Les (bonnes) leçons de la chute de FTX

Nombreuses sont les analyses alarmistes qui portent sur l'avenir des cryptomonnaies et des plateformes d'échange centralisées (CEX).

Elles ont toutefois la justesse d’indiquer qu’il y aura un avant et un après dans l’écosystème blockchain. Ce, tant dans la perception des utilisateurs, qu’en matière de transparence chez les éditeurs. 

Il est vain de s’ancrer dans un scénario pessimiste pour l’ensemble de l’écosystème. Après tout, les crises financières ont, des années plus tard, été perçues comme des épreuves du feu qui ont permis aux régulateurs et aux acteurs de trouver des modèles plus durables et plus cohérents pour les utilisateurs. Le scandale FTX marquera donc un point pivot dans l’histoire des plateformes crypto, et permettra à ces dernières d’entrer dans leur âge de raison.

A chaque crise, son enseignement

La faillite de FTX n’est pas sans rappeler les chutes de Lehman Brothers ou d’Enron Corp. Or le fiasco actuel devrait davantage être comparé à la crise connue par le courtier américain spécialisé en produits dérivés, MF Global en 2011. Dans les deux cas, il s’agit d’abus des fonds par des personnes bien conscientes de leurs intentions, dont le comportement grotesque est évident, ce qui offre une analyse plus aisée que les causes à l’origine de la crise des subprimes.

Déjà affecté par l’effondrement de Terra Luna en juin dernier, l’écosystème souffre, c’est évident. Cependant, les raisons du déclin de Terra Luna sont d’ordre technique et non malicieuses comme il en est le cas pour FTX. Les comparaisons hâtives limitent malheureusement les analyses et malgré des amalgames aisés en période de crise, la plupart des acteurs du marché ont aujourd’hui décidé de doubler de vigilance et réévaluent leurs collaborations. Une condition nécessaire à une évolution des activités des plateformes centralisées. N’oublions pas que la chute de Lehman Brothers aura permis d’instaurer des pratiques plus saines en matière d’investissement et de cloisonner les activités à risque.

Retour aux fondamentaux

La communauté crypto dans laquelle nous sommes partie prenante a été particulièrement choquée par les pratiques de FTX et de son fondateur, Sam Bankman-Fried, en matière de lobbying. Sans revenir dans les détails et ses paris hasardeux en politique, tous s’accordent pour dénoncer des intentions qui vont à l’encontre de la philosophie du fondateur du Bitcoin, Satoshi Nakamoto. Comme pour les autres protocoles qui ont donné naissance à des révolutions technologiques, pour ne pas citer le World Wide Web dont les valeurs sont encore défendues aujourd’hui par Tim Berners-Lee, la communauté économique travaillant dans les cryptomonnaies a pour vocation à maintenir, dans la mesure du possible, l’essence déontologique derrière le Bitcoin. Il s’agit entre autres de se préserver justement des attitudes des banques qui créent des bulles spéculatives, ou de maintenir un espace de liberté en se tenant à l’écart des sujets politiques. L’onde de choc provoqué par le cataclysme FTX incarne une piqûre de rappel sans précédent, nous poussant toutes et tous à revenir aux fondamentaux.

Le greenwashing, victime collatérale

Effet secondaire et pas des moindres de la chute de FTX, les investissements socialement et environnementalement responsables issus des fonds dits ESG vont souffrir et devoir gagner en exigence. Car, sous couvert d’une philosophie responsable à impact, les activités de la Fondation FTX aux intentions apparemment nobles couvraient une véritable hypocrisie et des positions risquées.

De nombreux fonds utilisent le terme « durable » de manière abusive sans que les investissements réalisés par ces derniers soient évalués ou contrôlés par les régulateurs. Le scandale FTX pousse donc les institutions publiques à se pencher davantage sur la nature et l’activité de ces fonds plutôt que de prendre les thèses d’investissement de ces derniers pour acquises.

Des plateformes centralisées toujours nécessaires

Cette crise a également remis sur le devant de la scène le débat entre la finance centralisée et la finance décentralisée (DeFi). Si le modèle FTX est certainement la pire manière d’envisager le fonctionnement d’une plateforme crypto centralisée et que le fonctionnement des plateformes décentralisées n’a pas été affecté, les plateformes centralisées ont encore de beaux jours devant elles.

De fait, l’expérience utilisateur sur les plateformes DeFi est opaque et souvent complexe. Ces outils ne se prêtent par ailleurs pas aux activités des gros investisseurs qui ont besoin de négocier en direct avec des interlocuteurs humains ou qui attendent des vitesses de transaction importantes. De leur côté, les petits porteurs qui souhaitent essayer d’investir ou ont simplement besoin d’un outil plug-and-play pour acheter des NFT ont besoin d’outils clefs en main et faciles d’utilisation.

N’oublions pas que pour l’heure, la plupart des protocoles de la finance décentralisée s’appuient sur des plateformes centralisées. Reste aux éditeurs de ces dernières de tirer profit de la chute de FTX en fournissant des informations transparentes et pédagogiques à leurs clients sur l’ensemble de leurs activités.