Martin Jaglin (MonPetitGazon) "Nous devrions atteindre 1,3 million d'euros de chiffre d'affaires cette année"

Premier jeu de fantasy football en France, MonPetitGazon comptabilise 1,6 million de joueurs. Son cofondateur Martin Jaglin évoque son développement ainsi que la manière avec laquelle il entretient le lien avec sa communauté.

JDN. Comment est né le concept de MonPetitGazon, un jeu de Fantasy Gaming communément appelé MPG ?

Martin Jaglin, cofondateur de MonPetitGazon © MonPetitGazon

Martin Jaglin. Le concept du Fantasy Gaming ne date pas d'aujourd'hui, que ce soit en Europe ou aux USA. Avant le développement du numérique, ces jeux se faisaient sur papier et permettaient de parier sur des joueurs ou des équipes. De notre côté, moi et mes deux cofondateurs jouions à plusieurs de ces jeux mais aucun ne nous plaisait vraiment à l'exception de Fantaleague, un petit site amateur de Fantasy football que nous avons fini par racheter et qui est devenu Mon Petit Gazon en 2011. Sans avoir investi en marketing et sans application mobile, la communauté s'est développée organiquement pour atteindre 200 000 utilisateurs en 2016. En mars de cette même année, nous avons réalisé une campagne de crowfunding qui nous a permis de réunir 40 000 euros afin de développer notre application. Dans la foulée, nous avons pris la décision de quitter nos emplois respectifs pour nous concentrer pleinement sur le développement de MPG.

Avez-vous quelques chiffres à partager sur votre activité ?

Sur notre dernière saison, nous comptons près de 900 000 joueurs actifs. Près de 1,6 million de personnes ont déjà joué à MPG et je pense que nous pouvons faire encore mieux. Le marché français compte potentiellement 3 à 5 millions de joueurs. Nous avons également développé une seconde application baptisée MonPetitProno qui est active uniquement lors de certains événements comme la Coupe du monde. Elle a pour objectif de remplacer les traditionnels fichiers Excel de pronostics qui circulent dans les entreprises lors de ces grandes compétitions.  L'utilisation de cette application a explosé lors de la dernière Coupe du monde en rassemblant 850 000 utilisateurs sans avoir fait aucune publicité. L'entreprise compte aujourd'hui 14 collaborateurs.

Comment fonctionne le jeu, qui mélange réel et virtuel ?

Au démarrage du jeu, les utilisateurs doivent acheter des joueurs en enchérissant face à leurs adversaires. La performance des joueurs dans MPG est corrélée à leur performance dans la réalité. Par exemple, si un joueur marque un but lors d'un match de Ligue 1, celui-ci sera comptabilisé pour l'équipe qui a recruté ce joueur dans MPG. Nous avons également développé un algorithme qui, à partir de données fournies par l'un de nos partenaires, nous permet d'évaluer la performance d'un joueur après un match. Ces bonnes performances peuvent menées à des buts en fonction des statistiques des joueurs. Nous achetons 100 statistiques par jour et par match, ce qui représente chaque weekend environ 150 000 data sur l'ensemble des 6 championnats.

 

"MPG attire désormais des joueurs qui ne sont pas forcément fan de foot"

MPG est également présent en Espagne et en Grande-Bretagne. Où en êtes-vous dans votre expansion internationale ?

En 2018, nous avons réalisé une levée de fonds d'un million d'euros – avec la participation de personnalités telles que Martin Solveig et Sébastien Bazin - afin de nous aider à exporter notre concept à l'étranger. Concernant l'Angleterre, on dit souvent que Londres est la sixième ville française. Notre idée était donc de nous appuyer sur les nombreux expatriés français pour développer MPG dans un pays qui compte beaucoup de fans de football. Ceci dit, nous n'avons jamais vraiment réalisé de campagne publicitaire sur place. En revanche, après un an et demi sur le marché espagnol, nous y dénombrons 40 000 utilisateurs. Cela reste peu en comparaison avec le marché français et nous cherchons toujours la bonne méthode pour développer notre jeu à l'international depuis Paris.

Qu'est ce qui explique le succès de l'application selon vous ?

Lorsque nous avons réalisé notre levée de fonds, certains investisseurs avaient des questions du type : "à quel besoin répondez-vous" ou "comment allez-vous changer le monde". Lorsque vous êtes dans une industrie comme le gaming ou plus largement le divertissement, la réponse est moins évidente, même si le besoin de se divertir et de socialiser est bien là. Le succès de MPG s'explique car l'application se situe à l'intersection de quatre domaines. MPG est à la fois une application de gaming, de pronostic même s'il n'y a pas d'argent en jeu. C'est aussi un réseau social dans la mesure où chaque joueur joue contre ses amis. Il y a enfin un aspect média puisque les scores des matchs MPG sont liés aux résultats réels du championnat. Notre application rend la Ligue 1 plus fun à regarder. Tous ces éléments contribuent à rendre l'application addictive.

