Julie Costes (Le Parisien) "Avec le paywall intelligent, nous misons sur la gamification de la consommation d'infos"

La directrice des activités digitales payantes du quotidien francilien évoque le test mené sur son application Android et le déploiement d'une DMP avec Weborama.

JDN. La mise à jour de votre application Android a donné lieu à la naissance d'un paywall "intelligent". Le paywall "traditionnel" avait-il montré ses limites ?

Julie Costes - directrice activités digitales payantes et CRM au Parisien© S. de P. Le Parisien

Julie Costes. Disons plutôt qu'il ne nous semble pas adapté à toutes les audiences ! La nôtre est plutôt "grand public" et englobe donc pas mal d'internautes qui sont réfractaires au paiement pour de l'information. D'où l'envie de sortir du schéma binaire payant – gratuit offert par le paywall "traditionnel" pour basculer sur une offre plus granulaire et intelligente.

Nous nous sommes donc inspirés de ce qui se fait dans le gaming en imaginant un système qui permet aux utilisateurs de l'application d'accéder aux contenus du Parisien grâce à une cagnotte de points. Ils ont, chaque semaine, la possibilité de lire quatre articles gratuitement. Passée cette limite, nous leur proposerons plusieurs alternatives pour continuer leur lecture. Créer un compte et renseigner son adresse email, regarder une vidéo partenaire ou acheter des packs. Il s'agit également de rémunérer la fidélité de nos lecteurs pour chaque session identifiée, toutes les 24 heures. Chacune de ces actions leur permet de gagner des points supplémentaires, la lecture d'un article consommant 10 points.

 

Vous vous êtes inspiré du modèle freemium démocratisé par des "Clash of Clans" ou "Candy Crush". Peut-on parler de gamification de la consommation de l'information ?

C'est du moins le pari que nous faisons ! Mais nous avons tenu, dans notre démarche, à respecter les codes de l'information. On ne parle pas de "crédits" mais de "points" et on n'a pas de jauge de points qui bouge à mesure qu'elle se remplit comme c'est le cas dans l'univers du gaming.

Faire basculer des mobinautes vers l'abonnement payant 

Ce test est le fruit d'une réflexion que nous avions autour d'un possible club de marque "Le Parisien" que nous imaginions comme un moyen d'impliquer au mieux notre communauté en "rémunérant" nos lecteurs les plus actifs pour leurs actions. Un moyen donc de les fidéliser et d'augmenter le temps passé sur notre site tout en proposant de nouvelles alternatives à l'abonnement traditionnel. En espérant réussir à convertir certains d'entre eux en abonnés payants.

 

Pourquoi tester le dispositif sur mobile et pas sur Web fixe ?

Cela tient avant tout à la typologie de notre audience mobile, un peu plus jeune et donc plus affinitaire avec la mécanique du gaming. Mais aussi à sa régularité, avec une fréquence de visite plus forte sur mobile que sur Web fixe et une taille suffisamment importante, avec près de 400  000 utilisateurs mensuels.

 

Ce projet a été développé en étroite collaboration avec Google France. Quelle a été la contribution de la plateforme ? Financière, technique ou autre ?

Nous avons travaillé avec les équipes de Google France sur les aspects techniques et marketing de ce projet qui est une première dans le monde. Nous avons détourné l'adserver de Google, Doubleclick for publisher, de son usage d'origine – servir des publicités – pour lui faire proposer des paywall adaptés à l'utilisateur. Un nouvel entrant se verra proposé de créer un compte utilisateur, un autre d'acheter un pack de cinq articles et un dernier de renseigner des informations complémentaires… L'intelligence de l'outil lui permet d'affiner son offre à mesure qu'il récolte des informations sur le mobinaute.

Nous avons également soumis un dossier qui a été sélectionné par le Fonds pour l'innovation numérique de la presse, fonds adossé à Google, qui a permis de financer une partie de ce pilote. L'objectif étant, en cas de succès, de l'étendre à iOS et au Web fixe.

 

Ce sera compatible avec Instant Articles et AMP ?

Pour l'instant non mais nous faisons tout pour que ce soit le cas.           

 

On imagine qu'il y a également derrière ce projet l'envie de capter de la data…

Nous déployons une DMP avec Weborama

C'est effectivement l'un des enjeux : venir nourrir la data management platform (DMP) que nous sommes en train de déployer avec le concours de Weborama. Les emails récoltés et les informations renseignées nous permettront d'affiner notre connaissance du lecteur mobile.

Nous avons une base "Le Parisien" de près de 1,7 million de contacts que nous travaillons via les newsletters et nos programmes de CRM. Mais nous ne sommes pas toujours capable de savoir "qui est qui" sur mobile. Et cela ne nous permet pas de gérer la pression multi-canal. Un utilisateur exposé à plusieurs push sur mobile peut recevoir des e-mails similaires sur sa boîte de réception… au risque de créer de la redondance.