Disparité du genre dans les postes de direction: et si c’était lié au stress ?

Comme le disait si bien Aragon, la femme est l'avenir de l'homme. Pourtant, ces dernières restent sous-représentées dans les postes de direction. Cela est probablement lié à une raison peu avancée par les spécialistes.

De l'Homo Sapiens Biologicus à l'Homo Sapiens Sociétalibus


La société moderne a inventé un nouvel Homo, l’Homo Sapiens Sociétalibus qui devrait supplanter son prédécesseur dans la chaine de l’évolution, l’Homo Sapiens Biologicus. Le phénomène s’est développé  progressivement depuis le milieu du siècle dernier avec l’apparition de la théorie du genre.

L’idée est intéressante. Elle suppose que l'éducation pourrait influencer notre savoir-être. En d’autres termes le devenir sociétal de l’individu pourrait-il ne dépendre que de l’apprentissage?

Le genre serait donc le fruit d'un comportement,  le résultat de la seule éducation, s’opposant à celui qui serait lié au sexe, d’origine génétique, moléculaire et chimique ? Une question digne de l’éternel débat entre l’inné et l’acquis qui serait ici poussé dans ses ultimes retranchements.

Du débat sur le genre dans l’éducation à celui sur le genre dans le travail il n’y avait qu’un pas que nous avons franchi sans trop de difficultés surtout en abordant le problème de la disparité.

La sous représentation féminine : des chiffres révélateurs


Selon le cabinet McKinsey & Company, les femmes représentent 55% des diplômés des universités européennes. Pourtant leur taux d'emploi est inférieur de 21% à celui des hommes.Que se passe-il lorsque l'on observe le phénomène dans les postes de direction ? Selon la même étude, en Europe, 11 % seulement des dirigeants des entreprises cotées sont des femmes .

La France se situe peu ou prou dans la moyenne européenne. Comme le rappelait le rapport de l’institut Montaigne « Dix ans de politiques de diversité : quel bilan ? » (septembre 2014), les femmes ne représentent que 12 % des emplois de direction dans le secteur public, 17 % des dirigeants d'entreprise et 24 % des membres des conseils d'administration du CAC40.

Aux Etats-Unis les chiffres sont sensiblement les mêmes. Selon Center for American Progress les femmes représenteraient  14,6 % des cadres supérieurs et 4,6 % des PDG  de Fortune 500.

Dans l'industrie des services financiers, elles composent 54.2 % de la main-d'œuvre, mais elles ne sont plus que 12.4 % de cadres supérieurs et représentent seulement 18.3 % des membres des conseils d’administration. Aucune n’est PDG (Judith Warner-Center for American Progress).

Pire encore, "Bien que très peu présentes parmi les PDG des 2.500 plus grosses entreprises du monde (3%),  les femmes sont plus souvent congédiées de leur poste (sans planification antérieure ni fusion-acquisition) que leurs homologues masculins".  C'est ce que révèle Giulietta Gamberini  dans La Tribune (30-04-2014) à partir d’une étude du cabinet de conseil Strategy.

Ainsi pendant la dernière décennie 38% des PDG remplacés lors de fusions-acquisitions furent des femmes contre 27 % pour les hommes dans la même situation. La Tribune qui cite deux cas récents célèbres avec Anne Lauvergeon évincée d’Areva et Carole Bartz de Yahoo.

Selon la spécialiste, la raison serait la suivante: La culture de direction très masculine des conseils d’administration. A cet égard, Giulietta Gamberini cite le Financial Times : "Pour avoir parlé avec plusieurs femmes occupant des postes de seniors, je peux dire qu'il s'agit d'un environnement de travail difficile, où tout le monde ne joue pas toujours un rôle de soutien". Ne s’agirait-il pas du stress tout simplement ? Mais du stress à "haute dose" tout particulièrement. Laissons donc un peu  de côté l’Homo Sapiens Sociétalibus et intéressons-nous maintenant au Biologicus.

Le stress, un facteur biologique trop souvent négligé


L’ocytocine est l’hormone de l’attachement de la mère à l’enfant. On l’appelle aussi l’hormone de la fidélité car chez l’homme, elle favoriserait, même secrétée en plus faible quantité que sa compagne, l’attachement  à cette dernière.

Chez la femme cette sécrétion d’ocytocine diminue le stress et l’anxiété car ce facteur et cet état sont l’un et l’autre incompatibles avec la gestation et la lactation. Chez la femme quand l’adrénaline et le cortisol augmentent sous l’effet du stress, l’ocytocine augmente aussi pour s’opposer justement à leurs effets dans le cerveau et donc au stress également.  

La femme enceinte ou allaitante ne doit pas supporter trop de stress. L’ocytocine en cela la protège. Mais si l’ocytocine arrive encore à contrôler indirectement les effets du stress, cette hormone ne contrôle plus rien face à la testostérone. La testostérone diminue voir inhibe la sécrétion d’ocytocine et favorise la sécrétion de vasopressine,  son homologue masculine, responsable de l’agressivité au cours du rut chez les animaux et de la polygamie. L’inhibition de l’ocytocine par la testostérone et la sécrétion de vasopressine expliqueraient donc dans la nature le comportement agressif et belliqueux des mâles envers les femelles. L’ocytocine, l’hormone de la femme, de la fidélité, de l’attachement et de l’amour en face de la vasopressine, hormone de l’homme, de l’agressivité et du combat.

Sans aller jusqu’à considérer les conseils d’administration comme des jungles et les directions d’entreprise comme des champs de batailles, ce qu’elles sont un peu quand même, ni à vouloir ramener les relations humaines à des conflits hormonaux, il est permis de se demander si l’ambiance majoritairement masculine qui s’exerce dans les directions d’entreprises ou dans les CA ne contrarie pas la présence féminine.

Le numéro de Fortune de septembre 2015 titrait sur les cinquante Most Powerful Women et la plus-part d’entre elles ont eu des enfants. Il est donc possible de diriger une entreprise et d’assumer la maternité, mais les pourcentages que nous avons cité en début d’article sont têtus et ont bien une explication.

Les solutions à mettre en place...

Et si nous faisions rentrer plus d’ocytocine dans les entreprises et moins de testostérone et de vasopressine ? Si nous organisions l’entreprise comme un lieu de bien être, de santé, de maternité et de paternité ? Lutter contre le stress, s’opposer à l’agression. Permettre aux femmes et aux hommes qui le souhaitent d’y faire vivre aussi leurs enfants. Changer le climat des directions et des CA en chassant la Bête pour y faire venir l’Ange. Y retrouver la santé, abandonner la maladie.  Pour cela les femmes ont encore un réel travail à faire, difficile, mais passionnant : investir le sommet des entreprises en y faisant rentrer les valeurs qui leur sont propres. Si un jour cela arrive, si un jour cela se dessine, ce ne seront pas seulement les entreprises qui changeront mais peut-être aussi le monde entier.