Assessment : pratique de développement ou de destruction des talents ?

Utilisée pour la première fois au cours de la Première Guerre Mondiale, la pratique de l'assessment s'est démocratisée pour investir l'univers des entreprises au début des années 80.

« Infantilisante », « irrespectueuse », « humiliante »... Les qualificatifs font froid dans le dos lorsque certains cadres dirigeants partagent leur expérience d’assessment. Véritable parent pauvre du conseil RH, la pratique échappe à toute règle. Aucune charte déontologique ne vient encadrer le travail des consultants RH qui s’autoproclament assesseurs. Aucune instance régulatrice ne vient mettre le holà à leurs approches artisanales, voire douteuses. Aucune formation ne vient instaurer un socle éthique commun. Et le problème, c’est que les entreprises, grandes comme petites, ont un recours massif à l’assessment depuis que la crise du Covid-19 les a forcées à réaffecter leurs ressources. Dans les cas les plus extrêmes, l’évaluation s’apparente à « une machine à broyer les talents » : les cadres dirigeants sont volontairement mis en difficulté pendant leurs assessments, qui sont ni plus ni moins une réminiscence des entretiens de recrutement d’il y a 20 ans, où l’enjeu était avant tout de déstabiliser.

Qu’est-ce qu’un « bon » assessment ?

Comme celle du coaching il y a quelques années, il est urgent de réguler la pratique de l’assessment pour ne pas voir nos talents quitter leur entreprise. Les syndicats patronaux, les associations RH et les acteurs du conseil RH doivent monter au créneau pour structurer cette pratique qui n’est pourtant pas nouvelle. En attendant, les entreprises doivent redoubler d’attention lorsqu’elles souhaitent se tourner vers l’assessment pour faire évoluer leurs talents. Se faire expliquer le processus de bout en bout est un bon point de départ. Interroger l’objectivité de l’évaluation en est un autre. Car, contrairement à ce qui se voit sur le marché, un bon assessment ne peut se résumer à un exercice unique de mise en situation d’un cadre ou à un seul entretien. Ce dernier doit être multidimensionnel, c’est-à-dire impliquer plusieurs personnes : un coach, un consultant, et éventuellement un expert métier / sectoriel... Il doit être outillé avec des tests psychométriques afin d’écarter au maximum les biais d’appréciation.

Il doit être constitué de plusieurs étapes, a minima de deux entretiens pouvant comporter une mise en situation, et obligatoirement assortie d’un entretien de restitution des tests psychométriques. L’évaluation doit à la fois porter sur les compétences métier et la personnalité du cadre dirigeant. Le livrable doit, quant à lui, prévoir quelques garde-fous. Il doit rappeler qu’il s’agit d’une base de réflexion à mettre en perspective avec d’autres informations récoltées sur le talent évalué. Le livrable doit ainsi être rédigé au conditionnel, et non comme une sentence marquée au fer rouge dans sa carrière.

Une posture exigeante mais bienveillante

C’est d’autant plus important d’emmener la pratique de l’assessment sur de bons standards que cette étape est souvent cruciale dans la carrière d’un cadre dirigeant. Les cabinets de conseil RH et de recrutement qui sont aujourd’hui à la manœuvre ont donc une responsabilité forte. C’est la carrière d’hommes et de femmes qu’ils ont entre leurs mains. Ils se doivent d’être irréprochables dans leurs approches d’évaluation. Leur posture doit être exigeante mais toujours bienveillante.

Leur rôle est, certes, d’aller gratter les angles morts, mais aussi d’offrir un cadre d’expression respectueux à la personne évaluée. En pleine guerre des talents, à l’heure où les entreprises doivent plus que jamais porter de l’attention à leurs équipes, il n’est pas sûr que les malmener ou ébranler leur confiance avec un assessment bâclé et peu scrupuleux soit un bon calcul. Bien au contraire… Il ne tient qu’à vous d’en faire un processus vertueux qui deviendra un levier fort de rétention au sein de votre organisation !