Rupture du contrat social au sein des entreprises : que faire ?

Le contrat social entre employeurs et salariés a fait son temps. Pendant de nombreuses années, cet accord tacite, mais généralement accepté, voulait que les salariés d'une entreprise y restaient tant qu'ils recevaient un salaire leur permettant de vivre. Dans les années 1950 et les décennies suivantes, si l'on décrochait un emploi dans une entreprise, on y restait tout au long de sa carrière. Et c'est d'ailleurs ce qui se produisait dans la majorité des cas.

Toutefois, ce pacte a été détricoté d’une part à cause d’années de troubles économiques et sociaux, et d’autre part de mauvaise gestion et de travail exclusivement voué à satisfaire les actionnaires. La grave crise financière de 2008 a sapé en grande partie ce qu’il restait de confiance entre les salariés et leurs employeurs. Et la pandémie de 2020 aura eu raison de cette relation.

Les centaines d’articles publiés sur « la Grande Démission », cette déferlante de départs volontaires qui a débuté aux États-Unis, en sont la confirmation, s’il en fallait une. A ce titre, le Washington Post fait état de 4,3 millions de démissions aux États-Unis rien qu’au mois d’août 2021. Entre mars et mai 2021, ce sont 11 millions de salariés américains qui ont quitté leur emploi. Il existe aujourd’hui un véritable déficit de confiance entre les individus et les entreprises, auquel s’ajoute un fort déclin du bien-être des salariés.

Aujourd’hui, selon une récente étude*, une grande majorité des salariés Français (83 %) pensent que leur entreprise devrait être plus à l’écoute de leurs besoins. A titre de comparaison, il étaient 69 % il y a un an, et ce, alors que la pandémie progressait dans le monde.

Les salariés sont favorables au changement

Un nombre surprenant de salariés, en particulier les plus jeunes, sont prêts à changer leur situation professionnelle. Parmi les personnes interrogées, 91 % de la génération Y et 92 % de la génération Z dans le monde ont déclaré vouloir effectuer des changements dans leur carrière et souhaiter que les employeurs s’investissent davantage pour répondre à leurs besoins professionnels.

L’année écoulée, avec son lot de tragédies causées par la pandémie, a été l’occasion pour la grande majorité des Français (91 %) de réévaluer leurs choix de vie et, de facto, de modifier la conception qu’il avaient de la réussite professionnelle.

Les salariés de la génération Y aux Etats-Unis sont les premiers à avoir atteint l’âge adulte au moment même où leurs parents et leurs aînés étaient licenciés sans ménagement. En effet, lors de la crise de 2008, des millions de personnes ont perdu leur épargne pension, avec des répercussions mondiales. Ils ne croient en aucune manière au contrat social qui lierait salariés et employeurs. Le mot d’ordre est désormais plutôt de travailler pour une entreprise tant que cela leur permet d’évoluer dans leur carrière. Lorsqu’ils se sentent lésés, ils n’hésitent pas à aller voir ailleurs et profiter de nouvelles opportunités plus attractives.

Désormais, les salariés souhaitent, ou « exigent », pour être plus précis, que l’entreprise dans laquelle ils travaillent leur propose de meilleures opportunités d’évolution de carrière. Ils sont même prêts à sacrifier des avantages âprement acquis, tels que des jours de congé et une partie de leur rémunération, pour s’assurer d’obtenir ce qu’ils veulent.

Les entreprises doivent agir et être à l’écoute sans plus attendre

Le « phénomène » autour de la Grande Démission est également dû à ces entreprises qui ne fournissent pas assez d’effort pour retenir leurs talents, en ne leur permettant pas de bénéficier de formations ciblées et valorisantes, par exemple.

Les emplois évoluent rapidement dans cette nouvelle révolution industrielle que nous vivons, mue par les nouvelles technologies, et les collaborateurs seront moins susceptibles d’aller voir ailleurs s’ils sont bien traités dans leur entreprise actuelle ; ce qui passe notamment par de l’investissement continu dans de la formation. Les salariés qui se voient proposer ce type d’accompagnement destiné à développer leurs compétences seront plus enclins à s’investir davantage dans leur travail et auront le sentiment de contrôler davantage leurs choix professionnels.

Les employeurs doivent également repenser la manière dont ils communiquent avec leurs salariés ; non seulement en leur demandant ce qui pourrait davantage contribuer à leur épanouissement, et par conséquent à améliorer leur productivité, mais aussi en agissant en conséquence et en communiquant clairement sur les changements apportés. Tout le monde a par exemple récemment pu constater que, finalement et dans de nombreux cas, la localisation géographique des travailleurs importait moins que leurs compétences et leurs capacités d’exécution. Par conséquent, les entreprises qui ne favorisent pas la flexibilité du lieu de travail et ne prennent pas en considération l’opinion de leurs salariés figurent parmi celles qui courent le risque le plus élevé de voir leurs meilleurs effectifs les quitter.

La pandémie a considérablement modifié les relations entre les employeurs et les salariés. Et le revers sera cinglant pour les entreprises qui n’ont pas conscience de cette évolution. Aujourd’hui, il leur faut proposer une culture d’entreprise basée sur l’empathie, la flexibilité et la réactivité, mais aussi prendre en compte les nouvelles attentes des salariés pour leur proposer des évolutions de carrière concrètes. Au risque de les voir partir pour des entreprises qui elles, l’ont bien compris.

* étude AI@Work réalisée par Workplace Intelligence pour Oracle en 2021 et qui a interrogé 14 600 personnes dans 13 pays.