L'opérateur de véhicules autonomes Goggo Network lève 44 millions d'euros

L'opérateur de véhicules autonomes Goggo Network lève 44 millions d'euros La start-up, qui se développe entre la France, l'Allemagne et l'Espagne, veut opérer des services de véhicules autonomes partagés, dans le cadre de grands consortiums privés.

Opérer les véhicules autonomes ne requerra plus de conducteurs, mais toujours du savoir-faire humain hors de l'habitacle. Goggo Network veut devenir l'opérateur et l'organisateur de ces futurs réseaux de transport. La start-up, fondée en août 2018 par Martin Varsavsky, un entrepreneur argentin basé en Espagne, qui a créé et revendu plusieurs entreprises dans l'hébergement web, les télécoms ou encore les énergies renouvelables, annonce une levée de fonds de 44 millions d'euros.

Elle s'entoure de prestigieux actionnaires : le japonais Softbank, notamment investisseur dans Uber et Getaround, ainsi que le groupe de médias allemand Axel Springer (via son fonds Digital Ventures). "Softbank est le plus grand investisseur au monde dans les mobilités, avec plus de 40 milliards investis dans des entreprises du secteur", détaille Martin Varsavsky, qui précise toutefois qu'aucune synergie n'a été actée pour le moment avec d'autres sociétés du portefeuille. "Le véhicule autonome peut devenir un nouveau lieu de consommation de média, Axel Springer se demande donc comment cela pourrait être monétisé", ajoute Yasmine Fage, cofondatrice et directrice opérationnelle de Goggo Network, pour justifier la présence du plus grand groupe de médias européen à son capital. Les fondateurs possèdent-ils encore la majorité du capital après ce tour de table conséquent pour une première levée ? Goggo Network a refusé de nous répondre.

Structuration et lobbying

Pour devenir opérateur de véhicules autonomes, encore faut-il que les technologies soient opérationnelles et commercialisables. En attendant, Goggo Network discute avec les grands noms de l'industrie du transport et de l'automobile en France et en Allemagne, ainsi qu'avec les pouvoirs publics aux échelles locales et nationales. "C'est en France que cet effort est le plus abouti pour l'instant", précise Yasmine Fage.

Elle souhaite convaincre la filière et les autorités de développer un modèle économique atypique proche de celui des télécoms pour le véhicule autonome en Europe : l'octroi de trois licences nationales accordant un droit exclusif d'opérer des services de véhicules autonomes pendant dix ans à trois consortiums d'entreprises. "Les collectivités garderont la main sur le déploiement de ces véhicules, les zones à desservir en priorité, leur intégration à l'offre de transport public, ainsi que le choix du consortium", précise Michaël Fernandez, directeur produit de Goggo Network. Une manière de parer la critique la plus fréquente du modèle mis en avant par la start-up : celui d'une approche verticale où l'Etat adouberait un triopole qui déploierait sans concertation locale une armada de véhicules autonomes, alors que ce sont les collectivités locales qui organisent l'offre de transport public en France.

Tour de chauffe en Espagne

La start-up présente son projet comme une manière de déverrouiller l'investissement en Europe dans les véhicules autonomes, en retard sur celui des Etats-Unis, en apportant une promesse de stabilité et d'échelle aux investisseurs. Elle met aussi en avant un enjeu de souveraineté pour créer un "Airbus du véhicule autonome" et éviter que des entreprises américaines comme Waymo, la filiale d'Alphabet (Google) travaillant sur le véhicule autonome, ne dominent cette nouvelle industrie en Europe. Tout en espérant attirer leurs capitaux, voire leurs technologies, mais en mettant en place les mêmes restrictions que dans des secteurs jugés souverains, comme les télécoms. Ces acteurs non-européens pourraient ainsi participer à ces consortiums, mais en restant investisseurs minoritaires.

Et Goggo Network dans tout cela ? Une fois cette phase de structuration du secteur et de lobbying réglementaire aboutie, la start-up, qui ne génère pour l'instant aucun revenu, espère faire partie de l'un de ces consortiums nationaux, en tant qu'opérateur d'un service de véhicules autonomes partagé et à la demande, avec de premières applications plutôt orientées domicile-travail. La start-up devra donc développer des compétences de gestion des lignes et de flottes ainsi qu'une couche servicielle. Pour ce faire, elle compte expérimenter un service de mobilités avec chauffeur en Espagne, en attendant de pouvoir confier le volant aux machines. 44 millions ne seront pas de trop pour attendre que les véhicules autonomes deviennent un business mature, ce qui prendra des années.