Apple car : où en est le Project Titan ?
Véhicule complet ou simple technologie ? Si Apple ne cache plus son ambition dans la voiture autonome, la forme que prendra son arrivée sur le marché est encore floue.
[Mise à jour du 11/07/2018 à 11h04] Grâce à un procès, de nouveaux détails émergent sur le programme de développement de véhicules autonomes d'Apple. D'après Reuters, l'entreprise a déposé plainte aux Etats-Unis contre Xiaolang Zhang, un ex-employé accusé d'avoir volé des secrets industriels concernant ses projets de conduite autonome. On y apprend que 5000 employés ont accès à des informations sur le projet, dont un noyau dur de 2700 personnes est autorisé à consulter des bases de données secrètes. Autre découverte, Apple pourrait travailler sur ses propres semi-conducteurs dédiés aux véhicules autonomes. L'entreprise s'intéresserait également à la fusion des capteurs ("sensor fusion"), un procédé de vision par ordinateur permettant de combiner des données issues de plusieurs sources pour plus de précision.
L'Apple Car verra-t-elle le jour ? Plus le temps passe, moins c'est certain. Après avoir tenté de développer dans le plus grand secret son propre véhicule autonome, Apple a confirmé les nombreuses rumeurs et informations de presse au sujet de son intérêt pour les véhicules autonomes. Mais pas de la manière à laquelle on s'attendait : Le 5 juin 2017, son PDG Tim Cook a déclaré à Bloomberg qu'Apple "se concentre sur les systèmes de conduite autonome", refusant d'évoquer quels produits l'entreprise pourrait commercialiser sur la base de cette technologie. Aucune mention d'un véhicule-maison. Fin juin, on apprend qu'Apple loue six véhicules de marque Lexus à la société Hertz afin de tester sa technologie de conduite autonome.
Depuis, Apple continue à tester sa technologie de conduite autonome, et a récemment accéléré la cadence. Alors que l'entreprise n'opérait l'année dernière que trois véhicules autonomes en Californie, où tous les grands noms de la tech et de l'automobile testent leurs voitures sans chauffeurs, elle en possède désormais 55, d'après les données du régulateur automobile californien (DMV). Ce qui fait de la flotte de véhicules autonomes d'Apple la deuxième plus grosse en Californie, derrière General Motors (104) et devant Waymo (Alphabet, maison-mère de Google), qui en fait rouler 51. La taille de cette flotte ne doit cependant pas faire oublier le retard d'Apple, qui a commencé ses tests bien plus tard que ses rivaux. Ainsi, contrairement à plusieurs de ses concurrents, Apple n'a pas encore demandé de permis pour rouler avec ses véhicules autonomes sans opérateur de sécurité à bord, une étape difficile de la recherche qui doit démontrer que ces véhicules fonctionnent aussi bien sans filet.
Selon le New York Times, Apple, prépare également des "Apple Vans". L'entreprise a signé un accord avec Volkswagen en ce sens. Il s'agit d'adapter les vans T6 Transporter du constructeur allemand pour en faire des navettes autonomes et électriques qui transporteront ses employés. Des ambitions bien maigres alors que les concurrents d'Apple comme Waymo sont en train de préparer leurs premiers déploiements commerciaux à petite échelle. Cet accord avec Volkswagen fait suite, à l'échec de négociations avec d'autres constructeurs, comme Mercedes-Benz et BMW, avec lesquels Apple n'a pas réussi à s'entendre sur le contrôle des données et de la relation client.
Comme l'explique une enquête du New York Times fin août, Apple a revu ses ambitions à la baisse. Il était bien question de construire une voiture : des ingénieurs avec ce savoir-faire ont été recrutés. L'entreprise a même tenté de racheter le constructeur de luxe britannique McLaren. Mais le manque de vision claire d'Apple et des désaccords sur le type de véhicule qu'il fallait développer (autonome ou semi-autonome) ont fait capoter le projet.
L'effervescence autour de l'Apple Car a commencé en février 2015. Un correspondant du site américain Claycord croise sur les routes de San Francisco un étrange van équipé sur son toit de nombreux capteurs et caméras. Un équipement semblable à celui la Google Car, remarque alors l'auteur. La voiture autonome du concurrent est déjà publiquement testée sur les routes.
