Avec deux metaverses en trois mois, France TV explore le Web 3

Avec deux metaverses en trois mois, France TV explore le Web 3 Après un premier monde immersif en février autour de Stade 2, France Télévisions en expérimente un second à l'occasion de Roland Garros. Retour d'expérience sur un sujet dont tout le monde parle, mais que peu réalisent.

Trois mois après leur toute première expérience grandeur nature dans le métaverse, France Télévisions et Stade 2 reviennent avec un nouveau test d'espace social immersif (ESI), placé en plein cœur de Roland-Garros, en partenariat avec la Fédération Française de Tennis. L'espace est accessible gratuitement pour toute la durée du tournoi via la plateforme de réalité virtuelle sociale VRChat. On y va sous forme d'avatar directement via son PC ou en utilisant un casque de réalité virtuelle (casques PC VR, Meta Quest 1 et 2). "Dans ce monde, nous avons reproduit tous les lieux emblématiques de Roland-Garros ainsi que le studio virtuel de Stade 2", explique Vincent Nalpas, directeur de l'innovation de France Télévision.

Durant la visite, on traverse en effet différents lieux du village du tournoi, conçus pour être quasiment identiques à la réalité : le mythique court Philippe-Chatrier, le studio de France TV, le musée du tournoi… On peut, si on le souhaite, s'installer sur une chaise avec vue sur un écran géant visible partout et diffusant de vraies émissions TV animées par Maxence Regnault, journaliste sportif de la chaîne, monter à la terrasse se servir au bar, visiter le musée, jouer au tennis… "Plusieurs types d'interactions sont proposés : tout est conçu pour que le visiteur fasse ce qu'il souhaite. Il peut jouer au tennis contre un canon à balles ou contre un autre avatar, visiter les lieux, le musée, assister aux lives de l'émission quotidienne voire interagir avec Maxence s'ils se trouvent dans la même instance (la plateforme virtuelle est organisée de façon à ce qu'un monde soit composé d'un nombre illimité d'instances, chacune regroupant 40 avatars qui peuvent interagir entre eux, ndlr.)", décrit Vincent Nalpas. "Notre journaliste peut changer d'instance. On peut également imaginer consacrer une instance à un événement privé, une conférence de presse, etc."

Tout s'articule autour de la visite des lieux avec les invités de France 2

Proposer différentes opportunités d'interaction est le premier objectif visé dans cette deuxième expérience, après l'essai mis en place en février, toujours autour de l'émission Stade 2, mais dans un décor hivernal. "Le but de notre premier essai était essentiellement technique. 1 200 personnes sont malgré tout venues nous visiter. Il n'y avait alors pas vraiment d'occasions d'interagir. C'est pourquoi nous avons souhaité installer un nouvel espace ici à Roland-Garros et construire des contenus avec la direction des sports", explique le directeur de l'innovation de France Télévisions.

S'il est impossible de voir les matches du tournoi dans le métaverse pour l'instant, les droits de diffusion de FTV n'étant évidemment pas mondiaux, tout s'articule autour de la visite des lieux avec les invités de France 2. Les animations se font au fil de l'eau et au gré des opportunités. "Il n'y a pas encore de format précis ou déterminé, rien n'est figé dans cette expérimentation. L'idée est de permettre à Maxence et à ses invités de se promener dans le monde et de le faire découvrir aux visiteurs, comme cela a été le cas avant-hier avec Nelson Monfort qui a fait la visite du musée avec nous et commenté les affiches." Les pastilles, d'une demi-heure ou d'à peine quelques minutes, sont ensuite rediffusées sur le métaverse. Certaines seront poussées sur les réseaux sociaux pour promouvoir l'expérience.

Des caméras prévues dans l'espace virtuel permettent également de filmer ce qu'il s'y passe. "C'est un laboratoire pour nous d'imaginer et de tester comment interagir avec ces différentes caméras pour concevoir d'autres formats, des mini-émissions, et observer comment le public réagit, s'il est réceptif ou non", déclare Vincent Nalpas. "Nous devons anticiper les usages de demain, et cela même si nous ne savons pas encore si ces derniers vont prendre auprès de notre public. Nous devons comprendre ce que signifie de travailler sur le Web3 et le métaverse. Cela implique très concrètement d'identifier les compétences dont nous aurons besoin et la manière dont cela va impacter la production de nos contenus", précise Encarna Marquez, directrice du numérique de France Télévisions.

"Ce sont autant d'opportunités de monétisation pour notre régie"

La deuxième leçon tirée de la toute première expérience en février et mise à profit ces jours-ci tient en effet aux compétences techniques. Si le premier espace immersif a été intégralement conçu et réalisé par la société VRrOOm (la même start-up qui a téléporté Jean-Michel Jarre dans les concerts virtuels qu'il a donnés à la fête de la musique de 2020 et à Notre Dame de Paris le 31 décembre de la même année, en pleine crise sanitaire), pour ce second monde FTV a en partie déjà pu s'appuyer sur ses équipes. "Nous montons en compétences : non seulement nous apprenons à développer ces différents assets, qui appellent des savoir-faire venus du gaming, de la 3D, de l'IT, de l'hébergement, mais en plus nous sommes mieux positionnés pour dimensionner les équipes internes et les ressources externes à affecter à ces projets à l'avenir", explique Vincent Nalpas.

Chaque lieu se prête également parfaitement au placement de messages publicitaires, comme dans la vraie vie, tout autour des courts, dans le bar, les alentours des espaces ouverts à l'affichage, etc. "Ce sont autant d'opportunités de monétisation pour notre régie qui pourront nous servir à financer ces mondes à l'avenir", ajoute-t-il.

L'avenir, justement, est au cœur du sujet : ces tests sont aujourd'hui considérés comme un passage plus qu'obligé pour la chaîne publique, qui doit se positionner et se tenir prête pour un usage, certes encore très incertain, mais qu'il n'est plus possible d'ignorer. "La gen Z passe déjà 26% de son temps sur des jeux de type plateformes de Web3 (Fortnite, Roblox, Minecraft…,, ndlr) : pour ces générations, le gaming est la nouvelle télévision, avec ses interactions et ses communautés. En même temps, ces audiences sont très sensibles aux enjeux environnementaux : accepteront-elles d'adopter un modèle dont l'impact écologique est considérable ? En tant que média public, nous avons l'obligation de nous poser cette question. Tout cela aura des répercussions sur la manière dont le public voudra coconstruire cet avenir avec nous", analyse Encarna Marquez. Mais il n'y a pas que cela : "Nous étudions également les opportunités du Web3 à court terme et surtout la manière dont ce marché doit être organisé. Il est essentiel que les acteurs et les régulateurs français et européens s'y positionnent pour que la promesse du web 3.0 - un Internet décentralisé contrôlé par les utilisateurs et non plus dominé par quelques plateformes - puisse être tenue", conclut-elle.