Plafonnement du prix du carburant par Total : la FF3 veut saisir l'Autorité de la concurrence

Plafonnement du prix du carburant par Total : la FF3 veut saisir l'Autorité de la concurrence La Fédération Française des combustibles, Carburants et Chauffage redoute les effets du plafonnement des prix à 1,99 euro le litre sur les stations-services indépendantes.

Le geste de TotalEnergies en faveur des automobilistes suscite la crainte des autres distributeurs de carburant. La Fédération Française des Combustibles, Carburants et Chauffages (FF3C) compte "saisir prochainement l'Autorité de la concurrence", nous confie son délégué général Frédérique Plan. En cause : depuis le 1er mars 2023, TotalEnergies plafonne à 1,99 euro le litre d'essence et de diesel dans l'ensemble de ses 3 400 stations-services. Une mesure qui doit perdurer jusqu'à la fin de l'année. Le représentant du syndicat des distributeurs de carburant indépendants redoute "une perte de fréquentation des plus petites stations-services, qui ne peuvent se permettre d'appliquer le même plafond".

"Si cette décision n'a pas encore montré d'effets concurrentiels notables", reconnaît Frédéric Plan, "elle pourrait néanmoins le faire dans le cas où le prix de l'essence dépasserait la barre des 2 euros". "Ce qui est déjà le cas dans certaines stations-services en région parisienne et dans d'autres agglomérations", rappelle le délégué général de la FF3C. Ce scénario du litre d'essence à 2 euros est "très probable", selon lui, "au vu des incertitudes qui règnent sur le marché pétrolier". En effet, les fluctuations du cours du baril Brent - conséquence directe de la guerre en Ukraine - entraînent une inflation des prix de l'énergie, et par conséquent des tarifs à la pompe. A cela, s'ajoutent les difficultés d'approvisionnement, les grèves et les blocages dans les raffineries, qui interviennent dans le cadre du mouvement social contre la réforme des retraites.

"Nous craignons de revivre la situation que nous avions connue au moment de la ristourne à la pompe"

La FF3C demande donc à l'Autorité de la concurrence de se pencher sur la question d'une éventuelle "déstabilisation de la concurrence" causée par le plafonnement du prix du carburant instauré par Total. "Nous craignons que ce plafonnement nous fasse revivre la situation que nous avions connue, en fin d'année 2022, au moment de la ristourne à la pompe", explique Frédéric Plan. Pour rappel, entre septembre et décembre 2022, l'exécutif avait mis en place une remise de 30 centimes, passée ensuite à 10 centimes, sur les prix des carburants. Dans son sillage, TotalEnergies avait ajouté à ce rabais une ristourne supplémentaire de 20 centimes, passée ensuite à 10 centimes. Un tel bonus en pleine flambée des prix du carburant, "a conduit de nombreux automobilistes à privilégier les stations-services du réseau Total", se souvient le délégué général de la FF3C. "Nous avions alors constaté une baisse de 50% du volume de carburant distribué dans les stations-services indépendantes", pointe Frédéric Plan.

La Fédération appréhende cette fois les conséquences, encore plus importantes, que pourrait avoir la nouvelle mesure annoncée par le groupe pétrolier français. En 2022, la remise à la pompe défiant toute concurrence n'a duré "que trois mois", souligne Frédéric Plan, "tandis que cette année, le plafonnement des prix de certains carburants va s'étendre sur une période, au moins, trois fois plus longue". L'impact sur les stocks et le commerce des distributeurs indépendants "risque d'être décuplé", déplore le représentant de l'organisation.

"Total ne doit pas être en mesure de court-circuiter les stations-services indépendantes"

En définitive, la FF3C va saisir l'Autorité de la concurrence en espérant que l'institution s'oppose au plafonnement des prix du carburant par TotalEnergies. L'autre souhait de la FF3C serait qu'en cas de blocage des prix, l'Autorité de la concurrence permette aux distributeurs concurrents de Total de pouvoir, eux aussi, profiter du même plafond lorsqu'ils achètent du carburant au géant pétrolier. En effet, en France, l'entreprise jouit d'une position particulière puisqu'il s'agit du seul groupe qui exerce à la fois des activités de production, de raffinage et de distribution de carburant. Concrètement, Total fournit une partie du carburant que l'on trouve dans les hypermarchés et dans les autres stations-services indépendantes. L'entreprise peut donc se permettre plus facilement de raboter ses tarifs. Toutefois, le groupe pétrolier ne doit pas "être en mesure d'utiliser cette position pour court-circuiter les stations-services indépendantes, qui restent nécessaires dans le maillage du réseau routier français en zones d'approvisionnement", affirme Frédéric Plan. Le délégué général de la FF3C aspire à ce que l'autorité de la concurrence se prononce le plus rapidement possible après le dépôt officiel de la saisie.