A la même époque, le Wall Street Journal révèle le nom de "Project Titan", qui englobe la stratégie automobile du géant américain. Ce dernier avait déjà attiré la curiosité de Bloomberg en 2013 en débauchant John Morrell, éminent spécialiste de la robotique de l'Université de Yale et l'un des créateurs du Segway.
Des embauches à tours de bras
Toujours en février 2015, Business Insider reçoit un mail d'un employé d'Apple, qui glisse que le groupe "est en train de travailler sur quelque chose qui va donner du fil à retordre à Tesla". Le site américain révèle même qu'Apple compte déjà parmi ses salariés 50 anciens de l'entreprise d'Elon Musk spécialisée dans les berlines de luxe électriques et semi-autonomes. Au total, entre 600 et 1 000 salariés plancheraient déjà sur le projet.
"Apple est en train de travailler sur quelque chose qui va donner du fil à retordre à Tesla"
Quelques jours après, c'est le Financial Times qui révèle que l'entreprise de Tim Cook pioche aussi parmi les équipes d'experts des constructeurs automobiles traditionnels, notamment Mercedes, et des spécialistes de la Silicon Valley. Reuters y va également de ses révélations et affirme notamment que cette voiture sera autonome. Apple "ne semble pas vouloir de l'aide des constructeurs automobiles traditionnels", assure par ailleurs la source de l'agence de presse.
En avril 2016, Apple continue de piocher chez Tesla et embauche l'ancien vice-président de l'ingénierie automobile du constructeur américain pour travailler sur son Projet titan, selon le site d'information spécialisé américain Electrek. A tel point qu'Elon Musk, le patron du constructeur automobile américain, affirme en juin 2016 qu'Apple est un concurrent bien plus redoutable que Google sur le marché du véhicule connecté et autonome, bien que la firme de Cupertino aurait dû selon lui se lancer plus rapidement dans ce business.
Essais sur piste
Apple serait même déjà en phase de tests avancés selon des correspondances entre Jack Hall, le responsable du programme véhicule autonome du centre d'essais GoMentum Station, et l'ingénieur d'Apple Frank Fearon, obtenues par The Guardian. Les échanges évoquent clairement un programme d'essais sur piste imminent. Quelques mois plus tard, The Guardian apprendra que le département californien des transports (DMV), en charge des permis et autorisations de circuler, a rencontré des représentants de la marque.
Steve Zadesky, à la tête du Project Titan et salarié de l'entreprise depuis près de 20 ans, quitte Apple en janvier 2016
Pourtant, le projet connait des difficultés depuis début 2016. Selon le Wall Street Journal, Steve Zadesky, à la tête du Projet titan et salarié de l'entreprise depuis près de 20 ans, et ayant notamment participé à l'avènement de l'iPod, aurait quitté Apple fin janvier. Quelques jours plus tard, le responsable du design de la marque, Jonathan Ive, aurait tapé du poing sur la table, mécontent de la lenteur des avancées faites dernièrement.
En attendant, Apple aurait décidé de stopper tout recrutement pour ce projet. Selon les informations du New York Times, Apple aurait décidé en septembre 2016 de repartir de zéro dans son Projet Titan et de réorienter sa stratégie vers la conception d'un système intelligent embarqué destiné à être distribué aux constructeurs automobiles sous forme de licence plutôt que de produire sa propre voiture. L'entreprise doit aussi faire face à la méfiance des acteurs traditionnels du marché. En avril 2016, les constructeurs allemands BMW et Daimler auraient rompu toute discussion avec l'entreprise à la pomme, selon Handelsblatt. Le journal allemand affirme que les entreprises ne seraient pas parvenues à un accord sur la détention des données issues du véhicule connecté.
Dans une lettre envoyée à la NHTSA début décembre dernier, l'agence fédérale de la sécurité routière américaine, Steve Kenner, directeur du groupe en charge de l'intégrité des produits, affirme que la marque à la pomme "investit massivement dans l'étude de l'apprentissage et de l'automatisation des machines et s'enthousiasme du potentiel des systèmes automatisés dans de nombreux domaines, y compris le transport". La firme de Cupertino entend participer à l'élaboration du cadre législatif autour de la voiture sans chauffeur et se dit prête à partager ses données pour permettre à l'industrie "de concevoir des systèmes pour mieux détecter et répondre à un ensemble de scénarios possibles".