Jean-Philippe Caste (CUP Interactive) "Nous avons payé très cher le fait d'être une filiale de CBS Interactive"

Le président de CUP Interactive revient sur la reprise de la filiale française de CBS Interactive (Zdnet, Cnet...) et explique comment il compte retrouver la rentabilité.

JDN. Vous avez repris l'activité française de CBS Interactive fin 2013, prenant la licence pour 5 ans de Cnet et Zdnet et devenant propriétaire de Gamekult. Où en êtes-vous ?

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Jean-Philippe Caste, Président de CUP Interactive. © CUP Interactive

Jean-Philippe Caste. Le début de l'année a été très chargé, avec une migration délicate, mais nécessaire, de nombreux outils (ad-server, gestion et autres), qui étaient calibrés pour une société de dimension internationale et qui ne convenaient plus au profil hexagonal de CUP Interactive. Il a également fallu finaliser courant avril une levée de plusieurs millions d'euros auprès du fonds FLCP, matérialisant une prise de participation majoritaire de ce dernier.

Je ne vous cache pas que cette migration a rendu le premier semestre difficile, d'autant que le contexte publicitaire morose, en particulier sur le secteur high-tech, n'arrangeait rien. Mais les efforts ont payé, le second semestre se passe beaucoup mieux tant d'un point de vue organisationnel que d'un point de vue business.

Vous venez d'annoncer la création de la régie Neweb qui réunira les équipes commerciales de CUP Interactive et et de M4Media. Pourquoi ?

La première synergie évidente était la fusion avec M4Media (LesNumeriques, Focus-Numerique, Hardware, HostingPics, ...), groupe dans lequel le FLCP avait également investi un mois plus tôt. Cette opération de consolidation des audiences devrait nous permettre d'atteindre un reach dédupliqué de près de 8 millions de visiteurs uniques, début 2015, avec un fort tropisme sur la cible masculine âgée entre 25 et 49 ans.


Vous êtes passé de 5 millions de VU en janvier 2013 à 3,3 millions en septembre. Comment expliquez-vous cette dégringolade ?

En ce qui concerne le cas de Gamekult, je dirais que c'est dans l'ensemble le marché du jeux-vidéos qui a souffert. Regardez l'évolution des audiences de Jeuxvideo.com et Jeuxvideo.fr qui ont perdu plus de 25% de leur trafic en l'espace d'un an. Je trouve d'ailleurs que Gamekult s'en sort plutôt bien. D'autant que l'hémorragie a été stoppée et que sur les derniers mois les audiences se sont stabilisées. En ce qui concerne Zdnet, le problème venait essentiellement de Google et de son algorithme d'indexation des contenus qui, par je ne sais quel mystère, ne reprenait plus nos contenus depuis le début de l'année. Ici encore, le problème a été rétabli courant septembre. 

Du côté de Cnet, nous avons de véritables ambitions éditoriales, en témoigne le recrutement d'un nouveau rédacteur en chef. Nous avons aussi revu notre organisation et nous publions désormais le week-end. J'ajoute que l'audience des tutoriels explose carrément. On sent une véritable appétence de la part du lectorat. 


Votre forum , dans lequel on retrouve ces tutoriels, et les téléchargements représentent près de 30% de votre audience. Ce n'est pas vraiment ce qui se monétise le mieux auprès des annonceurs, non ?

Notre rubrique "forum" se vend aussi bien que le reste de l'inventaire

Je ne suis pas d'accord. On accole souvent aux forums, et le plus souvent à raison d'ailleurs, l'étiquette d'espaces peu valorisants, pas contrôlés. En bref, un foutoir. Ce n'est absolument pas le cas sur Cnet où tout est contrôlé de près, ce qui fait que les contenus publiés ont une réelle valeur ajoutée. Je n'ai d'ailleurs jamais entendu de plainte particulière à ce sujet de la part de nos annonceurs dont les campagnes sont diffusées sur l'ensemble de nos sites, sans exception. L'espace tutoriel n'est pas commercialisé à part d'ailleurs. Et s'il s'avérait qu'il portait vraiment préjudice à notre offre commerciale, je n'hésiterais pas à le dissocier de notre offre.


