Industrie & durabilité : Après la prise de conscience, il est temps de passer à l'action
Si jusqu'ici les projets industriels prenaient rarement en compte l'aspect environnemental, la tendance est désormais de s'orienter vers des travaux qui font sens.
La lente évolution des comportements face à la réglementation existante
Au travers, notamment, de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), l’Europe esquisse depuis l’an dernier le cadre d’une économie plus verte où valeurs financière et extra-financière seront intégrées. Jusqu’alors, l’obligation de reporting, dont le bilan carbone, ne s’adressait qu’aux très grandes entreprises, et qui était applicable en France à partir de 2024, va désormais s’étendre aux PME cotées en bourse et aux filiales et succursales de sociétés non européennes. Au total, près de 50 000 entreprises seraient concernées en Europe (contre 12 000 précédemment1). Si la réglementation va dans le bon sens, son degré de coercition reste encore à débattre. A cet égard et pour les acteurs industriels, passer par une logique d’intelligence et d'efficacité concurrentielle a, dans les faits, toujours été plus efficace pour convaincre et mobiliser à grande échelle. Rappelons-nous, c’est seulement à la suite de la crise en Ukraine que la prise de conscience énergétique a eu lieu bouleversant ainsi des process internes et externes existants depuis de nombreuses années. Seule la crise a créé une opportunité de rupture dans l’industrie.
La durabilité : une opportunité économique et stratégique pour la France
Dans ce contexte, ce n’est pas pour rien que le projet de loi industrie verte met l’accent sur la reconquête industrielle de la France. Objectif : contribuer à la réindustrialisation du pays tout en favorisant la transition écologique. Ainsi, le projet de loi souhaite, entre autres, diviser par deux le délai moyen pour obtenir une autorisation d’ouverture d’usine (aujourd’hui estimé à dix-sept mois) pour encourager des projets dans l’éolien, le photovoltaïque, les pompes à chaleur, les batteries et l’hydrogène décarboné. En parallèle, le gouvernement prévoit la création d’un « plan d’épargne avenir climat » (en faisant appel à l’épargne privée dans le financement de projets industriels verts) et de favoriser les entreprises vertueuses pour la commande publique.
Les innovations technologiques permettent de transformer durablement des secteurs clefs de l’économie française (tels que l’automobile ou l’aéronautique) et de positionner la France non pas seulement en acteur, mais bien en leader du monde de demain. Ne pas investir dans les batteries, le photovoltaïque, ou l’hydrogène revient à passer à côté de la réindustrialisation “responsable” en France. Aujourd’hui, la Chine contrôle 75% de la chaîne de production des batteries. Les acteurs publics et privés n’ont aucun intérêt à ce que le scénario se répète.
A titre d’exemple, chez Bosch Rexroth, les clients et prospects les plus importants sont tous des industriels engagés dans l’environnement (hydrogène, photovoltaïque, éolien). En matière d’hydrogène, si les équipes anticipent que seuls trois projets sur dix vont véritablement aboutir, collaborer sur des sujets d’avenir qui font la différence crée un enthousiasme contagieux, essentiel dans le canal de vente. De même, les récentes prouesses d’entreprises démontrent que, plus que jamais, la technologie permet de faire du Made in France économiquement et écologiquement viable, tout en gagnant en compétitivité. Aux industriels de se mobiliser Selon une étude récente, deux tiers des industriels ont adopté des objectifs de transition énergétique et de décarbonation (85% dans les grandes entreprises et jusqu’à 50 % dans les PME).
Près d’un sur deux a formulé des objectifs à réaliser d’ici à trois ans et un quart s’estime en avance, quand un autre quart déplore un retard. La mutation vers une économie décarbonée n’est pas une sinécure et pour les industriels, elle implique d’instaurer une culture d’entreprise centralisée autour de la durabilité. En effet, pour fonctionner, la transition doit devenir le chantier de tous les collaborateurs, et pas seulement de la direction. Plusieurs leviers permettent de placer la durabilité comme pivot central de son activité industrielle. Échanger les bonnes pratiques, les expertises et voir les synergies possibles auprès de confrères, d’organismes et de consortiums (comme Excellence Industrie) c’est faire un premier pas dans la bonne direction.
Toutefois, c’est souvent en prenant le taureau par les cornes et en évaluant ses activités concrètes du quotidien que l’on est le plus efficace en matière de changement. Cela implique, par exemple, de remettre en cause des process de collaboration et de R&D en mobilisant ses collaborateurs dans les fonctions commerciales, techniques et de relation client. Par exemple, chez Bosch Rexroth, les équipes travaillaient auparavant avec un bureau d’études indépendant. L’entreprise était un simple fournisseur avec un cahier des charges à remplir. Désormais, l’entreprise apporte un regard de partenaire, mène une véritable réflexion avec son client en amont et en aval sur les sujets de décarbonation. La transition n’est pas toujours simple : elle implique que deux entités partagent la même vision, qu’elles acceptent de partager des éléments confidentiels dans une logique de co-construction.