La longue traîne des talents individuels 2.0 : un gisement mal exploité

Nombre d'idées nouvelles viennent des individus qui sont aussi des clients. Peut-être serait-il temps pour les marques et les entreprises dans une optique de marketing collaboratif sur le Net de réagir sur les façons de les intégrer très en amont.

Les usages dits Web 2.0 (auto-production, collaboration, participation...) avec leur couche sociale apportée notamment par les réseaux sociaux, sont souvent initiés par des individus isolés (étudiants, geeks, bidouilleurs....) ou agrégés en communautés plus ou moins formelles sans visibilité affirmée telle une armée de l'ombre.

La nuée montante et socialisante du Web où se retrouvent par exemple les jeunes "digital natives", nous rappelle combien le bouillonnement des conversations (au sens du Clue train manifesto) émises par les internautes, correspond à une quête participative de lien (plus que de bien au sens marchand du terme).

C'est donc de plus en plus de cet espèce de chaos primordial que sont nés ou naissent isolément ou collaborativement nombre d'idées, d'applications, d'usages qui s'enrichissent, se croisent, sont détournés, ré-agencés et ré-injectés dans la soupe Webosphèrique.

Sans guide, mentors, règles ou méthodes particulières qui étoufferaient leur créativité, ces "proams" (amateurs professionnels) parviennent chemin faisant, parfois par serendipité à vasculariser la Toile en initiant de nouvelles propriétés dites émergentes au fur et à mesure du gain en complexité de ce que nous nommerons plutôt une intentionnaité d'outils ou d'applications, que l'outil en lui même, sachant que l'usage n'est jamais totalement déterminé et que c'est au final l'utilisateur qui lui donne sens et raison d'être.

Tous ces anonymes qui peuvent occasionnellement émerger constituent ce que nous nommerons la  longue traîne des talents isolés, parfois agrégés en micro communautés ou réseaux, ils ne sont pas classés dans le top 50 officiel et reconnus comme des figures médiatiques ou des experts tels certains professionnels,...ils n'en n'ont pas moins des idées, des compétences à leur échelle.

Les réseaux sociaux, les forums, les communautés, sont d'excellents moyens pour les débusquer. Encore faut-il, au delà d'en parler, les fréquenter et être en écoute active.

Ce qui est valable pour ces co-créateurs / innovateurs orientés plutôt technologies l'est pour tous utilisateurs, clients consommateurs de produits / services.

Commentaires, critiques, suggestions, comparaisons, témoignages, remontées diverses sur les offres qui leur sont proposées sont moins des menaces que des opportunités pour non pas répondre de façon mécanique à leurs attentes (parfois diffuses, non structurées, ou utopiques), mais pour enrichir la réflexion créative et innovante en amont et optimiser tout les processus qui assurent la bonne et juste délivrance de l'offre.

Aussi ce schéma, bien que plus interactif, participatif est un premier pas pour faire du client un partenaire. Mais il demeure encore assez déséquilibré puisque c'est toujours la marque ou le fabriquant qui décide et réalise. En ce sens la communication demeure encore descendante, on écoute ce qui se dit et on ajuste éventuellement.

Une autre vision plus tranchée consisterait à faire du client un prestataire ou un collaborateur certes externalisé mais impliqué dés l'amont dans le processus de création / innovation, à l'image de ce que peut faire le site La Fraise que nous qualifierons comme un site de vente de tee-shirt co-créés par approche consensuels des internautes.

Le concours à la création est permanent et les meilleurs créateurs sont mêmes rémunérés lorsque leur motif sérigraphiable sur un tee-shirt est choisie par la majorité.

Celio et son "tremplin des créateurs" en partenariat avec la Fraise, donne l'occasion à des créateurs (non professionnels) de voir leur modèles vendus dans les magasins de la marque.

Blogbang se définit lui, comme une plate-forme publicitaire 2.0, les marques y déposent des briefs, les internautes créent des pubs répondant au brief et les bloggeurs diffusent celles de leur choix contre rémunération.

On a donc, dans ces exemples, les prémisses d'un marketing transversal entre partenaires complémentaires (Célio et La Fraise) et d'un marketing collaboratif entre marque et créateurs clients.

Ces simples exemples parmi d'autres, tendent à montrer que l'on peut impliquer très en amont des clients (existants ou potentiels) dans la réflexion voire la création, qui, devenus acteurs d'une confiance réciproquement partagée et non simple "tiroirs caisse", deviennent les meilleurs ambassadeurs du produits, du service, de la marque.

De façon plus générale, et au delà des exemples cités, on peut se demander si aujourd'hui les véritables innovateurs, créateurs (par rapport aux dits spécialistes en place dans certaines entreprises) ne seraient pas ces individus ou communautés d'individus libres des contingences du quotidien de l'entreprise, éventuellement vierges (mais ne généralisons pas) d'arrières - pensées marchandes et qui en quelques sortes font don (même si une contrepartie financière est possible) de leur temps et de leurs talents à la collectivité et alimentent ainsi un écosystème du bien collectif, que d'autres se ré-approprient, détournent, packagent.

Faute d'être comprise et intégré, cette longue traîne des talents ignorés finit aussi par créer son propre écosystème (y compris dans la sphère marchande) et peut devenir (le nombre des isolés se multipliant et s'agrégeant) un capteur de vos clients ou de vos prospects potentiels, d'autant plus qu'ils sont souples, agiles, pures players et vierges de vieilles pratiques et schémas de pensées hérités du siècle dernier.