Valéry Gerfaud (M6) "Google, Facebook, Amazon... Sur le Web, nos concurrents ne sont pas que les groupes TV"

Le directeur général de M6 Web revient sur le déploiement de la plateforme Web de ses chaînes TNT, 6play, et explique le positionnement de son groupe dans un univers très concurrentiel.

JDN. Vous avez annoncé, il y a peu, le lancement de votre nouvelle plateforme digitale, 6play, qui regroupe l'ensemble des chaînes TNT gratuites du groupe. Pourquoi avoir opté pour ce rassemblement ?

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Valéry Gerfaud, directeur général de M6 Web. © Aurélia Blanc - M6

Valéry Gerfaud, M6. Le lancement de cette porte d'entrée unique des chaînes M6, W9 et 6ter, participe de notre volonté de devenir le leader sur le marché de la vidéo online premium. Ce seront ainsi 800 heures de programmes qui seront disponibles en "replay" chaque mois, assortis de contenus inédits tels que des avant-premières et des bonus, des directs accessibles à tout moment et un enrichissement de ces derniers via la fonctionnalité "Connect". Concernant la télévision de rattrapage, communément appelée '"catch-up", elle figure parmi les priorités du groupe M6 sur le digital. Il faut bien comprendre que depuis 2008, on assiste à une véritable délinéarisation de la consommation des contenus, avec un téléspectateur devenu internaute qui compte bien pouvoir regarder son programme où il veut et quand il veut.

Je me rappelle d'ailleurs que le lancement à cette époque de notre offre M6 Replay avait prêté le flanc à la critique. Nous étions accusés de cannibaliser notre propre offre, alors que l'on voyait cela comme un complément bientôt indispensable pour notre communauté, allant jusqu'à le proposer en IPTV. Aujourd'hui ce sont près de 50 millions de vidéos qui sont vues chaque mois sur la plateforme.

Ce succès d'audience se reflète-t-il en termes de monétisation ?

La vidéo pub est indéniablement plus qualitative que la bannière display

Tout le monde ne gagne pas d'argent sur Internet. Notre priorité est donc de montrer la soutenabilité du modèle. L'économie de la catch-up qui s'appuie sur les pré-roll et mid-roll, des formats commercialisés à des CPM qui avoisinent plusieurs dizaines d'euros, me semble très prometteuse. Cela nous permet d'offrir aux annonceurs quelque chose de plus qualitatif que ce que l'on avait jusque-là sur le Web, en sortant du traditionnel format de la bannière. D'autant que nous espérons qu'en abritant l'ensemble des chaînes du groupe au sein d'une même plateforme, nous observerons une traction des investissements sur les contenus W9 et 6ter, grâce à la puissance de la marque M6.

Ceci dit, il n'en reste pas moins que, mis en perspective avec les revenus du groupe M6, ces montants ne sont pas loin d'être anecdotiques. Le Web ne représente encore que quelques pour-cent de la durée totale de consommation des contenus, tous canaux compris. 

6play mise également sur l'enrichissement des contenus en live via la fonctionnalité "Connect". Est-ce là l'un des prochains facteurs clés de différenciation ?

Je pense que la problématique du second-écran va rapidement figurer parmi les enjeux majeurs de tout programme télévisé dans la mesure où, plus l'interaction proposée sera forte, plus les gens se connecteront et plus les discussions ayant trait au programme se développeront. Nous en sommes encore aux débuts. Sur M6, une dizaine d'émissions parmi les plus "fortes" sont enrichies en live, avec des contenus exclusifs disponibles sur l'application, une sélection de plus d'un millier de tweets par heure et le passage des meilleurs d'entre eux à l'antenne. Ce sera je l'espère bientôt le cas d'une majorité de nos programmes.

Cet enrichissement s'opèrera-t-il plutôt via Twitter ou Facebook ?

En matière de social TV et plus particulièrement de couverture d'un live, Twitter a incontestablement pris les devants. On parle d'un véritable focus group en temps réel, pas forcément représentatif de l'avis général, mais non moins intéressant au moment d'identifier ce qui marche et ce qui peut améliorer la pertinence d'un programme.

Au-delà de ça, Facebook reste un lieu important de conversation autour des programmes et rien ne dit qu'une fois son offre en la matière structurée, il n'inversera pas la tendance. L'intégration des "hashtag" et l'ouverture de ses API aux chaînes partenaires vont dans ce sens. D'autant que les groupes de télévision, qui disposent de beaucoup de moyens sont complètement agnostiques à ce niveau-là. Prêts à tester un peu tout, à exploiter la moindre parcelle de conversation sociale susceptible d'enrichir leur programme dès lors qu'elle a une valeur ajoutée en termes d'information.

Dans un contexte publicitaire morose, le Web est-il une bulle d'oxygène ?

Il est clair que l'économie de la publicité online est dans une dynamique plus favorable que celui de la publicité TV où, même si M6 tire encore bien son épingle du jeu, l'arrivée de nombreuses chaînes gratuites sur la TNT a tiré les prix vers le bas.Toutefois, sur le Web, nous sommes non seulement en compétition avec nos concurrents naturels, mais également avec des groupes comme Google, Facebook, Amazon, des pure-players et j'en passe...

En parlant de Google, pensez-vous, comme l'a fait récemment Canal+, rendre vos contenus disponibles sur Youtube ?

Les programmes liés à nos antennes seront disponibles exclusivement sur 6play. Nous préférons proposer sur Youtube des contenus spécifiques, à l'instar de ce que nous faisons avec la société de production que nous avons montée "Golden Moustache".  L'idée est de produire des contenus humoristiques originaux et de s'appuyer pour cela sur certains talents déjà connus sur le Net ou d'en découvrir d'autres. Une recette qui nous permet d'atteindre plusieurs dizaines de millions de vidéos vues chaque mois. Avec en prime, de plus en plus d'annonceurs séduits par cette formule qui concilie volume et premium, et qui nous demandent l'exclusivité d'une opération spéciale sur la Youtube. Autre aspect positif, cela nous permet de faire de la détection de talents, certains programmes Web pouvant parfois se retrouver sur W9.

Diplômé de l'Ecole Polytechnique et de l'Ecole Nationale de la Statistique et de l'Administration Economique (Ensae), Valéry Gerfaud a débuté sa carrière en 1989 chez Sovac en tant qu'attaché de direction puis responsable adjoint de la gestion des risques. Près de 10 ans plus tard, il rejoint SFR pour y occuper la fonction de directeur du business-planning. Il devient ensuite directeur du programme multimedia mobile directeur marketing grand public. Nommé ensuite directeur général de Club Internet, il occupe la fonction de directeur général de M6 Web depuis novembre 2007.