Obsolescence des compétences : détecter les dangers, trouver la parade

Obsolescence des compétences : détecter les dangers, trouver la parade Avec les technologies qui transforment les métiers en profondeur, l'obsolescence des compétences s'accélère. Leur durée de vie est passée de 30 à 5 ans, d'après Deloitte. Techniques pour identifier celles susceptibles de disparaître et y faire face.

47% des emplois présentent un risque d'obsolescence des compétences dans les trois années à venir, selon les DRH français interrogés par le groupe Cegos. C'est huit points de plus qu'en 2019. "Les compétences se renouvèlent plus rapidement, du fait de l'innovation technologique, mais aussi de la crise sanitaire du Covid-19, qui accélère les transformations en entreprise et les fait basculer dans le tout digital", décrypte Sébastien Biessy, directeur France de l'activité talent chez Willis Towers Watson.

Pour affronter ce phénomène, la première règle est de ne pas le considérer comme un problème à résoudre. "Le sujet de l'obsolescence des compétences est souvent considéré comme anxiogène. Avoir des compétences qui seront moins utiles demain est pourtant tout à fait normal. Pour y faire face, la première chose est de se libérer de la peur qui paralyse et de garder en tête que l'obsolescence des compétences ne veut pas dire l'obsolescence des salariés", rappelle Isabelle Rouhan, auteur de l'ouvrage "Les métiers du futur".

Quelles compétences impactées ?

Contrairement aux compétences comportementales qui sauront se développer dans des contextes différents, les compétences techniques sont toutes susceptibles d'être obsolètes. Ce phénomène a la particularité de concerner tous les salariés, quel que soit leur niveau de qualification : le mécanicien qui s'en remet à de l'électronique embarquée pour réparer les voitures, le trader dont les ordres d'achat et de vente sont réalisés par un algorithme, le chargé de clientèle qui est suppléé par un chatbot pour présenter ses offres bancaires.

"Accenture utilise une intelligence artificielle, qui analyse plusieurs sources de données internes et externes"

Les tâches les plus susceptibles d'être supprimées sont celles qui sont automatisables, soit "celles qui ont peu de valeur ajoutée", selon Isabelle Rouhan. Pour savoir quelles compétences sont susceptibles de décliner ou de progresser, Accenture utilise une intelligence artificielle, qui analyse plusieurs sources de données internes et externes. "Cette approche nous a par exemple permis de comprendre que le métier de consultant allait, à l'avenir, davantage être tourné vers l'analyse de données", illustre Laurent De Cock, DRH d'Accenture France et Benelux.

Cartographier les compétences internes

Réaliser une photographie, à un instant T, de l'ensemble des compétences dont dispose l'entreprise est un pré-requis essentiel pour faire face à leur obsolescence. En bâtissant ce référentiel, l'entreprise peut déterminer, pour chaque métier, les hard skills et les soft skills qui sont associées. Une mission menée par les services RH dans le cadre de la mise en place d'une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC).

"Cette cartographie doit être mise à jour continuellement"

A leur échelle, les managers ont également un rôle à jouer, par exemple en se posant ces questions : Quelles compétences ai-je dans mon équipe ? Dans quelle mesure mes collaborateurs sont-ils disposés à apprendre ? Quelles compétences aurais-je besoin demain ? Combien de talents puis-je embarquer dans l'apprentissage de nouvelles compétences ? Quelles compétences pourraient constituer des opportunités de croissance ? Ce diagnostic leur permettra ensuite de mieux travailler sur la transversalité des compétences en interne. "Pour être efficace, cette cartographie doit être dynamique, c'est-à-dire mise à jour continuellement, en temps réel, en fonction des différents scenarii qui se profilent", précise Isabelle Rouhan.

Développer une culture apprenante

Une organisation "apprenante" est une organisation où l'apprentissage n'est pas vécu comme un devoir, mais comme un épanouissement. Plusieurs initiatives peuvent être mises en place pour développer cette culture. "Les juniors peuvent sensibiliser les seniors sur les sujets liés aux nouvelles technologies. Inversement, les seniors peuvent aiguiller les plus jeunes sur la manière dont ils peuvent se construire un réseau professionnel. Cette stratégie consiste à embarquer toutes les populations au sein de l'entreprise et à en faire des mentors", illustre Sébastien Biessy.

"Embarquer toutes les populations de l'entreprise et en faire des mentors"

Cet apprentissage "on the job" est essentiel : la plupart des connaissances que nous apprenons sont acquises de manière informelle, par observation ou par échange avec nos pairs. A ce titre, lorsqu'Accenture recrute des futurs managers, une attention particulière est portée à leur posture de coach. "Dans nos évaluations, nous sommes attentifs à la capacité des managers à faire grandir leur équipe. Cette posture de coach est un critère essentiel lorsqu'ils veulent évoluer dans la hiérarchie", explique Laurent De Cock.

S'appuyer sur la formation

85% des métiers de 2030 n'existeraient pas encore aujourd'hui, souligne un rapport de Dell de 2018. Pour préparer les collaborateurs au monde de demain, la formation est donc un levier incontournable. C'est grâce à elle que les entreprises insufflent une dynamique du changement. En 2019, Accenture a investi 900 millions de dollars dans le monde sur ce seul sujet et dispensé environ 200 000 heures de formation en France.

Pour que la formation s'insinue dans le quotidien de ses salariés, le groupe plébiscite des formats courts en e-learning. "Nous suggérons à nos collaborateurs de se former également depuis leur smartphone, pendant le moment qui leur convient le mieux, via des micro-contenus de formation qui sont personnalisés en fonction de leur domaine de compétences", illustre Laurent De Cock. Si l'entreprise doit être force de propositions en matière de formations, elle ne doit pas faire cavalier seule. "Chacun doit être acteur de son employabilité. Se former régulièrement est une responsabilité partagée entre l'entreprise et le collaborateur", rappelle Isabelle Rouhan.