L'essor du vélo ne doit pas occulter les enjeux de sécurité

Alors que les études confirment un engouement grandissant pour le vélo, nous ne pouvons nous résoudre à faire l'économie de la sécurité et du respect entre les différents usagers de la route.

Un engouement indéniable, mais des résultats limités

L’enthousiasme pour la pratique du vélo, notamment pour les trajets domicile-travail, se manifeste surtout depuis la crise sanitaire. Les chiffres sont éloquents, le vélo détrône la voiture à Paris, 25% des Français l’utilisent une fois par semaine et même plus de 30% dans les centres-villes. Son usage a quant à lui progressé de 5% en 2023 (enquête réalisée par CSA pour le ministère des Transports). Une tendance qui devrait s'amplifier, en particulier à Paris, pendant la période des Jeux Olympiques. Reste que la part modale du vélo en France n’excède pas les 3%. Et si elle monte à près de 9% dans certaines grandes métropoles, elle est bien loin d’atteindre le niveau des Pays-Bas (27%)  ou de la Suède (16,5%). Tout aussi préoccupant, 28% des habitants de l’hexagone avouent avoir une faible maîtrise de leur monture.

Les résultats que l’on observe aujourd’hui chez nos voisins néerlandais sont le fruit de 30 ans de politique volontariste à toutes les échelles : financement, infrastructures, éducation, prévention, … La route est donc encore longue et les défis nombreux, notamment en termes de sécurité et de civisme. Quelques chiffres en témoignent : 37% des cyclistes ne portent jamais de casque, quand 56 % déclarent circuler parfois sur les trottoirs ; 40 % des automobilistes indiquent qu’il leur arrive d’ouvrir leur portière sans vérifier si un vélo arrive, quand 32 % admettent empiéter sur les sas vélo. Si la plupart des incivilités sont commises par les automobilistes (étude Fondation Vinci Autoroutes 2022), 25 % des Français déclarent avoir été déjà victimes d’un mauvais comportement de la part d’un cycliste (chiffres de la prévention routière).

Éduquer, sensibiliser, structurer à toutes les échelles

Pour continuer sur notre lancée et un jour espérer atteindre les chiffres des Pays-Bas, la solution est à mon sens triple. Nous devons d’abord, intégrer l’éducation routière au vélo de manière systématique dans les programmes scolaires, sans y déroger. Le programme “Savoir Rouler à Vélo” avait pour ambition de combler ce manque. Mais au 31 décembre 2023 seuls 179 000 élèves avaient été formés, contre un objectif initial de 200 000. Plus inquiétant, le taux de formation des enfants dans les grandes villes est inférieur à 5 % : autour de 2,5 % à Marseille et Bordeaux ; moins de 0,5 % à Nice et Lyon (banque des territoires). En comparaison, 70% des établissements primaires néerlandais dispensent un programme éducatif qui vise à inculquer aux jeunes élèves les règles essentielles de la conduite à vélo, et ce dès la moyenne section. Le programme s’achève par un examen national annuel (une sorte de permis vélo), destiné aux élèves âgés de 11 à 12 ans. 

Puis, tâche aux collectivités de continuer leurs investissements en termes d’infrastructures pour sécuriser la pratique. Mais aussi et surtout d’intégrer systématiquement le volet sensibilisation dans leur politique publique, à l’image de ce qui a été fait dans le cadre de la loi Agec où des animateurs éduquaient les citoyens au tri des biodéchets sur les marchés. 

Enfin, c’est aux entreprises de s’emparer du sujet. Certaines proposent déjà des quiz consacrés à la sécurité routière, d’autres organisent des tests de vélo, etc… Il faut que cela se généralise. 

Au bilan, il serait vain d’envisager une politique vélo de manière monolithique. Le premier enjeu consiste bien évidemment à mettre le plus de personnes en selle, mais cela ne doit pas se faire au détriment de la sécurité routière. L’exemple des Pays-Bas est parlant et inspirant. Il nous prouve surtout que c’est en étant sensibilisé et éduqué tout au long de sa vie que l’on ancre les pratiques dans la société et que l’on applique ensuite les bons gestes. Et ce, qu'on soit automobiliste ou cycliste.