Editeurs, voici comment convaincre les internautes de s'inscrire sur vos sites

Editeurs, voici comment convaincre les internautes de s'inscrire sur vos sites Le JDN a interrogé les sites médias français qui expérimentent pour augmenter le nombre de leurs utilisateurs logués. Découvrez les quatre techniques qui marchent.

Disparition des cookies tiers oblige, les éditeurs dont tout ou partie des revenus proviennent de la publicité se retrouvent face à la nécessité de convaincre leur audience de se connecter. Objectif : optimiser la collecte de données utilisateurs pour mieux valoriser l'inventaire publicitaire et suivre le comportement des utilisateurs cross-device, ce qui est également pratique pour maîtriser la pression publicitaire. Au final, un utilisateur logué peut rapporter jusqu'à cinq fois plus qu'un utilisateur non connecté. Voici comment des sites comme 20 Minutes, Marmiton, Capital ou Ouest France s'y prennent pour convaincre les internautes de s'enregistrer.

Abriter une partie de son contenu derrière un register wall

Ils sont de plus en plus nombreux à déployer une stratégie de register wall, ou data wall. Le JDN est de ceux-là. L'enjeu : convaincre les internautes de se connecter pour accéder à une partie, voire à l'ensemble des contenus d'un site. En France, c'est la start-up Poool qui a fait sa spécialité d'accompagner les éditeurs, dont Capital, dans la mise en place de la pratique. La base du succès, c'est la valeur du contenu abrité derrière le wall, prévient le fondateur de Poool, Maxime Moné. "Un éditeur, dont 90% de l'audience provient des réseaux sociaux et reste rarement plus de 30 secondes par page, aura peu de chances de réussite." Il est, de ce point de vue, primordial de bien réfléchir aux contenus qui seront abrités derrière le wall. Le fondateur de Poool recommande de n'en mettre qu'une partie. "Lorsque l'on dépasse les 40% de trafic issu du wall, on observe que le taux de rebond explose", prévient-t-il. Sur  le JDN, les articles récents sont abrités derrière un wall et basculent en accès libre, passé un certain délai. Certains dossiers, comme ce sujet sur la smart city, font toutefois exception. Sa valeur ne dépérit pas avec le temps et, abrité en permanence derrière le register wall, il permet au JDN d'enrichir sa base de données avec des contacts qualifiés au fil du temps. 

"Lorsque l'on dépasse les 40% de trafic issu du wall, on observe que le taux de rebond explose"

Il est dans tous les cas important de trouver le juste curseur en fonction de ses besoins et spécificités. Un éditeur BtoB qui opère sur une verticale comme la santé se préoccupera moins du taux de rebond, le trafic logué rapportant bien davantage d'un point de vue publicitaire. Mais un autre, plus généraliste, prendra le risque que les utilisateurs ne viennent plus sur son site et qu'ils prennent la décision de s'informer différemment. "Il va augmenter les conversions les trois premiers mois mais il n'aura plus personne à convertir passé ce délai", prévient Maxime Moné. Son trafic global va chuter, de même que ses revenus publicitaires. Pour trouver la bonne mesure entre frustration et engagement, mieux vaut procéder par itérations. L'AB testing est le maître mot. A noter que vous pouvez également décider de recourir à un metered wall. Passé un nombre de contenus consommés, l'utilisateur doit s'inscrire. C'est en phase de réflexion chez le site Marmiton. "On réfléchit à demander l'adresse email des visiteurs qui consomment plus de trois contenus par mois", confie Simon Caillierez, head of product au sein du groupe Unify.

Enrichir l'expérience de lecture

Aller sur un site média, c'est accéder à des articles mais pas que… Ces deux dernières années, les sites et applications se sont enrichis de toute une série de fonctionnalités qui facilitent l'expérience de navigation. Citons le dark mode que l'on retrouve, entre autres, chez 20 Minutes, L'Equipe et les sites de Prisma Media. "C'est bien plus qu'un gadget, c'est une fonctionnalité très demandée sur mobile, qui nous a permis de quintupler en quelques semaines notre audience loguée", explique Constance Martina, responsable CRM chez 20 Minutes. Certes, le quotidien gratuit partait de très bas mais la fonctionnalité, qui a été mise en avant via une série de bandeaux d'auto-promo permettant, d'un simple clic, d'avoir un aperçu du dark mode, est un vrai succès. Le site veut capitaliser sur cette première réussite en proposant toute une batterie de nouvelles fonctionnalités comme la possibilité de sauvegarder des articles. "Plus on proposera de valeur ajoutée aux utilisateurs inscrits, plus ils seront nombreux à le faire", résume Mickael Fromentoux, le directeur du numérique de 20 Minutes.

