que l’Ecole de la IIIème République forme des citoyens dotés d’une certaine indépendance d’esprit vis-à-vis des courants ultramontains de la fin du XIXème siècle.

En parallèle, il n’est pas concevable de continuer à faire grandir des jeunes hommes et des jeunes femmes en couveuse, à l’abri de toute réelle influence du monde professionnel qui les attend. Les journées des métiers et les stages en 3ème constituent une réelle avancée mais demeurent insuffisantes. C’est régulièrement, et tout au long de leurs années de collège et de lycée, que des échanges avec les témoins de différents parcours professionnels doivent être organisés. Et c’est dès ce moment qu’il faut des exemples de professeurs ayant changé de voie, de salariés devenus entrepreneurs ou agriculteurs, d’artisans devenus restaurateurs, d’entrepreneurs devenus professeurs ou dirigeants d’association etc… Il faut immédiatement casser l’illusion dangereuse que "le choix d’un métier à 14 ou 18 ans, c’est pour la vie", et que les études supérieures sont la clé d’une vie professionnelle prédictible et linéaire. 

Arrivés au moment des choix vers les Bacs professionnels ou généralistes, ou vers les études supérieures, il doit être expliqué et illustré aux nouvelles générations qu’ils pourront - et devront certainement - changer de voie plusieurs fois dans leur vie. Et donc que des études courtes sont parfaitement adaptées à l’acquisition rapide d’un métier, mais aussi que les études longues n’excluent pas une remise en question régulière des acquis. Par exemple, il est certain que les médecins, même après 6 années d’études et un internat, devront continuer à se former régulièrement pour rester à même d’exercer une profession que la technologie se met à bouleverser en profondeur. L’idée d’une formation nécessaire tout au long de la vie réduira ainsi la hiérarchie clivante qui existe actuellement entre des études courtes et des études supérieures longues.

Quelle que soit la voie choisie, chacun va devoir passer par des cycles de formation réguliers. Il faut pour cela que les écoles et les centres de formation soient agiles et capables de concevoir des cycles de formation sur-mesure avec les acteurs de l’économie. Un cursus de formation doit pouvoir être remis en question dès que les besoins de recrutement correspondants sont satisfaits ou ont évolué.

Nous devons tendre vers un système ou la formation initiale n’est pas aussi déterminante qu’elle l’est aujourd’hui. Au lieu d’être l’alpha et l’oméga d’un parcours professionnel, elle ne serait qu’un des ingrédients initiaux. Ce que nous appelons la formation continue, aujourd’hui moins bien valorisée, prendrait alors une toute autre importance. Ceci sous le double effet des validités plus courtes et aléatoires des acquis initiaux, et de la transformation d’une grande partie des fonctions professionnelles (ce que nous appelons "un poste" aujourd’hui) en missions à durée déterminée. Cette évolution ne remet pas en cause le rôle de l’école républicaine, des universités et des grandes écoles mais apporterait le chaînon manquant à l’acquisition continue des compétences nécessaires à la réussite professionnelle et sans doute à l’épanouissement personnel.