Salaires : quels profils peuvent prétendre à une augmentation malgré la crise ?

Salaires : quels profils peuvent prétendre à une augmentation malgré la crise ? Le ralentissement des augmentations salariales, déjà palpable, devrait se poursuivre. Seuls certains métiers seront épargnés. Certains pourront même espérer une revalorisation.

En matière de rémunération aussi, il y aura sans doute un avant et un après Covid. "Après plusieurs années d'augmentations constantes, nous observons un ralentissement des augmentations salariales en raison de l'épidémie. Ces dernières ont toutefois un impact modéré sur le pouvoir d'achat, du fait d'une inflation contenue sur la même période", explique Franck Chéron, associé chez Deloitte. En 2020, d'après la 9e édition de l'étude sur les rémunérations du cabinet de conseil, publiée début septembre, les augmentations de salaires sont de l'ordre de 2% pour les ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise (OETAM) et de 2,3% pour les cadres. En 2019, ces hausses étaient respectivement de 2,4% et de 2,8%.

Les métiers en tension épargnés

La crise sanitaire impacte les salaires de manière différente en fonction des profils. "Ceux qui pourront prétendre aux meilleures revalorisations seront les hauts potentiels", explique Franck Chéron. Les rémunérations des "talents" des secteurs de l'énergie, de la santé, des services à la personne et de la distribution devraient notamment être épargnées. D'une manière générale, les profils considérés comme des piliers pour aborder "le monde d'après" feront l'objet d'une attention particulière de la part des entreprises. "Les salariés qui ont réussi, pendant la crise, à surperformer le contexte sanitaire par leur résilience et leur créativité sortiront du lot", confirme Grégoire Conquet, directeur executive du cabinet Badenoch + Clark Paris.

Les rémunérations des "talents" des secteurs de l'énergie, de la santé, des services à la personne et de la distribution devraient notamment être épargnées

"Les fonctions habituellement sous tension, par exemple dans la finance et le digital pourraient, elles aussi, avoir de l'influence", indique Frédéric Guzy, directeur général d'Entreprise&Personnel. Dans l'IT, les postes de traffic manager, product owner et UX designer – en forte pénurie sur le marché de l'emploi – verront leur rémunération augmenter en 2021, selon une étude dévoilée par PageGroup en septembre 2020. Les profils spécialisés dans la data et la cybersécurité devraient également traverser cette crise sans voir leurs rémunérations fondre. "Dans la maintenance et le BTP, y compris sur des postes peu qualifiés, les discussions sur les salaires resteront ouvertes", ajoute Franck Chéron.

Quid des parts variables des commerciaux ?

Les salaires des commerciaux, qui sont actuellement parmi les profils les plus recherchés, font l'objet de vifs échanges au sein des entreprises. "A cause de la crise, les fonctions commerciales n'ont pas toujours pu atteindre leurs objectifs. Or, les entreprises ne souhaitent pas pénaliser les fonctions dont la part variable est calculé sur des critères économiques. Il est donc fort probable qu'elles introduisent des critères non-économiques dans la mesure de leur performance", décrypte Frédéric Guzy. En l'occurrence : le degré de satisfaction client, la réalisation d'un projet, la bonne tenue d'un outil de CRM, le taux de conversion après un RDV client...

Les postes de traffic manager, product owner et UX designer verront leur rémunération augmenter en 2021

Ces prochaines semaines, le sujet des rémunérations sera épineux au sein des entreprises. "La façon dont les employeurs aborderont l'évolution des salaires aura un impact fort sur le futur engagement des collaborateurs, qui a déjà été mis à rude épreuve pendant le confinement, avec la mise en place du télétravail, du chômage partiel... Si elles souhaitent avoir des équipes mobilisées pour préparer la relance, les entreprises devront éviter de baisser les salaires ou de mettre la pression sur les rémunérations variables", prévient-il.

La crise sanitaire devrait continuer de freiner les évolutions salariales ces prochaines années. Etant donné l'incertitude du contexte actuel, Deloitte préfère rester prudent sur ses prévisions pour 2021 : il estime à 1,5% (pour les OETAM) et 1,7% (pour les cadres) les hausses de salaires. Soit un recul de 0,5 point par rapport à 2020. "Une première estimation qui pourrait, au fil des mois, être revue de manière défavorable", précise Franck Chéron.

Quelle comparaison avec la crise des subprimes ?

Suite à la crise des subprimes de 2008, les hausses de rémunérations avaient aussi marqué le pas. En 2009 et 2010, le cabinet Hewitt Associates parlait même "d'austérité salariale". En 2010, les rémunérations avaient seulement augmenté de 2,6%, contre 3,3% à 3,5% enregistrés les 30 années précédentes. Si les impacts sur les salaires avaient été maîtrisés, c'est parce que les entreprises avaient davantage ajusté le volume de leurs effectifs plutôt que de jouer sur les rémunérations.

Les impacts sur les salaires avaient été maîtrisés après la crise des subprimes parce que les entreprises avaient davantage ajusté le volume de leurs effectifs

L'impact de la crise du Covid-19 sur les rémunérations peut-il être comparé à celui de la crise des subprimes ? La réponse est non. "La crise du Covid-19 est plus ancrée dans l'économie française que la crise des subprimes car elle touche tous les secteurs d'activité, pas uniquement celui de la finance, et tous les profils", insiste Franck Chéron. Reste que les deux crises pourraient aboutir au même effet : une hyper-sélection des profils éligibles aux revalorisations salariales et autres primes. "La prime Macron, qui permet aux employeurs de verser, jusqu'au 31 décembre 2020, une prime exceptionnelle à leurs salariés, pourrait être octroyée de manière plus sélective", illustre-t-il.