SVOD, VOD... C'est la guerre des contenus

Dans le monde d'aujourd'hui, tout est à portée de clics pour le consommateur. La culture au sens large du terme est rendue accessible à tous, tant par les innovations technologiques que par le prix. En matière de services de vidéo à la demande, nous voyons depuis plus de 10 ans se développer de nombreuses offres de streaming.

Que vous soyez adeptes de films, de séries, de documentaires, de dessins animés, il y a en pour tous les goûts et pour toutes les envies. Leurs modèles économiques sont pourtant très hétéroclites, à la carte ou packagés, les contenus étant soit produits et édités par des mastodontes du monde du cinéma tels que Warner ou Disney, ou par des pure players comme Netflix, véritable ovni à sa sortie, ou encore issus des GAFAM comme Prime Vidéo, le bras armé d’Amazon pour la SVOD. Toutes ces offres ont quelque chose à proposer de différent et des capacités d’investissement colossales.  Dans ce contexte, comment les nouveaux entrants peuvent-ils prendre une part du gâteau, mais surtout la garder ? 

L’exclusivité, clé de voûte des services de streaming

Une des stratégies mises en place par ces acteurs généralistes est de basculer vers la production de contenus et non plus uniquement la diffusion. C’est le cas de Netflix ou Amazon qui ont pris ce virage il y a quelques années et produisent des films et séries en exclusivité pour leurs plateformes, avec des bandes annonces et des dates de sorties annoncées comme au cinéma. Les contenus produits par ces plateformes ont de plus en plus de poids dans le paysage cinématographique mondial d’ailleurs, avec la consécration de Roma (une production Netflix) aux Oscars en 2019 par exemple, premier film de la compétition autorisé à concourir alors qu’il n’avait pas fait l’objet d’une sortie en salle. Quant au petit nouveau Disney +, il n’a pas hésité à produire quelques films exclusifs et à en faire la promotion, avant même la sortie officielle de son service de streaming

D’ailleurs, pour asseoir la légitimité qu’elles briguent, ces plateformes n’hésitent pas à investir massivement dans des réalisateurs à qui elles confient la direction de leurs productions originales : on peut parler de la collaboration entre David Fincher et les frères Coen pour Netflix, ou encore de Jon Favreau pour Disney +, entres autres. La concurrence entre ces plateformes est telle que l’accès à un catalogue fourni et renouvelé en permanence n’est plus suffisant. L’exclusivité et la qualité sont les nouveaux maître-mots, afin de gagner de nouveaux abonnés et surtout de les fidéliser. 

L’émergence de services thématiques ultra spécialisés

Alors que le marché de la SVOD généraliste est dominé par 3 principaux acteurs (Netflix, Amazon Prime Vidéo et Disney +), nous observons l’émergence d’une multitude d’offres ultra spécialisées qui interviennent en complément des offres généralistes. Ces offres thématiques sont souvent accessibles à des prix inférieurs au prix proposés par les plateformes généralistes, et pour cause : le catalogue n’a pas pour ambition d’être exhaustif et abondant, mais plutôt d’être ultra pertinent, très bien éditorialisé et de correspondre exactement aux attentes de ses fans. Citons par exemple Shadowz qui s’adresse au fans de cinéma de genre, ADN à ceux de japanimation, Queerscreen à la communauté LGBT+, ou encore Zone300 aux chasseurs et pêcheurs.

Ces deux approches éditoriales cohabitent d’ailleurs en parfaite harmonie dans le paysage de la SVOD puisqu’ils répondent à des besoins différents. En effet, il n’est pas rare que les consommateurs s’abonnent à plusieurs de ces services en même temps, en général une plateforme généraliste, plus une ou deux plateformes thématiques. Cette pratique, que l’on appelle le stacking, a déjà été adoptée par 71% des consommateurs de SVOD américains, abonnés à deux services ou plus. 23% d'entre eux sont même abonnés à 4 services ou plus.

Développer une offre pour une poignée de fans : un business model viable? 

Au lieu de viser des millions d’abonnés, ces plateformes se concentrent sur des communautés spécifiques de fans. Pour les éditeurs de ces offres, l’intérêt est double.  D’abord, les barrières à l’entrée sont moins importantes que sur le marché des plateformes généralistes. En s’adressant à un coeur de cible sur chaque service de niche, les producteurs et éditeurs opèrent sur un marché qui existe déjà et, qui plus est, est en demande, car souvent mal adressé par les généralistes. Pas besoin de devoir multiplier les investissements dans les études de marché concurrentielles, dans la publicité grand public ou encore les campagnes d’acquisition client. Les carrefours d’audiences de ces communautés sont facilement identifiables et accessibles.

Ensuite, le retour sur investissement est plus rapide. En ciblant une communauté de fans, la plateforme s’assure plus facilement et surtout pour moins cher, l’acquisition d’une base d’abonnés sur le long terme. Ce qui est plus difficile à obtenir lorsque l’on doit plaire à des profils de consommateurs plus divers les uns que les autres. De plus, la réduction des dépenses sur des postes très coûteux comme la publicité et l’assurance d’abonnements sur la durée permet non seulement à la plateforme d’être rentabilisée plus rapidement mais aussi de dégager une marge de bénéfices qui pourront être réinvestis dans l’acquisition ou la production de nouveaux contenus.

Bien sûr, la réussite de tels services n’est possible que si l’offre proposée est premium, bien pensée, bien éditorialisée et irréprochable. Car si les fans conquis par le projet seront les meilleurs prescripteurs et seront fidèles tout au long de l’aventure, ils seront aussi ceux qui critiqueront le plus si le contenu baisse en qualité ou que leurs attentes ne sont pas satisfaites. C’est pourquoi, il faut absolument maîtriser le sujet en s’entourant de spécialistes de ces communautés pour proposer le contenu le plus pertinent. Les outils qui seront utilisés, principalement le marketing digital, et qui permettront de toucher ces fans, sur les bons canaux, au bon moment, et d’être à l’écoute de leurs retours, seront également primordiaux pour la réussite de ces offres.

Il y a donc sans doute de la place pour des acteurs locaux, qui auront toujours de l’avance sur les gros mastodontes, pour adresser le plus finement et intelligemment possible des communautés qui ne se satisfont pas totalement des offres généralistes, qui par définition auront vocation à s’adresser au plus grand nombre. Le salut des acteurs français, qui ne pourront pas se battre à armes égales sur le terrain des séries, des films et des gros documentaires, doit peut être passer par les niches.