Quel est le profil de vos utilisateurs ?

Nos premiers utilisateurs étaient des passionnés de football. Aujourd'hui, MPG attire des joueurs qui ne sont pas forcément fans de foot mais qui se sont mis à suivre les matchs pour pouvoir jouer contre leurs amis. C'est un peu comme un réseau social à la mode : si tous vos amis utilisent un jeu et que vous n'êtes pas dessus vous prenez le risque de manquer ces moments avec eux. Une fois pris au jeu, peu importe que cela tourne autour du football car c'est avant tout l'envie de gagner qui prend le dessus. Beaucoup de joueurs me disent par exemple que leur groupe Whatsapp le plus actif est celui dédié à MPG. Chaque joueur va généralement se moquer de ses amis après un match, ce qui crée des occasions de discuter. La "vanne" fait partie intégrale du jeu. Nous comptons même des joueurs de football professionnels parmi nos utilisateurs!

" Notre page Facebook affiche un reach organique moyen de 50% à 70% "

Quelle est votre stratégie marketing sur le marché français ?

Nous n'avons pas de stratégie marketing à proprement parler, notre stratégie est plutôt orientée produit. Notre start-up dispose, comme beaucoup d'autres, d'un budget marketing limité. Nous misons tout sur l'expérience utilisateur, notre objectif étant de la rendre la plus addictive et agréable possible afin que les membres de la communauté en parlent autour d'eux. En 2011, nous n'avions même pas d'application et le design de notre site n'était franchement pas esthétique - certains nous comparaient même au Bon Coin. Pourtant, cette interaction entre le réel et le virtuel rendait déjà les gens accrocs au jeu. Les utilisateurs avaient l'impression d'être des coachs de joueurs réels et sont devenus passionnés au point d'en parler à leurs amis, collègues, etc. Nous entretenons une relation très étroite avec notre communauté.

Quels bénéfices tirez-vous de cette relation de proximité avec vos utilisateurs ?

Nous récoltons beaucoup de feedback. Nous avons créé un fichier Excel très basique qui recense à peu près tout ce que nous disent nos joueurs, que ce soit une phrase, un commentaire ou un email de plusieurs pages. Toutes les informations sont agrégées et classées dans trois différentes sections : fonctionnalités prioritaires, non-prioritaires ou idées folles. Cette manière de faire est très intéressante car, une fois les fonctionnalités développées, les joueurs deviennent eux-mêmes ambassadeurs de ce que vous avez créé. Cette relation de proximité s'explique par fait qu'aucun de nos messages n'est préformaté. Répondre aux questions et commentaires demande du temps mais in fine cela augmente l'implication de nos utilisateurs. Résultat : beaucoup d'entre eux nous sollicitent pour prendre l'apéritif avec nous. Malheureusement nous ne pouvons pas accepter toutes ces invitations. Ceci dit, nous recevons parfois certains utilisateurs dans nos locaux.

Quel est le modèle de revenus de MPG ? L'entreprise est-elle rentable ?

Nos revenus proviennent à 80% de la publicité et à 20% des achats in-app. Les utilisateurs ont la possibilité d'acheter des joueurs, des maillots ou différentes options pour aller plus loin dans le jeu. L'entreprise est effectivement rentable. Pour cette dernière saison – nos résultats sont calculés en fonction des saisons des championnats de football – nous devrions atteindre 1,3 million d'euros de chiffre d'affaires.

Pourquoi ne pas introduire de l'argent réel au sein du jeu ?

La première raison est que cela casserait l'ambiance et l'état d'esprit du jeu. L'enjeu ne se limiterait plus simplement à la fierté de battre ses amis mais à gagner de l'argent. La deuxième raison est que nous tomberions dans la catégorie des jeux de hasard qui est très réglementée par l'Etat qui implique l'achat de licences coûteuses ainsi que des audits de sécurité importants.

Quels sont vos objectifs pour la suite ?

Nous aimerions nous diversifier dans d'autres sports collectifs tels que le rugby, le basket, etc.  Mais pour l'heure, il nous reste encore beaucoup d'utilisateurs à conquérir sur le marché français et sur le football qui reste le sport qui génère le plus d'engouement. Nous pensons également à l'étranger où nous cherchons encore le bon modèle pour nous développer et où l'entreprise n'est pas encore rentable.

Martin Jaglin est l'un des trois cofondateurs de la startup Sportech MonPetitGazon, derrière le jeu de Fantasy Football MPG. Auparavant, il a travaillé presque cinq ans pour le groupe 1000mercis en qualité de vice-président exécutif. Avant cela, Martin a occupé le poste de directeur général de l'agence de marketing mobile Ocito et créé le pôle data/CRM de Publicis Digital en France. Il est diplômé en marketing de l'université Dauphine et de la Sorbonne.

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