Mettre la formation au service d'une mixité intergénérationnelle performante

Aujourd'hui, quatre générations se côtoient sur le marché du travail. Olivier Lagrée, Talent Management Strategy & Value Advisor chez Cornerstone partage sa vision sur le challenge que cela constitue.

Aujourd'hui, quatre générations cohabitent au travail, depuis les baby-boomers, nés entre 1946 et 1964, jusqu’à la génération Z, née après 1997. Un réel défi pour les responsables RH qui doivent intégrer et mobiliser cette population diverse, tout leur proposant des plans de développement personnalisés pour les préparer aux changements induits entre autres par la transformation digitale alors qu’un rapport publié par Cornerstone, en collaboration avec Lighthouse Research, souligne que 63% des dirigeants doutent de la capacité de leurs collaborateurs à s’adapter au changement à venir.

Une opération d’autant plus complexe, que la prise en compte de la diversité n’est pas un phénomène spontané : selon la DARES, le taux d’emploi des séniors (au-delà de 55 ans) en France n’est que de 56,9%, bien loin de la moyenne européenne (62,4%) et, d’après une étude Ipsos pour le Cesi, 32% des chefs d’entreprise interrogés craignent que la génération Z ne dégrade le climat dans leur organisation.

Pourtant, un vivier de talents divers est un formidable (potentiel) atout pour les entreprises :

  • Selon Deloitte, les entreprises avec une forte diversité d’âge sont 1,8 fois plus susceptibles d’être des leaders sur leur marché grâce à l'innovation.
  • Selon la Society for Human Resource Management (SHRM), 77% des organisations ayant des programmes de mentorat intergénérationnel constatent une nette amélioration des compétences de leurs employés.
  • Une enquête de PwC montre que les entreprises qui favorisent la diversité d’âge constatent une réduction du taux de rotation des employés de 19%.

Comment dès lors tirer parti de cette richesse ? Comment instaurer un environnement inclusif en favorisant une approche agile et intergénérationnelle en matière de développement des compétences et des talents ? Comment préparer chacun à apprendre, désapprendre et réapprendre en permanence, tout en développant une agilité dans la résolution de plus en plus rapide de problèmes de plus en plus complexes ?

Pour répondre à ces interrogations, un préalable s’impose : Comprendre de quoi est faite la diversité ? Qu’est-ce que ces 4 générations ont de différent ? Quelles sont leurs attentes, leurs habitudes et leurs préférences au travail ?  Tour d’horizon.

Les Baby-Boomers (nés entre 1946 et 1964)

Ces collaborateurs, les plus expérimentés, sont réputés pour leur loyauté et leur engagement envers leur entreprise. Attachés à l’idée de progression hiérarchique, les Baby-Boomers qui représentent 18,3% de la population active, sont connus pour leur nature compétitive, leur amour du travail, leur naturel confiant et leur autonomie même s’ils se montrent plutôt résistants à l'adoption de nouvelles technologies, avec lesquelles ils ne sont pas toujours très à l’aise.

En termes de « jeu collectif », les Baby-Boomers se perçoivent souvent comme de véritables « historiens de l’entreprise » et affichent leur intérêt pour partager leur expérience. Cette génération plébiscite également un environnement pédagogique participatif dans lequel les Baby-Boomers peuvent interagir et collaborer les uns avec les autres.

Sachant que 61 % des jeunes générations aux US considèrent cette « expérience des anciens » comme précieuse, les Baby-boomers semblent de fait des atouts précieux pour déployer plus et mieux des approches de type « social learning » (communautés, mentorat ..) dont beaucoup s’accordent à reconnaître, au-delà des débats sur le modèle 10-20-70, l’apport au développement d’une culture d’apprentissage indispensable à toute organisation soumise aux mutations du travail, des métiers et des compétences

Génération X (née entre 1965 et 1980)

Cette génération qui représente environ 19% de la population française est souvent caractérisée par son indépendance, son scepticisme et sa capacité d’adaptation. Les GenX sont perçus comme très autonomes et appréciant qu'on leur fasse confiance.

Enfants de Mai 68 et de la fin des Trente Glorieuses les membres de la génération X qui sont aussi fils et filles des bourreaux de travail que sont les baby-boomers, apparaissent beaucoup moins enclins à jouer le jeu de la progression hiérarchique verticale que leurs aînés. Ils sont ainsi les premiers à avoir recherché et assumé la recherche d’un équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Ils ont de fait largement contribué à l’avènement de formes de management alternatives au traditionnel « commandement descendant ».

