IFI : usez, mais n'abusez pas des décotes

IFI : usez, mais n'abusez pas des décotes Les contribuables peuvent appliquer certains abattements à la valeur de leurs biens dans leur déclaration d'impôt sur la fortune immobilière (IFI). Gare toutefois aux décotes sur les logements locatifs et sur ceux détenus via une SCI ou en indivision.

Le retour des beaux jours a annoncé la période de la déclaration d'impôt sur la fortune immobilière (IFI). Tout foyer fiscal disposant d'un patrimoine immobilier d'une valeur d'au moins 1,3 millions d'euros (selon son prix de vente au 1er janvier 2022) va devoir s'y soumettre en même temps qu'il déclare ses revenus. Afin de réduire le montant de cet impôt, les propriétaires ne manquent pas de limiter au minimum leur assiette taxable. Celle-ci étant dite nette, il serait dommage, en effet, d'omettre de soustraire du prix des immeubles les dettes qui y sont liées.

En plus de la taxe foncière supportée sur ces biens, il faut donc souscrire le capital restant dû sur les crédits ayant servi à les acquérir, les entretenir ou les améliorer. "Des règles particulières s'appliquent aux crédits in fine, le capital restant dû n'étant déductible qu'au prorata de la durée du prêt restant à courir", prévient Natacha Le Quintrec, avocate fiscaliste à Paris.

Des abattements sur le prix de certains actifs immobiliers sont, par ailleurs, autorisés. A commencer par celui portant sur la résidence principale de 30%, applicable uniquement si ce logement est détenu en direct. Le contribuable ne déclarera donc que 70% de son prix. En contrepartie, seuls 70% des crédits restant dus sur la résidence principale sont déductibles.

Gare aux décotes élevées sur les meublés

Certains investissements ruraux bénéficient, eux aussi, d'un abattement spécifique. Il s'élève à 75% pour les terres agricoles et les parts de groupement foncier agricole, notamment les groupements fonciers viticoles (GFV), sous réserve que ces actifs soient loués pour une durée minimale de 18 ans. Bois, forêts et parts de groupement forestiers sont, eux aussi, à ne déclarer qu'à hauteur de 75% de leur valeur lorsque celle-ci n'excède pas 101 897 euros et à hauteur de 50% au-delà de ce plafond. Sous réserve d'être bien informé sur les conditions à respecter pour les appliquer, vous n'avez aucun risque de voir ces abattements sur les terres agricoles et les forêts contestés par l'administration fiscale, puisqu'ils sont prévus par la loi.

Il en va différemment des décotes appliquées couramment sur les logements loués. Aucune réglementation fiscale ne prévoit le taux de ces décotes, mais elles sont admises. Logique, puisqu'un logement occupé par un locataire se vend habituellement moins cher que le même bien libre. La dépréciation d'un bien occupé est proportionnelle à la durée du bail restant à courir. Or, beaucoup de contribuables appliquent d'emblée une décote de 20%.

Ce pourcentage se justifie si le propriétaire ne peut pas récupérer son logement avant 2 ou 3 ans, en raison de mettre fin au bail en cours. L'administration fiscale pourrait être tentée de contester une décote de 20%, si le logement peut être libéré de son locataire dans les six mois, à l'occasion d'une échéance prochaine du bail. Pour des immeubles loués meublés, il est risqué d'aller au-delà de 10%, car leur récupération est aisée.

Une cession freinée

Une décote est également admise pour les logements détenus en indivision ou via une société civile immobilière (SCI). Elle se justifie par la moindre liquidité de ces biens. Un associé d'une SCI ou un indivisaire peut, en effet, éprouver des difficultés à récupérer sa part d'un bien immobilier. C'est le cas s'il se heurte à un refus des autres indivisaires ou associés, soit de racheter ses parts, soit d'autoriser la vente du logement pour pouvoir récupérer son capital. En pareils cas, une décote de 20% est raisonnable. A condition que l'indivision ou la SCI constituent un réel frein une éventuelle cession. Tel n'est pas le cas de la plupart des SCI familiales. 

Leurs statuts confient, en effet souvent, aux seuls parents les droits de vendre le bien et d'en percevoir les revenus sans l'accord des autres associés, en l'occurrence leurs enfants. Autant dire qu'ils ont les mains libres pour disposer du bien rapidement. Mieux vaut alors qu'ils s'en tiennent à une décote plus limitée, de 5 à 10%, pour se prémunir d'une éventuelle contestation du fisc. Une minoration de 20% à 30% sera, en revanche, plus difficilement contestable si la SCI est aux mains de plusieurs associés se partageant réellement les pouvoirs.

Même son de cloche pour les logements détenus en indivision. A cet égard, une jurisprudence récente de la Cour de la cassation est éclairante. Dans un arrêt du 30 septembre 2020, les hauts magistrats ont réduit de 20 à 5% une décote appliquée à un bien pour le calcul des droits de donation d'un logement détenu en indivision. Motif ? Il s'agissait d'une indivision simple entre une mère et son enfant, dans une situation ne présentant a priori pas d'entrave majeure au projet d'une éventuelle cession. Une décote de l'ordre de 20% doit donc être réservée aux cas où la marge de manœuvre du contribuable pour céder sa part dans l'indivision est réellement réduite. Tel est le cas, par exemple, si le bien est démembré, s'il est entre les mains de nombreux indivisaires ou encore si le contribuable entretient des relations conflictuelles avec ses co-indivisaires.