Nullité des clauses de départ fautif (bad leaver) dans les plans de stock options

Une récente décision de la Cour de Cassation remet en cause la validité des clauses interdisant aux salariés d'exercer leurs options en cas de licenciement pour faute.

« La privation de la faculté de lever les options en cas de licenciement pour faute grave constitue une sanction pécuniaire prohibée qui ne pouvait être prévue par le plan de stock option ». Par ces quelques mots, la chambre sociale de la Cour de cassation vient mettre à mal les clauses dites de départ fautif prévues dans les plans de stock options attribués aux salariés ainsi que dans les « management package », qui constituent l'un des piliers essentiels des opérations de capital investissement (intéressement des salariés clés de la société cible).

 

Les clauses dites de départ fautif (plus communément désignées par les praticiens sous le vocable anglo saxon de clauses de « bad leaver ») sont toutes les clauses interdisant au salarié de lever une option sur des actions - alors même que la période prévue de levée de l'option est ouverte - dès lors qu'il est sous le coup d'un licenciement pour faute grave ou lourde.

 

La chambre sociale de la Cour de cassation vient de décider (arrêt du 21 octobre 2009) que ce type de clauses, très usuelles, constitue une sanction financière interdite selon l'article L. 1331-2 du code du travail.

 

La même chambre sociale de la Cour de cassation, déjà sollicitée une fois sur le point de savoir si le plan de stock option excluant la possibilité de lever les options en cas de licenciement personnel ne constituait pas une  sanction pécuniaire interdite, avait pourtant répondu par la négative au motif « qu'aucune plus value n'étant réalisée au jour de la rupture du contrat de M XXXX, la perte du droit de levée l'option ne peut s'analyser, à cette date, en une mesure affectant la rémunération du salarié » (Cour de cassation, 20 octobre 2004, 02-41860, non publié, disponible sur le site Légifrance).

 

Cet arrêt d'espèce était, rétrospectivement, prémonitoire de l'arrêt commenté : en effet, a contrario, il signifiait que si au jour de la rupture une plus value pouvait être réalisée par le salarié en exerçant son option, la clause du plan de stock options prévoyant qu'il ne pouvait pas exercer son option du fait d'un licenciement pour faute pouvait être considérée comme nulle...

 

La décision rendue le 21 octobre 2009 ne s'embarrasse pas de telles considérations en posant un nouveau principe, clair et sans restriction, d'interdiction de ce type de clause de bad leaver.

 

La portée de cette décision sera renforcée par le fait qu'elle est rendue sur un moyen de droit relevé d'office par la Cour de cassation (c'est-à-dire non soulevé initialement par les parties) et qu'elle aura les honneurs d'une publication au bulletin de la Cour de cassation. Elle ne manquera pas d'inquiéter l'ensemble des praticiens du capital investissement sur la validité d'un certain nombre de clauses de bad leaver prévues dans les opérations de capital investissement. En sens inverse, il réjouira un certain nombre de salariés évincés de leur société qui trouveront dans cet arrêt les éléments pour contester la validité d'un plan leur interdisant la levée d'options...

 

En tant que juriste, on soulignera simplement la conception particulièrement large de la sanction pécuniaire développée par  la chambre sociale de la Cour de cassation : il s'agit en effet pour le salarié de la simple perte de chance de réaliser un gain en devenant actionnaire d'une société dont il a été licencié pour faute grave ou lourde...

 

Enfin, il convient également d'attirer l'attention sur le fait que la Cour de cassation a toujours admis la licéité des clauses de présence dans les plans de stock options qui prévoit une condition de présence du salarié dans la société émettrice pour lui permettre d'exercer ses options (Cass soc. 20/10/2004, n°2041 FS-D). Avec ce type de clause, un salarié dont le contrat de travail a été rompu avant la période prévue pour la levée des options ne peut pas exercer son droit (Cass soc. 9 mai 2001 n°1918 FS-D). Notre arrêt ne semble pas remettre en cause ce type de clause de présence car il vise uniquement des cas où le salarié ne peut pas exercer son option du fait de son licenciement alors même que la période de levée d'option est ouverte.

 

A méditer donc...