En termes d’apprentissage, ayant grandi à une époque où la technologie a tout bouleversé, les GenX sont à l’aise avec la technologie et leur souhait d’indépendance les amène à préférer les environnements de formation en ligne et les formats d’apprentissage autodirigés et souples. Pour autant, cette génération accorde de l’importance à l’efficacité et attend des contenus de formation accrocheurs, pertinents et pragmatiques. Les GenX aiment en effet mettre en application ce qu’ils ont appris et sont ainsi d’excellents ambassadeurs des formats de « On The Job Learning ». Ils attendent de leur management un style plus apprenant qu’ordonnant.

Les Millennials (nés entre 1981 et 1996)

Également connus sous le nom de génération Y, les Millennials représentent la première génération de « digital natives » (par opposition aux « digital immigrants » que sont les Baby-Boomers et les GenX). Ils représentent 30 % de la population active et ont grandi, pour les plus anciens, avec la diffusion des ordinateurs personnels et, pour les plus jeunes, avec l’expansion d’internet. Plus encore que leurs aînés, les Millenials accordent une grande importance à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et 73% de cette génération considèrent que la technologie y contribue fortement. (seulement 47% le pensent dans les générations précédentes)

En termes d’apprentissage, les Millennials sont des apprenants collaboratifs car ils ont l’habitude des projets d’équipe et utilisent les réseaux sociaux. A l’aise avec la technologie, ils ont tendance à privilégier l’apprentissage en ligne et à leur rythme, notamment le micro-learning, (formats courts allant de 30 secondes à 3 minutes). Néanmoins, ils apprécient également les modes de formation collaboratifs et sont souvent demandeurs de contacts en face à face plutôt que via messagerie, e-mail ou visioconférence.  

Génération Z (née entre 1997 et 2012)

Les membres les plus âgés de la génération Z ont une vingtaine d'années en 2024 et sont sur le marché du travail depuis un certain temps. Ayant grandi avec internet et les réseaux sociaux, elle est la plus technophile de toutes et valorise l’innovation et la créativité, ainsi que l’expression personnelle et l’authenticité. Ayant été confrontée ces 20 dernières années à l’accélération des dérèglements climatiques mais aussi géopolitiques du Monde, la Génération Z est vraisemblablement celle qui est la plus attentive au sens de son travail et à la « raison d’être » de son employeur

Ces éléments, combinés avec une exposition permanente à la technologie et aux réseaux sociaux conduisent à des besoins de formation nettement différents des autres générations : La GenZ est une génération avide de connaissances et qui fait confiance à sa capacité à construire son propre parcours en tirant parti des possibilités d’apprentissage et de développement qui s'offrent à elle. Habituée à rechercher des informations en ligne lorsqu'elle en a besoin, la « GenZ » peut être sensible aux grandes collections de contenus de formation qui lui permettent de trouver les informations dont elle a besoin. Enfin, elle préfère les contenus courts (micro-learning) et le format collaboratif est le meilleur moyen de la mobiliser.

En conclusion, face à cette diversité des attentes et des préférences entre générations on comprend mieux que l’idée d’une approche multimodale, hybride, de l’apprentissage et du développement des compétences et des talents soit, ou en tout cas doive devenir, la boussole des dirigeants à l’heure où émerge alors le risque d’un déficit croissant de préparation des effectifs au changement : le « Workforce Readiness Gap ».

Face à ce risque, il faut à l’Entreprise construire une stratégie de « Workforce Agility », cette aptitude qui combine agilité individuelle, collective et organisationnelle pour permettre d’anticiper et de réagir rapidement aux changements, en sachant les exploiter comme autant d’opportunités. Par ailleurs, la diversité des talents est aussi ici un atout essentiel, gage de performance et de résilience

A l’heure où presque tout le monde s’aligne à dire que « lorsque les collaborateurs vont bien, les entreprises sont au top », une approche « multi-générationnellement compatible » du développement des compétences et des talents va offrir à l’entreprise l’opportunité de bénéficier des impacts de la diversité de ses collaborateurs, en permettant à chacun de tirer le meilleur parti de sa formation, en apprenant de la manière qui lui convient le mieux.