Beaucoup de groupes médias veulent diversifier leurs sources de revenus et arrêter de dépendre d'un marché publicitaire morose. Est-ce votre cas ?

Effectivement, le problème de CUP Interactive tenait avant tout à son exposition trop importante au marché de la publicité display. Il était nécessaire de nous affranchir des soubresauts du marché et nous diversifier en allant vers l'affiliation et l'e-commerce. La collaboration avec LesNumeriques a été de ce point de vue salutaire, l'expertise de ce dernier, qui réalise une part substantielle de son chiffre d'affaires sur ce créneau, est très forte. Nous avons ainsi intégré toutes ses API qui se connectent à différentes bases de données et pour offrir à l'internaute la possibilité d'acheter un produit dont il est question dans un article ou un test, par exemple. 

On s'approche de la frontière un peu ténue, entre information et publicité. Cela ne risque-t-il pas de porter préjudice à une rédaction qui fait beaucoup d'info ?

Il n'y a aucun problème de dépendance ou de conflit d'intérêts. Il ne s'agit en fait que d'un service supplémentaire à destination de l'internaute. Nous partons du constat que si le produit l'intéresse, il est naturel de l'aider à le trouver. La fonctionnalité, implantée courant septembre, commence déjà à produire ses effets et la part des revenus générés devient intéressante. 


Quid du programmatique ? Misez-vous dessus à l'instar de vos concurrents pour redonner de la valeur à une partie de votre inventaire display ?

Nous avons rejoint Audience Square qui commercialise notre inventaire non-garanti en temps réel. C'est-à-dire toutes les impressions que nous revendions par le passé aux ad-networks et autres réseaux pas très cleans. Cela doit représenter entre 10 et 20% de notre inventaire, selon les mois. Mais l'expérience est très positive. Nous avons d'ailleurs suivi l'exemple du marché en nous mettant également aux deals programmatiques premiums, avec la possibilité pour nos annonceurs de négocier des "first look" sur certains formats ou de cibler un segment d'audience en particulier. 


Autre buzzword que vous évoquez dans votre communiqué de lancement, les native ads...

Nous en faisons depuis un bon moment. D'ailleurs, par native ads, j'entends vraies native ads. Nous sommes d'ailleurs l'un des rares à les intégrer directement via notre CMS, alors que les autres passent le plus souvent par leurs outils de livraison publicitaires ou se contentent de déléguer ça à des réseaux tiers qui sont plus dans une logique de location d'espace qu'autre chose. Mais ce ne sont pas vraiment des native ads car la patte, le ton du site est rarement présente du coup. Aujourd'hui la pratique est essentiellement circonscrite au BtoB. C'est plus difficile sur les thématiques grand-public. L'objectif est d'essayer d'industrialiser un peu plus tout ça courant 2015.

Avec près de 5,5 millions d'euros de pertes (pour un CA de 5,9 millions d'euros) en 2012, la situation économique était catastrophique. Comment comptez-vous redresser la barre ?

Nous absorbions des refacturations énormes de la part de CBS Interactive

Nous payions très cher, c'est le cas de le dire, le fait d'être une filiale de CBS Interactive. Nous absorbions d'énormes coûts qui ne coïncidaient pas avec notre situation économique. Refacturations de services, quote-part de frais tels que l'hébergement... L'équation économique était effectivement intenable. C'est d'ailleurs le sens de cette migration en début d'année. Au delà de l'aspect organisationnel, c'était également un choix économique.

Alors oui c'est difficile de faire un groupe média rentable, surtout vu le contexte économique actuel. Mais ce n'est pas infaisable. Je pense d'ailleurs que nous allons remplir l'objectif que nous nous étions assignés en atteignant la rentabilité au cours de l'exercice 2015.