Avec la sortie en capital, la loi Pacte propose une solution pour libérer l’épargne retraite

L’épargne en France est abondante, mais mal allouée : l’épargne retraite ne totalise que 220 milliards d’euros d’encours contre 1 700 milliards d’euros pour l’assurance-vie et 400 milliards d’euros pour les livrets réglementés. Cette situation pénalise les épargnants qui bénéficient d’un rendement sécurisé et court-termiste faible mais aussi le financement des entreprises. Pour inciter les Français à investir à plus long terme, la loi Pacte fait le pari de la sortie en capital.

L’avantage fiscal accordé à l’épargne retraite a longtemps été associé à une contrainte très forte : l’obligation de liquider son épargne sous forme de rente viagère. Du point de vue de l’Etat et des assureurs, il semblait essentiel d’inciter fiscalement les épargnants à sécuriser leur risque de longévité. En réalité, cela ressemble beaucoup au chantage que je pratique avec mon fils : "Mange tes brocolis si tu veux un dessert". Si mon fils de 5 ans ne comprend pas que les vitamines et anti-oxydants sont meilleurs pour sa santé que les colorants et le saccharose, est-il légitime de considérer qu’un épargnant, c’est-à-dire quelqu’un qui choisit délibérément de mettre de l’argent de côté pour ses vieux jours, n’est pas suffisamment responsable pour choisir librement comment disposer de son épargne ?

De nombreux réseaux commerciaux à faible valeur ajoutée proposent d’ailleurs à leurs clients des stratégies qui s’apparentent à de l’abus de droit pour contourner l’obligation de sortie en rente : plutôt que d’investir 30 000 euros sur un PERP, ils proposent d’investir 10 000 euros sur 3 PERP distincts. Chaque PERP se débouclera par une rente inférieure à 480 euros par an, ce qui autorise l’assureur à racheter cette rente et à verser l’épargne en une seule fois. L’analyse des statistiques fournies par la Fédération Française de l’Assurance est édifiante : en 2014, plus de 80% des prestations en sortie des PERP étaient constituées de rachats de rentes inférieures à 480 euros par an !

Un premier coup de canif a été porté à l’obligation de sortie en rente en 2010, avec l’autorisation, pour tous les souscripteurs de PERP, de libérer 20% sous forme de capital à la retraite (voire 100% en cas de primo-acquisition de la résidence principale). Cette souplesse accrue a porté ses fruits et relancé (un peu) l’intérêt autour d’un produit jusqu’alors peu apprécié des épargnants.  

Le projet de loi Pacte présenté par Bruno Le Maire propose de faire sauter totalement le verrou de la rente : l’épargne retraite individuelle pourra désormais être liquidée en capital ou en rente, au libre choix de l’épargnant :

  • à partir de l’âge de la retraite, sans condition
  • par anticipation, pour acquérir sa résidence principale.
Il est très probable que cette mesure permettra d’accélérer le développement de l’épargne retraite en France. En libérant les épargnants, on leur permet de voir l’épargne retraite non pas comme un piège, mais comme la possibilité d’épargner à long terme et financer comme ils le souhaitent leurs vieux jours : rente, capital ou rachats partiels en capital étalés dans le temps.
Rendez-vous est pris à partir de septembre prochain, et la publication des ordonnances, pour apprécier plus finement les enjeux des différentes stratégies de liquidation.

La loi Pacte donne le pouvoir aux épargnants retraite et fait le pari qu’ils sauront gérer leur épargne intelligemment. Au final, Bruno Le Maire, c’est un peu l’oncle Ben qui explique à Peter Parker : "With great power comes great responsibility".