Quel avenir post-covid pour le marché du travail français ?

Le marché de l'emploi français doit se réinventer au-delà de l'affrontement quasi idéologique entre les partisans de la flexibilité et ceux la sécurité de l'emploi. Pour sortir de cette boucle, une troisième voie existe : la mobilité.

La crise sanitaire a provoqué un choc économique majeur dont nous peinons encore à mesurer les effets sur le marché du travail. En Europe, les dispositifs d’activité partielle ont permis d’éviter une explosion du chômage comme aux États-Unis, où les chiffres sont sans doute sous-estimés en raison de la difficulté à effectuer en enquêtes sur l’emploi. Le coût énorme pour les finances publiques des plans de sauvegarde de l’activité et de relance sera d’autant mieux amorti s’ils s’accompagnent d’une stratégie pour construire un marché du travail plus efficace, plus résilient et ouvert à tous.

Sécurité contre flexibilité : un sempiternel débat.

Sur Indeed.fr, le volume d’offres d’emploi s’établit en juillet à 78 % de ce qu’il était avant la crise, après avoir diminué de moitié. Le trafic sur le site a fortement augmenté depuis le déconfinement, et plus d’un million de CV ont été téléchargés sur la plateforme sur ces trois derniers mois, preuve que de nombreux chercheurs d’emploi sont actifs.

Le problème d’appariement de l’offre et de la demande sur le marché du travail français est néanmoins appelé à s’aggraver, sur fond de flexibilité toujours insuffisante, malgré les nombreuses réformes structurelles entreprises sur ces cinq dernières années. Un chemin vers le plein emploi existe néanmoins, qui permet d’échapper à la dialectique entre flexibilité et sécurité, dont la trop galvaudée flexicurité serait l’optimum dans l’espace des politiques publiques. Ce chemin repose sur la mobilité.

La mobilité intersectorielle : une troisième piste pour le plein emploi

À court terme, c’est la formation qui permet de pourvoir les offres qui restent sans preneur sur les sites carrières, au grand dam des recruteurs dans les entreprises. Ces métiers sont très divers, et vont du programmeur informatique à des métiers moins qualifiés dans la construction, l’installation et la maintenance. Parmi ces derniers, plus nombreux, beaucoup sont difficiles et rémunérés au SMIC. D’où l’importance d’assurer la mobilité intersectorielle sur le marché du travail : ces métiers pourraient, pour ceux qui veulent évoluer, représenter un tremplin vers des emplois mieux rémunérés et plus qualifiés.

Encore faut-il que les solutions de formation existent, qu’elles soient facilement accessibles aux actifs et que les recruteurs changent de point de vue sur les profils ayant des parcours atypiques. Se former tout au long de sa carrière pour maîtriser les nouveaux outils est tout aussi fondamental pour les actifs très qualifiés. Des solutions numériques de formation à distance ont prouvé leur efficacité pendant le confinement. Saisissons-nous de ces innovations !

Numérique et logement, leviers pour l’emploi

À moyen terme, les entreprises et les autorités publiques doivent investir dans le numérique et logement pour accroître la mobilité géographique des actifs et la compétitivité du pays. Comme nous le disions dans un rapport et une tribune antérieurs, le télétravail et la construction verticale dans les 

métropoles sont les seuls vrais remèdes au déficit de mobilité qui est responsable de 2,5 points de chômage et à la dégradation du pouvoir d’achat des ménages sous l’effet de l’augmentation des dépenses contraintes. Encourager le télétravail et bâtir des logements à proximité des zones d’emploi gonflera les créations d’emplois qui découleront des mesures de relance.

Dépoussiérer le marché de l’emploi français et ses parties prenantes

Enfin, à long terme, c’est le fonctionnement des institutions de notre marché du travail qu’il faudrait revoir. La faible représentativité des syndicats et les difficultés de négociation entre partenaires sociaux sont des points trop souvent évoqués pour s’y appesantir, mais qu’il est néanmoins indispensable de rappeler.

Rendre les droits des actifs plus clairs et plus effectifs, en simplifiant le droit du travail tout en renforçant les administrations chargées d’en assurer le respect à l’instar de l’Inspection du travail, doit continuer à être le point focal de tous les efforts de long terme. Ce doit aussi être l’occasion d’agir contre les discriminations sur le marché du travail, formidable gâchis de compétences qui vient se surajouter à notre problème de chômage endémique.

Ne nous y trompons pas : la crise économique qui s’annonce aura des conséquences sociales dévastatrices si nous ne nous attelons pas au sujet de l’emploi. Tout reste à faire.