Stationnement à Paris : les places disparaissent, les appétits s'aiguisent

Stationnement à Paris : les places disparaissent, les appétits s'aiguisent La ville, qui souhaite supprimer la moitié de ses 150 000 places de stationnement en voirie, consulte les professionnels des mobilités. Certains tentent d'empêcher l'inévitable, d'autres d'en tirer profit.

Pour poursuivre sa politique de réduction de la place de la voiture, Paris va frapper fort : la ville prévoit de supprimer durant les six prochaines années de mandature la moitié de ses 150 000 places de stationnement en voirie. Afin de préparer cette échéance et décider de l'utilisation de cet espace regagné, Paris consulte les citoyens en ligne jusqu'au 20 décembre, mais aussi les professionnels du secteur des mobilités jusqu'en janvier. La ville ratisse large, avec aussi bien des entreprises du stationnement que les opérateurs de services d'autopartage, de vélos, scooters et trottinettes en libre-service, ou encore les taxis et plateformes VTC. Plusieurs ateliers thématiques (mobilités partagées, offre de stationnement en sous-sol, logistique urbaine...) ont été organisés en visio-conférence depuis septembre. L'occasion pour les entreprises de mettre en avant des propositions pour défendre leurs intérêts ou tirer parti de la disparition de ces places de stationnement.

Cette réforme est d'abord un coup dur pour les acteurs du stationnement en voirie. ParkNow, filiale de stationnement de la joint-venture de mobilités entre BMW et Daimler, est l'une des trois sociétés qui gèrent la réservation et le paiement des 150 000 places de stationnement en voirie. L'entreprise risque donc de perdre à terme la moitié de ses recettes, puisqu'elle prélève une commission sur chaque transaction. Son directeur général en France Olivier Koch est contraint à numéro d'équilibriste, entre soutien des ambitions écologiques de la ville et défense de ses intérêts : "Je suis d'accord qu'il faut se poser la question de la place de la voiture, mais il ne faut pas non plus la désigner comme bouc-émissaire", déplore-t-il. L'entreprise s'attend à une augmentation du prix du stationnement afin de compenser la perte de recettes pour la ville, et réclame la mise en place, comme c'est le cas en Allemagne, de frais fixes de quelques dizaines de centimes octroyés à l'opérateur à chaque réservation. "L'augmentation des tarifs de stationnement n'est pas d'actualité", précise une source au fait du dossier à la mairie de Paris.

Parkings résidentiels et sous-terrain

Les acteurs du stationnement en voirie sont bien seuls à déplorer la diminution des places disponibles, car d'autres entreprises du secteur espèrent au contraire profiter de la mesure pour doper leur activité. En premier lieu les start-up du stationnement résidentiel comme Yespark, qui loue les places inutilisées des bailleurs sociaux et commence aussi à le faire dans les bureaux. "Nous disposons de 15 000 places à Paris, dont 5000 pas encore louées. C'est bien mais insuffisant. La ville, qui est proche des bailleurs sociaux, doit les inciter à proposer davantage leurs places inutilisées", enjoint Charles Pfsiter, directeur général de Yespark. Selon lui, 20 à 25 000 places vacantes sont disponibles chez les bailleurs sociaux parisiens, en comptant les 5 000 de Yespark. La redirection en sous-sol et résidences du stationnement en voirie est "le gros sujet", assure-t-on à la mairie de Paris. "Il faut aider à mieux faire connaître ces offres et régler certaines problématiques comme l'accès du public à ces résidences". 

D'autres entreprises pour lesquelles le stationnement a une influence sur le business veulent récupérer une partie des places appelées à être supprimées. Mobilib, l'offre d'autopartage en boucle (le véhicule est rapporté à son emplacement d'origine) qui a succédé à Autolib, répartit 1 000 places dédiées entre quatre opérateurs (Ada, Communauto, Getaround, Ubeeqo). Ces derniers espèrent profiter de la situation pour faire croître cette limite de 1 000 places, normalement gelée jusqu'en 2024, date du prochain appel d'offres sur le sujet. " Il faut au moins 3 000 places réservées à l'autopartage en boucle pour que les opérateurs puissent générer davantage de volumes et ainsi atteindre le seuil de rentabilité", estime Federica Campina, directrice de Communauto à Paris. Selon nos informations, cette possibilité n'est pas exclue par la mairie, qui n'a pas encore tranché. 

Autopartage et trottinettes en quête de places

Les opérateurs de trottinettes, vélos et scooters en libre-service voudraient eux aussi récupérer des places de stationnement supprimées. Aujourd'hui, seules les trottinettes disposent de 2 500 emplacements dédiés, pouvant chacun accueillir plusieurs appareils. Les vélos et les scooters peuvent se garer sur des emplacements également utilisés par les particuliers. Selon nos informations, Paris semble moins disposée à accéder à cette demande, car les 2 500 emplacements ont été construits l'année dernière, mais aussi parce que la ville souhaite attendre les résultats des expérimentations de stations pour trottinettes déployées avec la start-up américaine Charge.

"Nous ne voulons pas récupérer des places de stationnement pour le principe. Nous proposons à la ville de réaliser un diagnostic d'usage arrondissement par arrondissement afin d'identifier les zones dans lesquelles la densité de places pour trottinettes est trop faible", plaide Maggy Gerbeaux, directrice des affaires publiques de la start-up Dott. Tout comme leurs homologues de l'autopartage, les opérateurs de trottinettes aimeraient aussi régler un problème juridique qui empêche d'enlever un véhicule individuel garé sur leurs emplacements réservés, alors que les leurs finissent à la fourrière lorsqu'ils sont mal stationnés.  

Les discussions avec les professionnels se poursuivront jusqu'en janvier. Après quoi démarrera une convention citoyenne qui s'étalera sur trois week-end, lors de laquelle un panel de Parisiens et d'habitants du grand Paris rédigeront un avis et des propositions consultatives. Puis viendront les délibérations du Conseil de Paris en février-mars. On connaîtra alors les gagnants et les perdants de cette bataille de lobbying autour du stationnement.