Co-construction et soft skills : comment Suntory a revu son académie de vente

Co-construction et soft skills : comment Suntory a revu son académie de vente En 2019, l'industriel s'est lancé dans une grande transformation de sa force de vente. Cette dernière passe notamment par une remise à plat de la formation en concertation avec les vendeurs et une plus grande implication des managers.

En 2019 la nouvelle directrice nationale des ventes du fabricant et distributeur de boissons non alcoolisées Suntory Beverage & Food France, Aurélie Meslage, lance une grande transformation du département des ventes avec trois objectifs : être plus performant en s'adaptant aux évolutions de la distribution (moindre importance des hypermarchés, part croissante des supermarchés, des magasins de proximité et du drive) ; inclure la responsabilité sociétale et environnementale dans l'action commerciale ; améliorer l'engagement des équipes. "Dans notre entreprise, toute performance passe par l'enthousiasme, l'envie des équipes, raconte Aurélie Meslage. On voulait donc s'assurer que les transformations allaient aussi booster l'engagement."

Le projet moteur est la transformation de la formation. La filiale du groupe japonais familial Suntory forme depuis longtemps ses commerciaux en interne, mais essentiellement sur la technique. Or, "être plus performants et avoir des équipes encore plus engagées passe aussi par la manière dont on forme, la plus adaptée et ludique possible, correspondant aux valeurs de l'entreprise d'être sérieux sans se prendre au sérieux".

Pour le fabricant d'Orangina, Oasis ou encore Schweppes, cette évolution devait passer par de la co-construction. Ainsi, une vingtaine d'attachés commerciaux, responsables de secteurs, managers, membres du siège en charge des clients nationaux ou du développement commercial forme un groupe de travail pour "un diagnostic à 360 degrés", interrogeant même des clients. "La vérité business se trouve sur le terrain, est convaincue la directrice des ventes. L'objectif était de partir des besoins des équipes et des clients pour définir la stratégie et les moyens". Il en ressort entre autres qu'il faut insister sur les soft skills, avoir une formation très pratique et dynamique, individualiser le parcours.

Des parcours au long cours

Avec l'aide d'Humani Vectis, centre de formation, le groupe de travail planche ensuite sur le nouveau programme. Les 220 salariés sont tous reformés avec ces nouveaux modules, sur un an et demi. Un défi de taille, avec comme difficulté de "trouver la logistique pour former en période de Covid, donc avec des mois où on ne faisait rien, des annulations...", reconnaît Aurélie Meslage.

Chacun des trois métiers a son parcours, qui débute par une phase d'intégration théorique et pratique, avec plusieurs journées de formation. Le reste s'étale sur trois ans. Les modules sont assurés par les formateurs internes et par Humani Vectis.

Le parcours de responsable de secteur inclut ainsi trois modules de vente, deux de management puis un sur l'évolution professionnelle où des responsables d'autres services présentent leur métier, avec cas pratique et possibilité d'un dispositif type "Vis ma vie". Les soft skills sont intégrées dans les modules pour être liées de façon concrète aux compétences techniques.

Pour celles-ci, le programme insiste sur l'écoute et le questionnement, "tout ce moment de recueil de l'information. Si on ne connaît pas son client, on ne lui apporte pas de valeur ajoutée", impensable pour l'entreprise, challenger de Coca avec 18,2% de part de marché en 2021 et 912 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Côté soft skills, l'important est de "mieux se connaître. Cela a énormément de vertus dans la vente : savoir à quel moment on est plus percutant, avoir une meilleure compréhension face au client, mieux travailler en équipe. Et les méthodes de vente sont souvent vues comme assez scolaires ; là les équipes savent les adapter à leur manière d'être. Plus on est soi-même, plus on est sincères avec le client, mieux on le comprend, meilleure est la performance".

La formation en salle favorise "beaucoup de remontées des équipes, le plus d'échange possible" et la mise en pratique. Ensuite, les vendeurs sont accompagnés par les formateurs sur le terrain pour mettre à exécution ce qu'ils ont appris.

L'ensemble est complété par des contenus numériques (vidéos, quiz, contenus ludiques) et une plateforme pour se former sur des sujets hors parcours. Les managers coachent les équipes et font le point deux fois par an sur leurs besoins de formation.

L'importance des managers

La formation des managers est particulièrement importante, spécifiquement en coaching sur les méthodes de vente inculquées aux vendeurs. "Certains modules sont plus ou moins bien assimilés par les managers donc plus ou moins bien amenés aux équipes. Un point d'attention important à garder dans le temps est la montée en compétence les managers, leur manière de former et coacher les équipes. Si on fait le parcours de chef de secteur, mais que ce n'est pas repris par le manager, alors on forme pour rien".

Les chefs de vente ont d'ailleurs des "modules où ils échangent sur leurs difficultés. Il faut être à l'écoute de leurs problématiques, produire avec eux des modules qui leur correspondent, qu'ils y voient un intérêt, du sens. La transformation de la force de vente ne peut pas se faire sans eux".

Pour la directrice, le bilan est positif, en interne les modules de formation obtiennent un score de 4.8/5. Les indicateurs de performance se sont améliorés sur le terrain, l'engagement est passé de 85% à 88% dans l'équipe de vente, qui a atteint la troisième place dans sa catégorie d'un baromètre indépendant sur la satisfaction client.

Une difficulté reste de réussir à répartir les ressources entre le temps de mise en place des modules, l'apprentissage et la construction des modules du futur. "Ce sont des missions différentes, et prioriser et séquencer, est parfois un casse-tête", reconnaît la responsable.

Les modules sont revus chaque année, de nouveaux sont en préparation. Pour la directrice des ventes, c'est un "processus d'amélioration continue. Nous avons besoin de nous transformer au fil de l'eau, d'avoir de l'agilité pour comprendre les besoins des clients et ceux dont nous aurons besoin à l'avenir".