Vers un new deal de la relation entreprise - talents externes ?

Dans un contexte où l'incertitude devient la règle, l'agilité s'impose pour toutes les entreprises. Cela commence par de nouveaux modes d'organisation en interne.

Quelle place accorder au télétravail ? Faut-il passer au "flex office" ? Quel type de management adopter en conséquence ? Autant de questions sur lesquelles il serait périlleux d’apporter des réponses définitives, et plus prudent d’opter pour une approche ouverte aux retours d’expérience, à l’adaptation, à la transformation continue…

Mais cette crise est aussi une formidable opportunité pour faire bouger les lignes dans les relations entre les entreprises et leurs prestataires de services intellectuels, freelances ou PME.

Le développement du télétravail a contribué à briser certaines frontières entre les salariés, pour qui la règle était le présentiel, et les prestataires externes, dont un certain nombre intervenaient déjà à distance. De plus, dans le contexte très particulier, incertain et mouvant de la séquence confinement - déconfinement, l’intelligence et la créativité collective ont joué à plein. Toutes les entreprises ont dû trouver des solutions rapidement, considérant alors toutes leurs équipes de manière "étendue", et donc sans distinction de statut salarié V/S intervenant externe.

L’impact de la crise économique est, pour le moment, globalement moins noir que ce qu’on pouvait craindre, et ce, grâce à la continuité des missions des grands comptes, à la continuité de la commande publique, aux mesures de soutien aux indépendants et aux TPE / PME, aux mesures de chômage partiel… Mais le plus dur est très vraisemblablement à venir. J’ai la faiblesse de croire que le dynamisme et la capacité de relance économiques dépendent aussi de la confiance et de la qualité des relations entre les entreprises et leurs prestataires de services intellectuels.

Mais il convient d’aller plus loin, de poursuivre et d’accélérer ces changements organisationnels, de s’engager dans un véritable New deal des relations entre entreprises et talents externes. Comment faciliter la relation entre les opérationnels et les talents externes tout en industrialisant, au niveau des Directions Achats, la relation multi-fournisseurs ? Comment conjuguer liberté et sécurité, ouverture et contrôle, accès à l’expertise et économie budgétaire ?

La solution existe, elle est en phase de test chez quelques grands comptes, il faut accélérer son développement : les marchés d’intermédiations. Ces derniers créent le cadre permettant de contractualiser aussi bien avec des freelances que des PME, des TPE, des startups. Ce nouveau type de marché vient concurrencer les contrats-cadres passés avec les grandes sociétés de conseil et de services qui entretiennent une situation d’oligopole. Dans ce modèle du passé, les PME ou les freelances interviennent en tant que sous-traitants, avec un coût du pilotage surdimensionné par rapport à la rémunération de l’expert qui réalise effectivement la mission. Au-delà de l’intérêt économique de ce nouveau type d’intermédiation sécurisée, l’opportunité pour les grands comptes est d’intégrer ces talents externes dans leur gestion global de talents, et ainsi de pouvoir faire appel à un panel d’hyper-experts assez large pour l’accompagner dans l’ensemble de ces décisions stratégiques.

Par ailleurs, la France est championne des retards de paiement. Triste titre. Au regard des évolutions en cours et à venir, mais aussi de la conjecture économique, nous ne pouvons plus nous permettre de continuer ainsi. Réduire à 30 jours maximum les délais de règlement est un enjeu vital pour les freelances et les TPE prestaires de service. Cette mesure pro-PME est un serpent de mer. Cette crise est l’opportunité de la mettre enfin en œuvre. Nos voisins allemands fonctionnent au paiement comptant, donc 30 jours n’est pas une contrainte insupportable pour une multinationale. Certains grands comptes sont exemplaires en la matière : nous avons besoin de ces locomotives pour pousser cette mesure.

Les talents qui aspirent à plus d’autonomie sont de plus en plus nombreux à se tourner vers le freelancing, les PME, les startup. C’est une tendance que la crise actuelle ne cassera pas, voire accélèrera. Et les entreprises qui doivent identifier des expertises de plus en plus pointues seront naturellement amenées à renforcer leur capacité à solliciter les meilleurs experts. C’est au niveau des équipes, si on leur donne de l’autonomie et qu’on leur permet de travailler en co-traitance avec leurs talents externes, que vont s’inventer les solutions de demain. Pour réinventer leur modèle et sortir plus forts de la crise, les grandes organisations ont plus que jamais besoin de l’agilité, de l’esprit d’innovation et de l’expertise des freelances, des PME et des startups. Misons dès aujourd’hui sur la qualité et le renforcement des relations entre ces deux mondes pour co-construire la relance économique que chacun appelle de ses vœux.