Ce que les business schools n'osent pas encore dire sur leur avenir

L'agilité pédagogique est au cœur des transformations de demain.

Pendant des années, les business schools ont construit leur réputation sur trois piliers intouchables : les classements internationaux, l'excellence académique et la recherche. Mais à l’heure où les crises systémiques et l'intelligence artificielle redéfinissent les règles, une autre dimension s’impose avec force : l’agilité pédagogique.

L'agilité est désormais une condition essentielle pour répondre à des attentes qui s’intensifient, à des formats qui se diversifient, et à un environnement en perpétuelle transformation. Cette agilité demande un véritable effort de créativité, non seulement dans l’organisation interne des institutions, mais aussi dans leur manière d’interagir avec les écosystèmes qui les entourent (Clark et al., 2025). Il ne s’agit plus de délivrer un savoir figé, mais de préparer des professionnels capables de réactualiser leurs compétences, de cartographier les risques, de naviguer entre contraintes et interdépendances, et de décider dans l’incertain. Il s’agit aussi d’outiller les talents de demain pour qu’ils puissent investir des fonctions encore émergentes, issues des mutations climatiques, technologiques ou sociales, et contribuer ainsi à façonner des métiers qui n’existaient pas hier mais dont la société a urgemment besoin (Chabot, Abdessemed et Bertrand, 2025).

L’agilité pédagogique ne s’improvise pas, elle s’incarne.

L'agilité pédagogique prend vie dans des salles de classe où l’enseignant devient accélérateur de réflexivité, de controverses constructives et de collaborations. Un curriculum agile repose sur la pensée critique, la résolution de problèmes, la communication et la littératie numérique : des compétences devenues incontournables face à l’instabilité des repères professionnels (AACSB, 2023). Plus que jamais, l’enseignant est le facilitateur actif de cette capacité d’adaptation. Il façonne des environnements d’apprentissage où l’agilité devient réflexe, et où la progression individuelle nourrit la performance collective (Petriglieri, 2025).

L’agilité pédagogique implique de briser les silos disciplinaires.

Face aux défis climatiques, technologiques, sociaux ou géopolitiques, les grilles de lecture purement économiques ou managériales ne suffisent plus. Seules des expériences d’apprentissage transdisciplinaires permettent aux étudiants de développer une compréhension à la fois fine, systémique et opérationnelle des réalités qu’ils auront à affronter (de Groot, 2025). Le « transdeep learning » n’est pas un effet de mode, mais l’expression d’une mutation structurelle. Il incarne une réponse stratégique aux transformations du marché du travail et aux aspirations d’une société en quête de sens, de transversalité et d’impact (McGregor, 2025)

La valeur stratégique d’une école de commerce n’est pas la technologie ou la recherche.

La valeur stratégique d’une école repose sur sa capacité à concevoir des pédagogies agiles, capables d’évoluer au rythme des transformations du monde (Barreras,2025). Cette agilité se manifeste aussi dans sa manière de repenser sa gouvernance, de renouveler ses modes de recrutement, de s’ouvrir à des partenariats scientifiques ou territoriaux, et d’ancrer pleinement les logiques d’engagement, d’expérimentation et de terrain (AACSB, 2025).

De nouveaux modèles d’excellence émergent, dépassant les mises en situation en salle de marché ou les études de cas traditionnelles qui, bien qu’elles aient longtemps structuré l’apprentissage, ne suffisent plus à préparer aux transformations profondes du monde professionnel. Le cas scénarisé d’Eric Clement (Phalippou and Koscielecka, 2025) en donne une illustration saisissante : un financier formé au private equity accepte un poste dans une organisation publique chargée de sélectionner des fonds à impact. Ce basculement de perspective ouvre une réflexion sur les tensions entre performance et responsabilité, et place l’éthique au centre de dispositifs pédagogiques repensés.

Futurs durables, vocation managériale, point de fusion, art thinking ?

À Cranfield, Exploring Sustainable Futures (Watson, 2025) est un jeu immersif où les étudiants testent des stratégies de durabilité à long terme face à des scénarios prospectifs complexes. À l’Université du Michigan, Management as a Calling (Hoffman, 2025) repose sur deux retraites introspectives combinant lectures, mentorat et auto-analyse pour amener les étudiants à formuler une mission personnelle ancrée dans le service à la société. À Esade, Fusion Point s’appuie sur des projets interdisciplinaires concrets, où les étudiants conçoivent des innovations technologiques durables en lien avec des défis réels. Enfin, à l’ESCP, The Improbable Seminar mobilise l’art thinking pour apprendre à raisonner par rupture, sortir des cadres établis et imaginer l’impossible.

D’autres formats, plus enracinés dans la durée, poursuivent cette ambition avec constance. Le dispositif Humacité d’Excelia, qui a fêté ses vingt ans d’existence, engage chaque étudiant dans une mission de terrain exigeante, au contact direct des fragilités humaines et environnementales. Il ne s’agit plus seulement d’apprendre, mais de se transformer, en confrontant ses certitudes, en agissant, en s’exposant. Autant d’initiatives qui ne relèvent pas du supplément d’âme, mais bien d’une nouvelle définition de l’excellence.

Des intelligences au service de nos avenirs 

Ce que ces dispositifs rendent visible, ce n’est pas seulement l’évolution des formats ou des méthodes, mais une autre manière de concevoir l’éducation. Une éducation qui mobilise des intelligences multiples : analytiques, sociales, éthiques, sensibles, pour répondre à la complexité du monde. Une éducation qui forme à la lucidité, à l’engagement et à la capacité d’agir sans certitude mais avec responsabilité.

Aux futurs étudiants et à leurs familles, il revient de considérer ces transformations non comme des tendances passagères, mais comme les signes d’un monde en transition. Choisir une formation, aujourd’hui, c’est choisir une manière d’habiter le monde : avec exigence, agilité et sens.