Yi He (Binance Labs) "Chaque trimestre, Binance Labs investit dans sept ou huit programmes"

Binance a choisi Paris pour organiser sa semaine dédiée à l'industrie. À cette occasion, Yi He, cofondatrice de Binance et CEO de la filiale Labs, développe auprès du JDN la stratégie de son incubateur.

JDN. Binance Labs est l'incubateur de Binance. A quel point cette filiale est-elle importante pour le groupe ?

Yi He, cofondatrice de Binance et CEO de la filiale Labs. © LiBingyue

Yi He. Binance est multiple : il y a tout d'abord Binance.com, le plus gros crypto-échange du monde. Il y a ensuite BNB Chain, qui est très indépendante. C'est une sorte d'infrastructure pour l'industrie dont les gens peuvent se servir pour construire leur entreprise dans le Web3. Puis, il y a Binance Labs qui est ici pour aider l'ensemble de l'écosystème à se tourner vers l'avenir. Historiquement, nous avons investi dans Polygon (réseau secondaire d'Ethereum, ndlr), plus récemment dans Aptos (nouvelle blockchain, ndlr). Ce sont des concurrents de BNB Chain mais je pense que c'est la bonne décision. Nous n'investissons pas seulement pour Binance mais pour toute l'industrie. Ainsi, l'écosystème devient plus fort et à l'inverse, l'industrie a des raisons de soutenir Binance. Aujourd'hui encore, nous investissons dans différents types d'échange, en concurrence avec nous-mêmes et c'est normal, on ne peut pas tout faire nous-mêmes dans cette industrie.

"Je ne stresse jamais sur la façon dont nous investissons notre argent"

Vous avez récemment annoncé le lancement d'un fonds d'investissement de 500 millions de dollars. Comment allez-vous l'utiliser ?

Chaque trimestre, nous choisissons environ sept ou huit programmes parmi 600. Il y a une compétition très forte, car la moitié d'entre eux réussiront, l'autre non. Je ne stresse jamais sur la façon dont nous allons investir cet argent car je ne veux pas que nous nous limitions. Certaines innovations sont chères, comme par exemple Aptos, car ils construisent un nouveau code. C'est onéreux mais si leur vision se concrétise, ce sera une excellente chose pour notre industrie. Ce type de soutien relève de notre responsabilité.

Binance Labs a aidé plus de 200 compagnies à se développer. Quelles sont les principales caractéristiques que vous recherchez ?

Nous avons lancé notre incubateur en 2018. Et l'industrie d'aujourd'hui est encore très immature, un peu comme il y a cinq ans. Nous ne trouvons jamais suffisamment de projets dans lesquels investir. Nous regardons surtout les antécédents et les besoins : certains sont juste des gosses un peu puérils mais très bons codeurs tandis que d'autres ont déjà une expérience d'entrepreneur et nous discutons simplement de leur ambition. Nous sommes dans un marché baissier donc nous pouvons prendre plus de temps pour les connaître, en apprendre davantage sur leur projet, leur communauté...

Binance Labs est en grande partie implanté en France, à Station F. Pouvez-vous nous en dire plus sur le processus qui a conduit à ce choix ?

Je pense que le gouvernement français a énormément travaillé au sujet de la blockchain et sa valeur, sa transparence et son efficacité. Nous avons été très respectés par le gouvernement. Compte tenu de cet intérêt et de cette facilité à dialoguer, nous avons choisi la France. Quand d'autres gouvernements préfèrent suivre la finance traditionnelle, le gouvernement français essaye vraiment de comprendre la technologie et essaye de progresser dans le secteur de l'innovation.

Après le crash de Luna, Binance a été critiqué pour son investissement initial dans la compagnie. Comment répondez-vous à ces commentaires ?

À l'origine, nous étions un petit groupe et nous n'avions investi que deux millions. À cette époque, c'était simplement pour qu'ils continuent leur développement et construisent leur infrastructure. Quand ils ont commencé à s'orienter vers un projet de stablecoin, nous savions que c'était risqué et nous avons arrêté de participer à leurs levées de fonds. Nous ne contrôlons pas une équipe ou des décisions parce que nous investissons quelques centaines de milliers de dollars. En particulier avec les entreprises Web3. C'est très différent du Web traditionnel où vous avez des conseils d'administration, etc...

"Nous ne vendons jamais, notre stratégie est d'investir et de conserver nos actifs sur le long terme"

Pour cette raison, en tant qu'investisseurs, nous savons qu'il y a un risque mais si nous pouvions contrôler ces projets, comment FTX (plateforme de trading US, ndlr) ou Polygon auraient alors ils pu se développer ? Ce sont de grands compétiteurs de Binance dans lesquels nous avons investis. C'est un équilibre à trouver. D'ailleurs, nous ne vendons jamais, notre stratégie est d'investir et de conserver nos actifs sur le long terme.

Vous avez travaillé à la télévision par le passé. Binance a récemment été en passe d'investir dans Forbes avant que l'accord soit annulé. L'industrie des médias est-elle la prochaine étape pour votre groupe ?

Nous avons envisagé Forbes car ils ont avancé très tôt dans la thématique crypto et je trouve ça très intéressant. C'est pourquoi nous avons essayé d'investir mais seulement pour une petite part. J'ai un background dans les médias et pour cette raison, j'ai beaucoup de respect pour les journalistes. C'est une responsabilité particulière de relayer la vérité auprès du reste du monde. C'est pour cela que nous avons investi beaucoup de temps en tant qu'investisseur dans Coinmarketcap, un site d'information crypto. Nous les poussons à produire davantage de contenus car les gens ont besoin d'apprendre. Avec Binance Academy (plateforme de ressources éducatives sur la crypto, ndlr), nous avons cet historique de transmission de savoir.

Ex-animatrice à la télévision chinoise, Yi He a par la suite cofondé la plateforme d'échange de cryptomonnaies OK Coin. Avec CZ, elle cofonde ensuite Binance. En août 2022, elle prend les rênes de l'incubateur Binance Labs.