Mobilisons-nous intelligemment pour une transition vers une e-mobilité réussie et durable

La transition vers la mobilité électrique exige non seulement une révolution technologique, mais également une sensibilisation aux bonnes pratiques en matière d'usage.

Ces derniers mois, la mobilité électrique a suscité un regain d'attention à la suite de plusieurs annonces. Le Gouvernement débloque en octobre 200 millions d'euros supplémentaires pour accélérer le déploiement des bornes de recharge et atteindre 400 000 équipements d'ici 2030. Au même moment, Izivia et McDonald's officialisent l’installation de 2000 bornes ultra-rapides sur leurs parkings, tandis que l’UFC-Que Choisir publie une étude dénonçant à la fois le déploiement trop lent des bornes mais également un système de tarification “opaque”. Au-delà de ces enjeux, il est bon de rappeler que la transition vers la mobilité électrique exige non seulement une révolution technologique, mais également une sensibilisation aux bonnes pratiques en matière d’usage. 

La transition vers l’e-mobilité en France se heurte à plusieurs difficultés, parmi lesquelles le nombre encore trop faible de points de charge, mais également la qualité et le bon fonctionnement des réseaux publics. Selon le dernier baromètre de l'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (AVERE), les bornes d'une puissance supérieure à 150 kW ne sont disponibles que 74% du temps, rendant ainsi leur utilisation impossible près d'une fois sur quatre. Le déficit de techniciens itinérants sur le marché implique de faire évoluer les bornes de recharge vers des produits réparables à distance ou avec un temps d’intervention sur place moins long. 

L’autre difficulté concerne la disparité des tarifs. Les clients d’opérateurs de mobilité font face à des commissions sur le prix pouvant significativement augmenter le tarif de leur charge en dépit d’une simplicité d’usage et d’un accès à plusieurs prestataires. Le prix de charge affiché ne correspond donc pas au prix final, comme c’est le cas en station essence, même si l’information est disponible sur les applications. L’écosystème de recharge travaille actuellement au développement d’un standard appelé plug and charge. Il suffira de connecter son véhicule à la borne pour être directement facturé sur son compte souscrit auprès d’un opérateur de charge opérant ou non la borne sur laquelle vous êtes connecté, et ce à un prix connu au préalable et affiché. Cette approche, encore peu répandue en France, devrait s’étendre dès l'année prochaine pour les véhicules compatibles et offrir une transparence des prix bienvenue.

Mais si la filière œuvre aujourd’hui pour le développement et la démocratisation de la mobilité électrique, elle doit éviter de calquer le schéma du véhicule thermique, à savoir « faire le plein de carburant », sur celui de la recharge d’un véhicule électrique. En reproduisant le schéma des véhicules thermiques, les acteurs de la filière vont proposer des puissances de charge très élevées. Or, la très haute puissance généralisée serait contraire au principe même de durabilité du modèle électrique. Certes, le déploiement de bornes de recharge ultra-rapide est utile pour convaincre les automobilistes de renoncer au moteur thermique. Mais si ces solutions de forte puissance sont justifiées là où le consommateur est prêt à payer plus cher une charge plus rapide, comme sur les aires d’autoroute par exemple,  elles le sont moins quand le temps de stationnement est plus long (centre commercial, stationnement en voirie, hôtels et restaurants…). A terme, le vrai critère sera le prix du KWh par min de charge. Ceci est d’autant plus vrai que peu de véhicules peuvent bénéficier de cette charge rapide ou ultra-rapide. En effet, la plupart des constructeurs limitent la courbe de charge de leurs véhicules, restreignant ainsi la capacité d'utiliser pleinement la charge rapide ou ultra-rapide. Ce sont ces courbes de charge que devraient regarder les consommateurs avant d’acheter un véhicule. 

Il est ainsi essentiel de sensibiliser les consommateurs aux impacts financiers et environnementaux des puissances utilisées pour recharger leurs véhicules. Cette responsabilité incombe aux acteurs du secteur qui doivent éviter de se focaliser exclusivement sur le déploiement de bornes de recharge rapide et ultra-rapide. L’avenir de l’e-mobilité repose sur la mise en place de bornes de recharge omniprésentes et adaptées en termes de puissance. Il est impératif d'étendre le réseau de manière équilibrée, en proposant différents niveaux de puissance de charge et donc différents prix de KWh, pour favoriser une adoption généralisée et durable des véhicules électriques.

La transition électrique doit répondre aux enjeux environnementaux tout en allégeant les dépenses des utilisateurs. Ne perdons pas une décennie à développer des solutions énergivores et coûteuses. Il est essentiel de sensibiliser la filière et les consommateurs et de s’aligner dans la vision du déploiement du réseau de bornes de recharge pour garantir une transition réussie vers la mobilité électrique vertueuse.