A travail égal, salaire égal ? Des exceptions existent
A travail égal, salaire égal ? Dans un arrêt du 1er juillet 2009, la Cour de cassation a jugé que la seule catégorie professionnelle ne pouvait justifier une différence de traitement entre salariés, sauf à démontrer des justifications objectives. Et c'est là que le débat commence.
Consacré par l’arrêt Ponsolle rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 29 octobre 1996, le principe d’égalité de traitement, qui repose sur l’idée selon laquelle « à travail égal, salaire égal », irrigue depuis lors l’ensemble du champ des relations de travail, qu’il s’agisse de l’égalité entre les hommes et les femmes ou entre des salariés appartenant à des catégories professionnelles différentes.Dans un arrêt du 1er juillet 2009, la Cour de cassation a jugé que la seule catégorie professionnelle ne pouvait justifier une différence de traitement, sauf à démontrer des justifications objectives. Les réactions parfois très vives suscitées par cette position ont amené la Cour à préciser la nature des justifications admises : c’est l’objet de deux arrêts rendus le 8 juin 2011.
Le principe d’égalité interdit de traiter différemment des
salariés placés dans une situation identique au regard d’un avantage donné. Des
dérogations sont néanmoins admises lorsqu’elles reposent sur des justifications
objectives et pertinentes. Critère récurrent de différenciation pour
l’attribution d’avantages dans les conventions collectives, la catégorie
professionnelle — une
nomenclature établie par l’INSEE pour classer la population active en
catégories présentant chacune une certaine homogénéité, par exemple :
agriculteurs, ouvriers, employés ou cadres — peut-elle justifier à elle seule une différence de
traitement ?
Une réponse négative a été apportée par la Cour de cassation
dans un arrêt DHL du 1er juillet
2009. Une partie de la doctrine, dont les professeurs Antoine Lyon-Caen et Jean-François
Cesaro, ont vu dans cette position une source de fragilisation des édifices
conventionnels. Dans deux arrêts rendus le 8 juin 2011, la Cour de
cassation est
venue préciser les éléments qui permettent de réserver valablement un avantage
conventionnel aux salariés d’une catégorie professionnelle déterminée.
Le schéma était identique dans les deux affaires. Considérant
comme injustifié le critère de la seule appartenance à une catégorie
déterminée, un salarié demandait le bénéfice d’un avantage conventionnel
réservé à une autre catégorie professionnelle.
Dans la première affaire, un
cadre réclamait le versement de la prime d’ancienneté attribuée par la
convention collective de l’industrie pharmaceutique aux assimilés cadres.
Dans
la seconde affaire, un salarié relevant de la catégorie des employés, techniciens
et agents de maîtrise, demandait à bénéficier des indemnités de préavis et de
licenciement prévues pour les cadres par la convention collective régionale du
bâtiment de la région parisienne.
La Cour de cassation a d’abord rappelé sa
jurisprudence antérieure selon laquelle la seule différence de catégorie
professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l’attribution d’un
avantage, une différence de traitement entre des salariés placés dans une
situation identique au regard d’un avantage donné, sauf si cette différence repose sur
une raison objective. Puis la Cour de considérer la stipulation d’un accord
collectif qui fonde une différence de traitement sur l’appartenance à une
catégorie professionnelle comme justifiée par une raison objective « dès lors que cette différence de
traitement a pour objet de prendre en compte les spécificités de la situation
des salariés relevant d’une catégorie déterminée, tenant notamment aux
conditions d’exercice des fonctions, à l’évolution de carrière ou aux modalités
de rémunération ».
S’il est donc possible de réserver un
avantage conventionnel à une catégorie professionnelle, l’employeur ne peut se
justifier par ce seul critère. Il doit aller plus loin et préciser la raison
objective de l’octroi de l’avantage à telle catégorie plutôt qu’à une autre. Le
bénéficie d’un avantage différent doit avoir pour objet, ou pour but, de
prendre en compte les spécificités de la catégorie professionnelle concernée.
Les
indices donnés par la Cour de cassation renvoient aux critères d’identification
des catégories professionnelles. Dès lors, suffira-t-il que la situation des
salariés, appréhendée sous l’un de ces trois angles, présente une spécificité
pour justifier la différence de traitement ? La liste fournie par la Cour
de cassation n’étant pas limitative, comme le démontre l’utilisation de
l’adverbe « notamment », d’autres justifications pourront être
avancées.
Pour une entreprise, l’adoption d’une
norme collective repose sur une répartition équilibrée d’avantages entre les
catégories de salariés.
Si l’avantage le plus favorable est appliqué par-delà
les différenciations catégorielles au nom du principe de l’égalité de
traitement, c’est toute l’économie de la convention qui s’en trouve modifiée,
la volonté des parties méconnue et l’équilibre de l’entreprise altéré.