"Le dark mode nous a permis de quintupler notre audience loguée en quelques semaines"

Le raisonnement est déjà bien ancré chez Marmiton, le site de recettes ayant la dimension servicielle dans son ADN. Le site permet depuis un moment aux utilisateurs connectés de mettre leurs recettes préférées en favoris, pour les retrouver facilement dans un espace dédié. Il veut mieux communiquer à l'avenir sur ce service, jusque-là peu mis en avant. "On cherche à enrichir le parcours utilisateur en renforçant cette dimension servicielle", confirme Simon Caillierez. Les utilisateurs logués se verront bientôt proposés de programmer leurs recettes de la semaine. "Cela prendra la forme d'un agenda personnalisé qui permettra à chacun d'agencer ses recettes préférées", ajoute Simon Caillierez.

Proposer des newsletters sur-mesure

Canal client vieux comme le Web, la newsletter a encore de beaux jours devant elle. Car elle reste un des moyens les plus évidents de récolter une adresse mail ! Bien sûr, la plupart des médias ne peuvent plus se satisfaire d'envoyer une newsletter standard à l'ensemble de leurs bases. L'enjeu, ici, c'est celui de la personnalisation, comme chez Ouest France, où seul le premier des 21 articles affichés dans la newsletter matinale est choisi par la rédaction. "Les autres le sont par une technologie Mediego, qui se base sur l'historique du comportement de l'utilisateur, pour identifier ses centres d'intérêt", explique le directeur du numérique du quotidien, Fabrice Bazard. Ouest France a toutefois pris soin de mettre en place des règles, pour que l'utilisateur ne soit pas exposé à plus de trois ou quatre articles par thématique. "On ne veut pas l'enfermer dans une bulle comme sur Facebook", justifie Fabrice Bazard.

"En s'abonnant à la newsletter, les internautes deviennent automatiquement des utilisateurs logués, un nom d'utilisateur et un mot de passe associé leur étant créés"

Chez 20 Minutes aussi, l'ensemble des newsletters comportent une part de contenus sur-mesure. "Passé les sujets de Une, qui traitent de l'actu chaude, l'utilisateur voit des articles qui sont en ligne avec ceux qu'il a consultés au cours de sa navigation", explique Constance Martina. Depuis la mise en place de cette personnalisation, fin 2019, la récurrence de visites et le temps passé sur le site ont augmenté grâce à ce dispositif, assure 20 Minutes. Le quotidien veut désormais aller plus loin et permettre aux utilisateurs de suivre une actualité. "En se connectant, l'utilisateur peut demander à être alerté directement dans sa boîte mail lorsque paraît un nouvel article sur sa célébrité préférée ou sur un sujet qui l'intéresse", détaille Mickael Fromentoux.

Le quotidien a par ailleurs déployé une nouvelle fonctionnalité, un widget accolé aux articles relayant des initiatives positives, pour permettre aux utilisateurs de s'abonner à la newsletter "Restez positifs avec nous", lancée durant le confinement. "En s'abonnant à la newsletter, les internautes deviennent automatiquement des utilisateurs logués, un nom d'utilisateur et un mot de passe associé leur étant créés", précise Constance Martina. Une friction en moins quand on sait à quel point les internautes peuvent être réticents à renseigner eux-mêmes ce type d'informations.

Ouvrir un espace de débats

Ici encore une fonctionnalité qui ramène aux débuts du Web et à l'âge d'or des forums. Mais un service que la start-up Logora se propose de réinventer, en déployant des espaces de débat au pied de chaque page. Il suffit à l'auteur de l'article de poser une question initiant le débat. Les internautes, une fois logués, pourront alors apporter leurs arguments pour et contre. "Nous mettons en avant l'argument le plus pertinent de chaque camp, qui est désigné en fonction du vote des utilisateurs et de notre algorithme", détaille le fondateur de Logora, Pierre Laburthe-Tolra. Le taux de clic avoisine les 20% au sein de cet espace qui s'apparente à un réseau social où les utilisateurs peuvent liker et partager leurs contributions préférées, être alertés lorsqu'un débatteur poste à nouveau et gagner des badges à mesure qu'ils contribuent au débat, en ajoutant des sources par exemple. "Cette gamification est une véritable booster d'engagement", assure Pierre Laburthe-Tolra.

40 000 inscrits en l'espace de 6 mois pour un site d'info économique client de Logora

Le temps de session par utilisateur a augmenté en moyenne de 2 minutes 30 chez un site d'info économique utilisant la solution. C'est aussi un levier d'inscription efficace. Ce même site a réussi à recruter 40 000 inscrits en l'espace de 6 mois. Cela a toutefois un coût. Logora prélève entre 30 et 40% des revenus générés via son espace de débat. 20 Minutes, Ouest France et les sites de Prisma Media ont, ou vont, intégrer la fonctionnalité. "Le participatif fait partie de l'ADN de notre titre", défend Michael Fromentoux. 20 Minutes s'efforce de rendre son espace commentaires le plus interactif possible, en donnant aux utilisateurs la possibilité de voir quand on leur répond. "Le nombre de commentaires a doublé par rapport à l'année dernière grâce à cette nouveauté, chiffre Constance Martina. Cette fonctionnalité des plus basique est aujourd'hui la source de log principale du site d'informations.